L’égo, ce mal intérieur …


Le président Emmanuel Macron a, les yeux dans les yeux du peuple, sublimé son discours en pleine semaine, en pleine pause médiane. Il n’a rien dit ou si peu des sujets qui préoccupent ceux qui n’ont pas voté pour lui, ceux qui ont voté pour lui et ceux qui ne votent pas. Donner une interview à 13h pour coller à la vie des territoires. Décidément, la vision égotique des uns travestit souvent la vie des autres.
C’est bien connu, dans les territoires, on rentre manger à midi pile. On regarde le journal de Claire Chazal et on prend un café avant de reprendre son vélo pour retourner labourer la terre derrière un vieux cheval boiteux – dans les films le cheval de la ferme est toujours vieux et boiteux- Outre le fait que Claire Chazal ne présente plus le journal depuis belle lurette, celui de midi encore moins, une telle attitude ouvre le champ à un certain nombre de possibilités. Les plus extrémistes peuvent considérer que cette intervention ressemble pour beaucoup à du foutage de gueule. D’autres envisageront soit à une méconnaissance des us et coutumes de nos belles provinces, quelque soit le calendrier des moissons, soit à prendre les gens des dits territoires pour des neuneus, voire des Français de seconde zone. L’un n’empêchant pas l’autre au demeurant. Ce pourrait être seulement une histoire d’égo aussi. Rien n’est à exclure.
Depuis l’avènement de l’enfant-roi et du couchage-dodo des marmots à point d’heure, le rendez-vous de 20h00 n’avait plus la cote. Ainsi va le monde moderne, ainsi changent les habitudes, ainsi changent les modes de vie. Au nom de l’égo il fallait trouver un autre créneau. De là à vouloir faire un retour aux sources, il n’y avait qu’un pas que le premier cercle de conseillers de notre président de la République a fait. Après la rue à traverser, c’est le foyer à l’ancienne qu’il fallait reconstituer. Celui des années 60 peut-être ? Un basculement dans un espace-temps, voire un monde parallèle. Comme une image d’Épinal – dans les Vosges – avec la mère à la gauche du père, à sa droite le fils aîné et le reste de la fratrie rassemblé tout autour de la table, en semaine comme le dimanche. Pendant que le patriarche lampait la bonne soupe aux légumes cultivés dans le jardin, à la manière du Bombé, le discours devait passer crème. Manu et son égo sont des romantiques du temps passé. Ils ont trouvé en l’espèce leur madeleine de Proust. Ils fantasment une époque qu’ils n’ont pas connu car le premier est né trop tard et le second était forcément pas encore assez développé. C’est une période idéalisée où, dans le souvenir impossible macronien, les hommes pointaient à l’usine, les femmes faisaient la cuisine et la marmaille la fermait de peur de prendre une taloche. Le patriarcat, des classes sociales tellement bien identifiées, des cases pour tout le monde, des riches et des pauvres, des petits et des grands, des gros et des maigres, des blancs et des noirs, mais surtout pas beaucoup de noirs. C’était un autre temps que les boomers, ceux qui sont déjà à la retraite, ou en passe de l’être avant le coup de Trafalgar du 49-3, connaissent bien pour l’avoir vécu. S’ils le regrettent c’est parce qu’ils avaient cinquante ans de moins et seulement pour ça. Sinon leurs visions de ce moment sont toutes autres !
Enfant gâté et protée de la politique, chef de l’État porphyrogénète du socialisme, à vouloir faire péter les galons, notre président s’est quand même un peu emmêlé les pinceaux. L’avatar diplomatique avec la Grande-Bretagne a fini sa semaine déjà mal embarquée. À la manière d’un escargot, son égo a dû se recroqueviller dans sa coquille élyséenne quand la visite du roi Charles III a été annulée. On a beaucoup chanté « lundi matin l’empereur, sa femme et le petit prince sont venus chez moi pour me serrer la pince… », à Charles quand il était petit. Il a eu peur de venir toquer pour rien à la porte du château de Versailles. Le lundi ça n’allait pas être possible. Le mardi, non plus. Quant au mercredi, à Bordeaux, ça ne pouvait pas le faire…
Planter l’égo pour une chansonnette pour enfant, c’est ballot quand même.

Fabrice Simoes