Le miel, baromètre de la nature


Souvenons-nous de nos cours de biologie, qui nous apprenaient que pour faire naître un concombre ou une tomate, il faut des fleurs, des étamines, et le pollen que déplacent les insectes pollinisateurs. La nature n’a pas oublié, mais l’Homme, si. Florent Vacher, apiculteur depuis quatre générations à La Ferté-Saint-Aubin, nous fait un cours de rattrapage.

Florent Vacher s’est lancé dans une croisade pour que la nature reprenne ses droits. « Le contexte est difficile », dit-il. Il en veut pour preuve la production de miel, baromètre imparable. « On mange en France 40 000 tonnes de miel, on en produit à peine 10 000, essentiellement en Sologne, Auvergne, Ardèche et Bretagne ». Les 30 000 tonnes perdues l’ont été dans les zones de culture intensive de blé et de betterave comme la Beauce, la Vendée et les Charentes. On y cultivait autrefois du tournesol. « On paye le prix fort de la Politique Agricole Commune, dit-il encore. Elle rémunère les agriculteurs pour abandonner 20% des champs en jachères, dans lesquels il n’y a plus que de l’herbe. Pas de fleurs donc pas de pollen, plus de pollinisateurs, plus d’abeilles. L’équation est bouclée. Or les pollinisateurs ( abeilles, guêpes, papillons, coccinelles… Il y en a plus de mille sortes) sont responsables de 80% de l’alimentation mondiale, fruits et légumes notamment. Mais ça, on l’a un peu oublié. »

Apiculteurs Associés
Il y a vingt ans, au début du déclin de l’apiculture, Florent Vacher, comme tant d’autres, voyait ses ruches décimées et sa production de miel en berne. D’où l’idée d’une association de producteurs en coopérative, pour limiter les intermédiaires. Ensemble, ils sont allés vendre leur production à la grande distribution, et faire valoir leur travail auprès du public. Opération gagnante qui a permis d’enrichir les rayons en miels régionaux et miels de cru mono-floraux. « On a enrichi l’offre et la diversité des terroirs ». Florent Vacher a depuis créé la marque Famille Vacher, qui collecte les miels de ses confrères, les conditionne et les distribue. Avec 15 M€ de chiffre d’affaires, c’est aujourd’hui la deuxième marque française derrière le géant Lune de Miel. Mais Florent ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Il a des idées plein la tête. Tout d’abord, les marchés de l’hôtellerie et de la restauration. Des millions de coupelles de miel sont distribuées dans les petits déjeuners quotidiens, mais que du miel d’importation. Il faut convaincre les groupes Accor, Novotel, Campanile et les autres. Idem pour les restaurants qui proposent des pizzas chèvre-miel, un fromage blanc au miel… À l’heure de la French-Fab et de la traçabilité, de la RSE et de la relocalisation, la gastronomie française vaut bien quelques centimes. Ce ne sont pas là que de vains mots. Florent Vacher a intégré l’accélérateur de PME au sein du programme BPI, Banque Publique d’Investissement. Sans oublier les 3 000 magasins bio de France dans lesquels il ne serait pas compliqué d’installer des tireuses à miel.

Bientôt un centre de formation de miélologie
Miélologie, ne cherchez pas dans le dico, le mot n’existe pas, c’est Florent qui l’a inventé, et déposé ! Un grand nombre d’apiculteurs ne sont pas formés autrement que sur le tard. « Je travaille à la création d’un centre de formation et d’accompagnement, avec des conseillers techniques et même un hébergement pour une douzaine de stagiaires ». On y apprendra la gelée royale, l’élevage des reines, la biologie végétale, l’étude de marché et d’implantation… Quant au tutorat, il sera assuré par l’ensemble des apiculteurs de l’Hexagone, déjà membres du réseau. Ce même réseau qui bénéficiera des innovations techniques et génétiques, et des matériels au meilleur coût. Et voici donc qu’apparaîtra le diplôme de miélologue. C’est très sérieux, le président de la région Centre-Val de Loire lui-même se montre très intéressé.
Et comme il n’est de bonne filière sans récompense, il ne manquait que le MOF (Meilleur ouvrier de France) en apiculture ; le voici, lui aussi déposé. Enfin, Florent Vacher fait un élevage de reines qu’il distribue à ses confrères. L’idée est de sélectionner les souches résistantes aux parasites et adaptées à nos régions, plus que les fragiles abeilles asiatiques qui nous ont colonisé. Pour son esprit d’entrepreneur, qui tante et qui partage, Florent Vacher a obtenu cette année le prix ESSEC des industries de la consommation responsable.

Dites-le avec des fleurs
« N’attendons rien des administrations pour éradiquer les intrants et les produits chimiques. Je préfère prendre la question autrement ». Si l’on semait des jachères mellifères, on entretiendrait la diversité animale, nos pollinisateurs et donc la diversité de notre alimentation végétale. Florent Vacher a donc fait conditionner des graines de jachère fleurie, pour les donner aux agriculteurs en sacs de 10 kg, mais aussi pour les particuliers. De petits sacs en papiers, offerts avec les pots de miels. C’est l’opération « des fleurs pour les abeilles ». L’objectif est de renouveler le cheptel et regagner les 30 000 tonnes de miel manquantes. « J’ai bon espoir que les agriculteurs et les apiculteurs se parlent de nouveau » Les champs de fleurs sont bons pour les abeilles, mais aussi pour le gibier, les chasseurs, les enfants, l’environnement…
En savoir plus sur la page Facebook “famille vacher”.

Stéphane de Laage