Menus de cochonnailles


La fin d’année approche, ainsi que les fêtes et recettes qui vont avec. Toasts sapins, champagne, pommes Dauphine, chocolats, bûche, cadeaux… Enfin, 2023 va s’achever. Pour beaucoup, c’est une bonne nouvelle, puisque ces douze mois furent tour à tour éprouvants, déprimants, épuisants. Guère charmants. “La démocratie ne va pas bien”, à entendre le courroux du philosophe Michel Onfray; “Notre République est attaquée lorsque des maires sont menacés en exerçant leur mission”, à écouter le président de l’AMF (pour Association des maires de France), David Lisnard, lors du dernier Congrès des maires à Paris. En France, le patron de LFI, Jean-Luc Mélenchon, dérive, pendant ce temps, complètement, allant jusqu’à attaquer notre consoeur journaliste Ruth Elkrief, désormais placée sous protection policière, poussant le président du Sénat, Gérard Larcher à lâcher un poétique “Ferme ta gueule”. Pendant ce temps encore, aux Pays-Bas, le parti d’extrême droite islamophobe de Geert Wilders est arrivé en tête des élections législatives. Et caetera.
Le monde croule sous les vents mauvais. La pandémie Covid sert, encore ici et là, de tentative d’excuse rationnelle, qui évite de regarder ce sein que nous ne savions accepter jusqu’alors. Tout ceci crée un équilibre d’après, mince comme un papier à cigarette, dans un état de droit coincé entre respect des sacro-saintes libertés individuelles et tentation de flirt avec des règles plus escobardes. Même l’avocat du sénateur Guerriau, soupçonné d’avoir drogué la députée Josso, aura eu du mal à faire sourire (ou alors, de manière amère) avec une défense lunaire évoquant une période difficile pour son client, arguant notamment un stress post-sénatorial et un chat malade. Et pourtant, nous avons nous-mêmes vécu la perte d’un félin cher. Mais ces matous-là, plus politiques, semblent avoir du mal à retomber sur leurs pattes. En bref, le bon sens a manqué en 2023, autant que le foie gras qui n’a pas de droit de cité dans un menu de fêtes vegan.
Néanmoins, des choses, positivement, avancent. La parole se libère, particulièrement celle des femmes. En Loir-et-Cher, en 2023, 693 affaires de violences intrafamiliales ont été traitées en Loir-et-Cher, dont 299 classées. “Il y a l’idée reçue qui affirme que 90%, 95% des plaintes sont classées sans suite. Ce n’est pas vrai,” a insisté la procureure de la République de Blois, Charlotte Beluet. “Sans suite, cela veut juste dire que l’infraction n’a pu être caractérisée. La plainte, même sans suite, peut avoir le mérite de faire cesser l’agression.” Or, selon un article de Lenaïg Bredoux dans Médiapart, “porter plainte : c’est l’horizon quasi unique offert par le gouvernement pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles (…) Si toutes les victimes se tournaient vers la justice, le système serait incapable d’y faire face.” La sempiternelle difficulté du marteau ou de l’enclume. La poire ou le fromage.
Dernière affaire de ce type en date, les griefs contre l’animateur star de la radio NRJ, Sébastien Cauet, qui, lui, crie que « tout est faux ». Pour en avoir discuté autour de nous, force est de constater que les hommes prennent souvent partie pour l’homme, que les femmes crient souvent “au cochon”. Et ainsi plane encore l’ombre multi-séculaire d’Adam et Ève, Mars et Vénus. Quoiqu’il en soit, présomptions d’innocence et de culpabilité mènent de plus en plus un tango dangereux, dans une société où le petit chaperon rouge peut décider de croquer le méchant loup. Compliqué parfois de séparer le bon grain de l’ivraie, dans ces dépôts de plaintes qui peuvent dénoncer … ou bien calomnier. Sans parler du partenaire, pris dans le doute, qui peut hésiter entre rester ou partir, croire ou se méfier, une fois l’opprobre ainsi jeté.
Sur ces entrechats et réflexions de cochonnailles, chères lectrices, chers lecteurs, nous vous donnons rendez-vous dans ces colonnes l’année prochaine, dès le 9 janvier, après la trêve des confiseurs. Et digestion de tous ces plats 2023 bien trop gras. Souhaitons un menu plus frugal en 2024 !

Émilie Rencien