Les femmes de Saint-Jean marchent pour leur quartier


GIRL POWER A Châteauroux le quartier Saint-Jean est au cœur du nouveau plan de renouvellement urbain (NPRU). Les marcheuses ont dressé un état des lieux pour prendre leur place dans cette rénovation.
Pierre Belsoeur

Victorine énumère les revendications des femmes, lors d’une halte de la marche exploratoire.

Le préfet en bras de chemise arpentant les rues de Saint-Jean au milieu d’un essaim de femmes. C’était la dernière phase d’une opération intitulée « Les marches exploratoires, diagnostic en marchant ». Seymour Morsy n’est jamais aussi à l’aise que dans ces situations où il quitte le corset administratif ( même si l’autorité du haut fonctionnaire n’est jamais très loin) pour se mêler aux habitants des quartiers populaires et y retrouver des Français de Mayotte, son dernier poste avant le Berry. A ses côtés, Gil Averous, l’autre acteur majeur du NPRU, président de Châteauroux Métropole, bordé d’une collection de maires adjoints. Tous deux étaient en quelque sorte les invités des femmes du quartier qui ont réfléchi pendant une dizaine de mois aux améliorations qu’elles aimeraient voir apporter à leur environnement. Il a déjà changé depuis la première marche exploratoire puisque l’énorme barre Iéna a disparu, laissant place à un terrain nu et ouvrant la vue sur le coeur de Saint Jean.

Un restaurant féminin multiculturel
Pour ceux qui avaient effectué la première marche aux côtés d’Angelique, Nora, Yasmina, Victorine et les autres, aucune découverte à attendre. Les points noirs identifiés restent les mêmes. La rue Bernard Louvet où se déroulent les trafics, le renforcement de l’éclairage pour permettre aux piétons de circuler en toute tranquillité à la tombée de la nuit. Des espaces verts avec des bancs face à face qui permettent de passer un moment ensemble, un centre commercial à réaménager pour le rendre accessible aux handicapés, des aménagements à proximité de l’écoles primaire, notamment pour permettre aux parents d’attendre leurs enfants à l’abri…
Autant d’observations et propositions liées au vécu des populations et que les aménageurs ne peuvent guère contester. La plaquette remise aux élus au terme de ce rendez-vous est plutôt luxueuse, mais les souhaits des habitantes n’engendrent pas une dépense exorbitante. Dans le cadre du PNRU le centre commercial Saint-Jean va d’ailleurs effectuer une mue plus importante que celle réclamée par les femmes du quartier. Toutes leurs remarques seront donc prises en compte.
Mais s’il s’agit de tourner un banc, modifier un escalier ou un éclairage, c’est une question de budget. La police peut aussi intervenir pour désorganiser les trafics « Attention, a prévenu le préfet, si on est là tous les jours à la même heure, ça ne servira pas à grand chose. Par contre nous allons intensifier les passages. Il faut que ça se sache. » Là où élus, police et responsables administratifs ne peuvent pas grand chose c’est lorsqu’il s’agit de changer les mentalités. La visite de courtoisie aux cafés de Centre s’est sans doute très bien passée : les messieurs se sont levés pour saluer les élus, ont serré la main des élues, mais est-ce que cela signifie pour autant que leur attitude vis à vis des femmes va changer ?
Ce qui risque de changer en revanche c’est l’ouverture d’un restaurant de femmes, multiculturel , face au rond point. Victorine l’avait rêvé à voix haute. Le local existait il n’y avait plus qu’à rouvrir ses portes. Les représentants de Scalis ont confirmé que cet immeuble n’était pas destiné à disparaître. Le resto des femmes, dès que les démarches administratives seront effectuées, pourrait donc être la première réalisation spectaculaire que Yasmina appelait de ses voeux, sous peine de perdre définitivement l’envie de s’engager.

Et pourquoi pas un potager
D‘autres idées ont été lancées au cours de l’échange, au centre social Saint-Jean. Notamment l’idée d’un potager participatif au milieu des espaces verts du quartier, provoquant l’interrogation de Roland Vrillon : « où et qui gère quoi ?». Autrement dit les femmes de Saint-Jean n’avaient pas rendez-vous avec le Père Noël en ce chaud après-midi de septembre. Le plus dur reste à faire : reprendre en main leur destin en mettant en place une structure (qui pourra être mixte) qui leur permette d’intervenir dans leur quartier sans être entourées du préfet, du maire et du commissaire de police. Mais la marche exploratoire était déjà un premier pas.