Le Loir-et-Cher va rouler au ralenti, à 80 km/h



Les 3 457 kilomètres de routes départementales loir-et-chériennes n’échapperont pas au passage de 90 à 80 km/h à partir du 1er juillet prochain, le temps de changer les milliers de panneaux de limitation de vitesse. Cette décision gouvernementale, annoncée par le Premier ministre Édouard Philippe le 9 janvier dernier, devrait permettre d’épargner entre 300 et 400 vies par an. C’est en tout cas ce qu’il espère mais pour être efficace, cette mesure – ainsi que les 17 autres concernant la sécurité routière – devra s’accompagner d’effets et de contrôles. Pas sûr qu’au-delà de l’impopularité de cette décision, l’efficacité soit vraiment au rendez-vous.
Le 1er juillet, si vous pensiez partir rapidement en vacances d’été, il faudra vous souvenir d’abaisser de 10 km/h votre vitesse en voiture : 80 km/h, sur les routes de campagne, poliment nommées « réseau secondaire ». Mardi 9 janvier, à l’issu de la rencontre du CISR (Comité interministériel de Sécurité routière), c’est officiel : la France des routes départementales – 400 000 km environ – passe de 90 à 80 km/h. Une décision impopulaire « assumée » par le Premier ministre Édouard Philippe, qui espère « sauver » environ 400 vies par an grâce à cette mesure. « Sur un trajet de 40 km baisser la vitesse à 80 km/h au lieu de 90 ne fait perdre que 3 minutes. Ne peut-on pas prendre ces 3 minutes pour sauver une vie ? » argumente-t-il. Loin de faire l’unanimité, cette décision, prise un peu dans l’urgence, suscite beaucoup d’interrogations. Au-delà des effets de choix politiques mais aussi épidermiques d’une France de la bagnole peu encline à l’auto-critique et franchement de mauvaise foi quand il s’agit du pommeau de vitesse, l’étude test effectuée sur 81 km de tronçons entre 2015 et le 1er juillet dernier n’a pas, à ce jour, rendu de résultats probants. Ils demeurent en tout cas bien cachés, car personne n’en n’a eu connaissance, officiellement. Le président du Sénat, Gérard Larcher, et une cinquantaine de sénateurs se sont même fendus d’une lettre demandant à voir ces résultats. Peine perdue, ce qui ne va pas arranger le sentiment des élus locaux de le « ruralité » d’être traités comme des manants et quantité négligeable. De là à opposer, une fois encore, la France des métropoles – qui roulera à 90 voire 110 km/h sur des routes sécurisées à séparateur central – et la France des champs qui lambinera à 80 km/h en se faisant flasher dès qu’elle s’oubliera, il n’y a qu’un tour de manivelle que nous n’oserions franchir. « Il aurait fallu l’étendre sur des zones accidentogènes et sur une durée de 5 ans », nous glisse discrètement ce responsable associatif de prévention routière lors d’une cérémonie préfectorale de vœux aux forces de sécurité intérieure.

Oui, mais…
En Loir-et-Cher, où la mortalité routière est repartie à la hausse comme dans le reste de la France (34 morts en 2017 soit 5 de plus qu’en 2016 ; + 16 % d’accidents ; + 30 % de blessés), les 3 457 km de routes départementales sont naturellement elles aussi concernées par cet abaissement de la vitesse limite autorisée. Comme aiment à le rappeler les opposants de cette mesure, la vitesse moyenne sur ces routes est déjà de
84 km/h. Pourquoi l’abaisser encore ? C’est sans compter sur les petits Fangio du dimanche – et de la semaine aussi – qui doublent allègrement à 100, voire beaucoup plus. Ne parlons pas des camionnettes d’artisans et de livreurs, sujet qui fâche. Qui n’a pourtant jamais été collé à 20 cm de son coffre sur les digues de Loire ou la RD 765 Blois-Romorantin par un de ces conducteurs pressés – parfois à juste titre disent-ils – pour finir rageusement doublé en pleine ligne blanche, téléphone portable d’une main et l’autre en train de finir un devis… ? On ne surprendra personne en disant que du côté des militants de la prévention routière, l’heure est plutôt à la réjouissance. Sur le blog « Bougez autrement à Blois », Jean-Luc Carl, chantre de la réduction de la vitesse et inconditionnel du vélo en ville, estime que « la vitesse des véhicules est un facteur intervenant dans tous les accidents et un facteur de gravité des accidents. Le nombre de tués dépend de la vitesse moyenne du parc de véhicules (l’ordre de grandeur validé par tous les accidentologues du monde: réduction des tués de 4% environ si la vitesse moyenne du parc de véhicules en circulation baisse de 1%). Le passage de 90 à 80 km/h sur ces réseaux permettrait donc de sauver entre 350 et 400 vies par an. En Europe, la Norvège, la Suisse, la Finlande, les Pays-Bas ont déjà adopté le 80 km/h sur ces mêmes réseaux ». Il poursuit : « au niveau local : de plus en plus de riverains électeurs réclament des modérations de vitesse et demandent des aménagements. Il suffit de prendre les moteurs de recherche dans la presse quotidienne régionale et d’écrire le mot vitesse ». À moins que cette mesure – une des 18 prises mardi 9 janvier par le gouvernement en matière de sécurité routière – ne soit qu’une des étages d’une fusée qui en contient un autre, et dont nous vous reparlerons prochainement dans Le Petit Solognot : l’apparition, sur les routes de France de véhicules avec radars embarqués, entièrement automatisés et gérés par des sociétés privées… D’après les premières informations que nous avons obtenues – et qui demandent encore quelques vérifications – pour être efficaces, ces voitures radars doivent rouler à 20 km/h d’écart avec leurs « cibles ». Le passage à 80 km/h serait en quelque sorte une aubaine…

Frédéric Sabourin