l’histoire de l’été : Les sangliers fossoyeurs : La Sologne, pays de légendes (suite)

En attendant les vacances, retrouvez le deuxième épisode de notre une histoire de l’été.

Jeudi
Effondrés, Caroline et Jean sont attablés dans leur cuisine. Jean, qui vient de relater sa macabre découverte à son épouse, n’arrive toujours pas à comprendre comment ce mort a pu être enterré là. « C’est certainement arrivé avant notre installation », argumente Caroline. Le couple a convenu, du jour où ils se sont mariés, qu’en cas de problèmes, ils se concerteraient avant de prendre une décision.
« Bon ! Il est évident qu’au bout de cette main, il y a un corps. Tu sais, Jean, nous allons devoir prévenir les gendarmes sans tarder. » déclare Caroline. « Mais je ne te dis pas la tonne d’enmerdes qui va nous tomber dessus. Notre vie va être chamboulée. Mais quoi faire d’autre ? Recouvrir cette main et vivre comme si elle n’avait jamais existé ? J’en suis bien incapable… et, te connaissant, toi non plus. »
Jean téléphone à la gendarmerie de Lamotte-Beuvron à dix heures. D’abord laconique, le militaire devient de plus en plus attentif au fur et à mesure qu’il lui explique sa macabre découverte. Après une courte concertation avec l’un de ses supérieurs, la réaction ne se fait pas attendre… « Surtout, ne touchez à rien, nous arrivons ! Nous serons chez vous dans un quart d’heure. »
C’est avec sirène et gyrophare allumé que la camionnette de la gendarmerie fait son arrivée devant le portail de leur maison, manifestations dont se seraient bien passées les Dubreuil.
Parmi les quatre gendarmes qui sortent du véhicule, Jean reconnait Maurice, un de ses copains de chasse, qui vient lui serrer la main. Le salut de son supérieur, un homme jeune au visage émacié, est plus solennel. Sans perdre un instant, celui-ci leur demande de les accompagner à l’endroit où une main aurait été soi-disant découverte. Arrivé sur place, le commandant s’accroupit. Il examine avec attention le membre qui sort de terre, le sol, l’environnement chambardé par les sangliers. Il ne fait aucun doute que ce sont bien eux qui ont déterré cette main.
Puis, après s’être relevé, il s’adresse aux Dubreuil.
« Je vous demande de rentrer chez vous, et surtout, de ne plus vous approcher de cet endroit. Je vais demander à une équipe de spécialistes d’intervenir dans le but de savoir s’il y a un corps avec cette main. Vous serez interrogé prochainement. D’ici là, je vous remercie de ne pas vous éloigner, nous aurons peut-être besoin de vous. »
Le ton est loin d’être chaleureux. Heureusement, Maurice s’approche de Caroline et de Jean pour tempérer les propos de son chef. « Allons, ne vous faites pas trop de souci ! C’est la procédure. Moi qui vous connais bien, tous les deux, il est vrai que cette découverte est un évènement très ennuyeux. Mais, j’ai une totale confiance en vous. C’est exactement ce que j’ai dit à mon supérieur en venant ici ! »
Tout le reste de la journée, les Dubreuil, devant leurs fenêtres, assistent à un défilement de gendarmes, de civiles en blouses blanches, de véhicules. Les voisins, curieux, passent sans arrêt devant leur portail. Pour faciliter le travail des hommes en train de creuser, une excavatrice est amenée dans un camion.
En fin de matinée, un corps est dégagé. Le cadavre est mis dans un grand sac en plastique, puis il est déposé dans une ambulance qui démarre aussitôt, sirène hurlante.
Les fouilles continuent le reste de la journée…
À la nuit tombée, le commandant vient frapper à leur porte. Caroline, anxieuse, mais impatiente d’avoir des nouvelles, le fait entrer…
« Je viens pour vous annoncer que le corps d’un homme entièrement dénudé, âgé de trente à quarante ans, a été déterré. D’après les premières constatations, il semble que son décès et son enfouissement remontent à peu de temps. Dès demain matin, une équipe va continuer à sonder votre terrain, pour s’assurer… qu’il ne nous réserve pas d’autres surprises. Je vous attends à la gendarmerie de Lamotte, demain, à neuf heures, où vous devrez répondre à quelques questions. D’ici là, j’espère que nous en serons un peu plus sur cet inconnu. »
Sur ce, le gendarme les salut militairement avant de tourner les talons…
À peine la porte refermée, Caroline, à bout de nerf, éclate en sanglot. Jean prend sa femme dans ses bras, en l’assurant que tout devrait être bientôt terminé.
Le couple passe une soirée maussade. Après dîner, Jean décide de téléphoner à ses enfants pour leur annoncer l’incroyable nouvelle. Il parle d’abord à Laurence, qui n’arrive pas à croire ce que lui raconte son père. La fille passe ensuite un long moment à remonter le moral de sa mère. Jean tente de joindre Romain sur son portable, qui ne décroche pas. Il lui laisse un message pour lui annoncer tous leurs malheurs, en lui demandant de rappeler.

Vendredi
À neuf heures précises, les Dubreuil poussent la porte de la gendarmerie. Une femme gendarme les fait asseoir et leur demande d’attendre. Ce n’est que largement passé dix heures que la même personne, après avoir commandé à Jean de rester assis là, demande à Caroline d’entrer dans une pièce où elle va être auditionnée.
Trois gendarmes sont présents ! Le commandant est assis derrière un bureau, un autre, debout à côté de lui, l’observe, l’air sévère, tandis que le troisième, installé devant un ordinateur, se tient prêt à taper sa déposition. La première question qui lui est posée, la déconcerte.
« Madame, connaissez-vous un individu qui s’appelle Francis Dulac ? »
Caroline, troublée, répond par la négative.
« C’est le nom de la personne qui a été retrouvée enterrée dans votre jardin. Réfléchissez bien ! Ce nom vous est-il complètement inconnu ? »
Caroline avoue se souvenir qu’un des amis de son fils, du temps de l’école primaire, quand ils habitaient Tours, s’appelait effectivement Francis Dulac, mais que cela ne peut être qu’une coïncidence.
« Je ne crois pas que ce soit la même personne, Francis et Romain se sont perdus de vue depuis longtemps. Imaginez, cela date d’une trentaine d’année… »
Les trois gendarmes se consultent du regard.
L’adjudant prend alors la parole
« Francis Dulac, que nous avons identifié grâce à son ADN, était bien connu de nos services. Il a été condamné plusieurs fois, ce qui l’a contraint d’effectuer deux séjours en prison, dont un de trois ans. Cet homme, dangereux et peu recommandable, était fiché au « grand banditisme ». Il semble que son décès soit la conséquence de deux blessures faites par balles. D’après le médecin légiste, son enfouissement aurait eu lieu, il y a environ trois mois. »
Pendant plus d’une heure, les trois gendarmes posent différentes questions à Caroline, sur ses fréquentations, son entente avec Jean, ses enfants, tout en revenant régulièrement à Francis Dulac. Puis, c’est au tour de Jean, qui leur dit se souvenir vaguement d’un Francis Dulac, ami de son fils…
Avant de les libérer, un gendarme lui demande de bien vouloir noter les coordonnées de Romain et de Laurence.
Les Dubreuil, épuisés, sortent de la Gendarmerie à quinze heures passées.
Jean, pour détendre l’atmosphère, prend amoureusement Caroline par l’épaule, en affirmant.
« Alors, tu vois ! Ce n’était pas si terrible… Tout cela va bientôt être terminé ! »
« Mon pauvre chéri », lui répond Caroline. « Tu n’as vraiment rien compris. Tout, au contraire, ne fait que commencer… »
À suivre … Cauchemar