Nicolas Forissier dit «stop» au tout métropole


TERRITOIRE Tour d’horizon de l’actualité parlementaire et locale avec le député «Les Républicains» de la deuxième circonscription : l’abattoir de Lacs, la maternité du Blanc, la hausse du prix de l’essence et les méfaits d’une gestion verticale qui néglige les territoires ruraux.
Pierre Belsoeur

Nicolas Forissier a retrouvé en 2017 les jardins du Palais Bourbon après cinq ans de purgatoire.

Nicolas Forissier n’avait évidemment pas connaissance des images de Lacs lorsqu’il a lancé ses invitations à la presse pour faire le point sur son action parlementaire. Pourtant l’ancien président de la communauté de communes de La Châtre et secrétaire d’Etat à l’agriculture ne pouvait pas aborder cette rencontre sans évoquer un sujet qui le touche directement.
« L’abattoir de La Châtre existe depuis la fin du XIXe siècle. Nous l’avons reconstruit en 1995, il est entré en fonctionnement en 1997 en délégation de service public. Et puis le délégataire est parti en retraite et après un an de gestion par Berry Viande, nous n’avons plus eu de repreneur. C’est alors que la communauté de communes l’a repris en gestion directe. De gros investissements ont été réalisés pour le moderniser. Cependant les normes évoluent et 85% des abattoirs français ne sont pas aux normes. Le problème c’est celui de la formation du personnel et de l’encadrement. Il est extrêmement difficile de trouver des directeurs et chefs de chaines. Or le directeur de La Châtre est en arrêt longue maladie et il avait fallu se séparer de deux ouvriers ces derniers mois, ce qui indique que l’ambiance n’était pas au beau fixe. Cela dit en dix-neuf heures de tournage illégal, un groupuscule dont le but est de s’opposer à la consommation de viande n’a isolé que quelques images, choquantes je n’en disconviens pas, sur les pratiques de cet abattoir. A partir de là l’emballement médiatique a conduit le ministre de l’agriculture à demander au préfet de fermer provisoirement l’abattoir. Je me méfie de ce provisoire… Je remarque surtout que c’est à l’Etat qu’il revient d’exercer les contrôles appropriés et qu’il se défausse un peu vite de ses responsabilités. Mais je suis d’abord un responsable politique constructif et je vais rencontrer le ministre pour qu’à partir de ce drame de Lacs on mette en place une vraie formation du personnel des abattoirs, ce qui n’existe pas en France. Lacs peut être le laboratoire de cette formation mais elle ne se mettra en place que dans une structure qui fonctionne. Il faut donc rouvrir l’abattoir et nous envoyer des formateurs pour encadrer le personnel. »

Repeupler les territoires ruraux
Evoquer ce qui se passe à Lacs c’est ouvrir la porte à des considérations plus globales sur l’actualité du département et le traitement que les pouvoirs publics réservent actuellement aux territoires ruraux. « Je me bat pour un arrêt de 3 minutes en gare d’Argenton le soir, afin qu’il soit possible à un Argentonnais d’aller passer une journée de travail à Paris sans être obligé d’interrompre ses rendez-vous pour être à 17h30 gare d’Austerlitz. Mais le directeur de la SNCF lui même n’a pas, selon ce qu’il m’a dit, les mains libres pour prendre une telle décision. C’est la même chose pour la maternité du Blanc que l’on ferme au mépris des demandes des habitants et des élus, sans avoir pris le temps d’engager une vraie discussion et en faisant du maire de Châteauroux le responsable de cette signature. »
Pour le député tout cela appartient à une même logique, celle du tout métropole. « On est dirigé par 2000 hauts fonctionnaires. On a le sentiment qu’il n’y a pas d’écoute. On nous impose les choses. Il faut pourtant que l’Etat révise son logiciel du tout Métropole. Il faut revenir à un véritable développement des territoires si on veut une société harmonieuse, sûre, qui gère mieux la dépense publique. Je rêve que l’on enlève un million d’habitants à la région parisienne pour repeupler les zones rurales. Ça réduirait le mal être des banlieusards, la ghettoïsation… et si je récupère 7 à 10.000 personnes dans le Boischaut sud, ça permet de maintenir des services publics. Pourquoi ne pas avoir ce rêve ? »

Une école de cyber-sécurité
Le député PS du Cher, Yann Galut avait lancé l’idée d’une école de l’Internet dans les années 2000. Ce cyber risque fait partie de la formation des étudiants de l’école d’ingénieurs de Bourges. Nicolas Forissier pense lui à une école de Cyber Sécurité qui pourrait pousser… à La Châtre. « Un comité de pilotage a été mis en place en juillet. Il faut résoudre des problèmes de financement et d’hébergement pour lancer un projet qui prendrait la forme de sessions professionnelles à destination des ingénieurs, des chef d’entreprises. On m’a traité de rêveur lorsque j’ai lancé l’idée d’une Maison des Jeunes Travailleurs trois étoiles, et pourtant elle existe. La qualité de vie dans le Boischaut est un atout… ». A condition que la couverture en téléphonie mobile soit totale et que la fibre arrive partout. Le député fait le tour des opérateurs pour défendre son dossier.
Nicolas Forissier s’associe également à la demande de son collègue du Loir-et-Cher, Guillaume Pelletier sur l’aide à apporter aux automobilistes des zones rurales face à la hausse du prix des carburants.


On ne touche pas aux députés ▶
Le projet de réorganisation territoriale visant à faire baisser le nombre des députés ne récolte pas un franc succès chez le député de la seconde circonscription. Après le président de la République, le député est le représentant du plus grand nombre d’électeurs et c’est un élu de proximité. Ramener de deux à une le nombre de circonscriptions de l’Indre serait une aberration. En revanche, c’est possible pour les sénateurs qui ne représentent que 700 grands électeurs, contre 100.000 électeurs pour le député.


Small is beautifull ▶
Nicolas Forissier estime inexorable la mutualisation des services publics. Plutôt que de s’opposer frontalement à ces regroupements, le député propose dans un texte de loi que l’on inverse la logique: plutôt que de centraliser les nouveaux services dans l’entité la plus importante (regroupement de communes ou de départements), le projet de loi qu’il s’apprête à déposer comportera un unique article : «En cas de fusion de services publics administratifs ou d’absorption d’un service public administratif par un autre, le service absorbant ou celui issu de la fusion est, sauf décision contraire motivée, celui installé dans la collectivité territoriale qui, d’après le recensement, comptait le moins d’habitants.» C’est futé mais si, par extraordinaire, cette loi était votée la concentration n’a pas fini de faire de vagues !


Trucs et pratiques parlementaires ▶
« Pour rencontrer un ministre, explique Nicolas Forissier, il faut exploiter la journée du mercredi et bloquer ledit ministre à la sortie de l’hémicycle après les questions au gouvernement. Et là vous traitez en direct ou arrêtez un rendez-vous. » Une petite leçon de parlementaire expérimenté à un collègue de l’Indre qui n’a jamais pu rencontrer le ministre de la santé. Mais on ne citera pas de nom.