Manger local, le défi du Loiret


Le Département du Loiret et la Chambre d’agriculture ambitionnent de favoriser l’alimentation locale. Ensemble, ils développent le projet alimentaire territorial « Mangeons Loiret ». Une enquête a pour cela été initiée début septembre auprès des Loirétains. L’objectif est de mieux connaitre leurs habitudes, leurs pratiques alimentaires et leurs attentes.

Que voulez-vous dans votre assiette ? À qui faites-vous confiance ? Cuisinez-vous ? Ou faites-vous vos achats ?… La liste des questions est longue. Peut-être avez-vous été interpellé par un enquêteur à la sortie d’une grande surface, sur un marché ou dans la rue. Depuis deux mois, le Loiret nous questionne pour connaitre nos habitudes alimentaires et culinaires, nos envies et nos pratiques. Le but est de faire en sorte de nous proposer autant que possible les produits locaux qui nous conviennent. « À quoi servirait-il de produire des aliments dont personne ne voudrait » ? Gérard Michaud pose la question. Il est maraicher à Saint-Denis-en-Val depuis les années 80. Il fait une production raisonnée et ne livre pas à plus de 10 km autour de son exploitation ! Le domaine de « La Racinerie » est à la frontière du Val, au sud d’Orléans, sur les premières terres de Sologne. « La qualité est apportée par l’intelligence des producteurs, poursuit Jean-Marie Fortin, président de la Chambre d’agriculture du Loiret. Le département a tout ce qu’il faut pour être autonome : maraîchage, arboriculture, élevage et apiculture ». Voilà donc l’idée de ce PAT, Projet Alimentaire Territorial : consommer local, respecter les saisons et faire valoir ce que nos agriculteurs font le mieux. « Il faut donner du sens à l’acte de production et de consommation, dit simplement Gérard Michaud.
Produire pour le plaisir, le faire avec intelligence et avoir pour récompense la satisfaction des consommateurs. Si la réussite de ce projet incombe aux producteurs, il faut aussi que le consommateur soit en accord avec ses propres exigences. Il doit être éduqué dès le plus jeune âge, donc à l’école et au collège. « Nous devons convaincre les cuisiniers des collectivités de faire ce choix de la proximité », insiste Marc Godet, président du Conseil départemental, lui aussi agriculteur.

Dialogue avec mon jardinier

La Racinerie s’étend sur quatre-vingts hectares où Gérard Michaud et son frère cultivent des légumes, des fruits et des céréales. « Je travaille en conventionnel, dit-il, pas en bio, mais de façon raisonnée. Hormis pour le mildiou de la pomme de terre contre lequel on ne peut rien sans traitement, tout se fait mécaniquement à commencer par le désherbage ». Gérard Michaud insiste sur la différence entre une alimentation Bio et seine. « Sait-on ce qu’est la qualité ? L’agriculture a considérablement évolué, explique-t-il, en particulier en France qui a sans doute les normes sanitaires les plus drastiques au monde. N’oublions pas non plus que les agriculteurs sont aussi des chefs d’entreprises. Et n’allons pas croire qu’ils mettent des pesticides et des intrants, souvent très chers, là où ce n’est pas utile. Sachons mettre en avant la valeur environnementale de notre agriculture ».
Rappelons également que la suppression totale des pesticides ne fait pas tout. Et le maraîcher de poursuivre : « En France, on utilise très peu de Glyphosate, pour ne citer que celui-là, au regard d’autres pays ; le plus souvent à l’automne pour faire un peu de ménage. On ne replante que six mois plus tard. Alors imaginez ce qu’il en reste dans les légumes ». Et pour les intransigeants, rappelons que supprimer un litre de Glyphosate, c’est consommer dix litres de fuel pour faire le même travail. Le choix est cornélien, à l’heure où l’on veut tout et son contraire. Moins de gaz à effets de serre, moins de chimie et bien sûr moins cher.

Sus au bio argentin

L’homme n’est pas du genre à pousser des coups de gueule, mais cela y ressemble un peu tout de même ! Quand on aborde la question des logiques économiques mondiales, Gérard s’efface, pas concerné, lui qui a pris le parti de ne travailler qu’en ultra local. Si la France a une balance commerciale agricole excédentaire, c’est par le jeu d’échanges internationaux qui ont parfois bien du mal à trouver un sens commun avec le locavore que chacun d’entre nous rêverait d’être.
Le président, Emmanuel Macron, récemment en déplacement en Chine, a signé des accords pour que notre pays exporte de la viande de bœuf. Dans le même temps, nous importons de la viande d’Amérique du Sud. En avons-nous vraiment besoin ? D’autant que celle-ci ne répond en rien aux critères que nous imposons à nos éleveurs français. Bien-être animal, farines animales, antibiotiques, anabolisants… Tout cela est bafoué Outre-atlantique, mais nous importons sans vergogne. Et que dire des produits agricoles bio, qui poussent sur des terres déforestées, venus d’Argentine ou du Chili en avion ou par cargo qui fonctionnent au pétrole brut ? Tout ce que à quoi nous croyons est bafoué et malgré tout importé.
Alors ou est notre logique ? Où est la « cohérence » que les agriculteurs appellent de leurs vœux ? On s’épanche sur les réseaux sociaux, chacun expliquant ce qu’il veut et comment il faudrait faire, sans même se soucier des conditions de travail des agriculteurs français, et des efforts qu’ils consentent au quotidien. « Mais qu’on ne s’y trompe pas, le travail H24, 7 jours sur 7, c’est terminé. La génération montante devra trouver d’autres méthodes. À vouloir être trop exigent avec nos agriculteurs, on les perdra », s’inquiète Gérard Michaud.
Alors sommes-nous prêts à payer le prix du bien-être humain, animal et végétal ?
Pour dire le consommateur que vous êtes, répondez à l’enquête en directe sur le site : www.loiret.fr/mangeons-loiret. Vous avez jusqu’à fin décembre pour le faire.

Stéphane de Laage

À « La Racinerie » on produit intelligemment : Vente au magasin de la ferme – Cueillette libre – Site internet, « les paniers du marché » – Conserverie sur place des légumes qui n’ont pas trouvé preneur en fin de saison.