Un terroir sinon rien! Par Gérard Bardon



Octobre, les feuilles se ramassent à la pelle, les souvenirs… aussi, mais l’excitation resurgit, l’envie revient. Oui ! Car c’est le moment où la société CPE, éditrice du Petit Solognot, sous la houlette de Christophe Matho, sort ses almanachs des terroirs de France. Almanachs qui offrent à chacune et chacun un petit morceau retrouvé de son terroir. Je le crie haut et fort, quitte à passer pour un ringard, le terroir, c’est chez nous ! C’est l’endroit où sont enfouies nos racines! C’est un peu de terre qui nous colle aux pieds ! Cette terre foulée par nos arrière-grands-parents, nos grands-parents, nos parents et qui sera foulée, après quelques escapades, aventures nécessaires, par nos enfants, nos petits-enfants, du moins espérons-le.
Alors, certes, nous sommes, globalisation oblige, Terriens, Européens, Français bien sûr, mais Solognot, Berrichon, Landais, Picard, Lorrain, Auvergnat… d’abord !
Le terroir n’est pas une notion abstraite ni une simple vue d’un esprit cocardier. Le terroir c’est les champs, les prés et les vignobles. C’est les landes, les rivières et les marais. C’est les villes, les villages et les hameaux. Le terroir c’est vivant, à l’échelle de la petite personne que nous sommes, et c’est réconfortant.
Profiter du terroir, c’est profiter de l’ombre d’un vieux chêne, du moelleux d’une botte de foin. C’est se réchauffer au rayon amical du soleil ou se rafraîchir sous une ondée soudaine ! Profiter du terroir, c’est se régaler de l’eau fraîche d’une source limpide, d’un vin gouleyant, d’un bol de lait fumant ou d’un fromage crémeux !
Retrouver le terroir, c’est se promener dans une nature encore parfois sauvage, bien que trop inconsidérément domestiquée, voire engrillagée, et si mal exploitée. Ce sont aussi ces femmes et ces hommes, submergés par un galopant progrès et cherchant, derrière eux, les marques et les souvenirs d’une époque révolue et pourtant pas si lointaine. Le terroir a une mémoire, celle de la vie simple, bien que souvent très rude, de nos ancêtres les paysans, devenus, malgré eux, des agriculteurs soumis aux techniques modernes, au productivisme échevelé, au bon vouloir des banquiers, aux technocrates européens…
Il y eut le temps où partir, loin, très loin, offrait des découvertes et des promesses de meilleures richesses. Pendant six siècles, les pays « exotiques » ont été les terrains privilégiés de voyages prometteurs, les hauts lieux du dépaysement, le but de recherches sur la nature et les sociétés humaines. On sait, maintenant, qu’il n’y a plus sur notre planète de terres à découvrir. On aura au moins appris que l’exotisme est relatif et réciproque. Un Landais, un Catalan, un Normand dans un village Inuit sont au moins aussi étranges qu’un Maori dans un village picard ou auvergnat.
Le monde s’est ouvert, s’est dévoilé, s’est offert, se rétrécissant d’ailleurs du même coup, apportant la peur et l’angoisse de ce qui est vaste, immense, sans contours véritables. Vouloir être citoyen du monde, voilà une idée géniale et formidable pour la recherche de la paix, pour éradiquer toutes formes de racisme et de xénophobie, pour la réduction des disparités sociales, pour une meilleure répartition des richesses… mais pouvoir se retrouver « chez soi », sur la terre de ses ancêtres est aussi nécessaire. S’aviser que le Breton, le Basque, le Corse (n’est-ce pas Jean-Pierre…) ou l’Alsacien sont de véritables langues, ce n’est pas forcément se replier sur soi-même dans un régionalisme outré et restrictif, mais plutôt se rappeler d’où l’on vient. C’est-à-dire qui on est !
Redécouvrir les terroirs, c’est sûrement mieux comprendre la province, souvent dans l’ombre de la capitale. C’est redécouvrir la patience du paysan, son sens affirmé de l’observation, se remémorer les techniques, les outils, redécouvrir les végétaux et les animaux.
Faire vivre le terroir et ne pas l’enterrer, c’est faire revivre les coutumes, les fêtes calendaires et agraires. C’est remonter le temps et l’histoire d’un petit morceau de France en acceptant ses évolutions sans renier son passé, sans repentance mais avec lucidité.
Redécouvrir le goût du terroir, c’est retrouver les saveurs d’un pot-au-feu, d’un petit salé aux lentilles, d’une choucroute, d’une garbure, d’une tarte Tatin, d’une fondue savoyarde ou bourguignonne, d’une belle bière blonde ou d’un cidre bouché, d’un Romorantin frais, d’un onctueux camembert ou d’un savoureux Selles-sur-Cher…
Le terroir n’est pas une entité administrative, c’est une réalité du cœur, une souche. Il n’a pas besoin d’élus pour se représenter. Les souvenirs et les traditions suffisent. Il ne risque donc rien des réformes successives des collectivités locales, il a si bien résisté à l’empilement des différentes couches. Pas inintéressante cette réforme qui vise à simplifier les règles et à réduire la représentation, bien qu’un peu trop timide à mon gré.
Ne pas oublier son terroir, c’est remettre ses pas dans les pas de son père et accepter le passé. C’est y puiser le présent et fabriquer l’avenir en poursuivant son chemin au gré des vents éternels, regardant impuissant les heures qui s’effilochent en dévorant les nôtres.
Alors n’hésitez pas et procurez-vous un morceau de votre terroir avec l’Almanach du Solognot, du Berrichon, des Gens d’Auvergne, du Basque, du Breton, de l’Alsacien, des Gens du Nord… Cherchez bien, le vôtre est dans la collection !
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