L’application de la théorie des comités Théodule est de retour. « Quand tu veux enterrer un problème, tu crées une commission » expliquait Clémenceau – précisons ici qu’il s’agit de Georges, l’homme politique, et non pas du porte-avions éponyme puisqu’un bateau ne peux pas parler- Plus récemment, un autre spécialiste de l’enfumage, Charles Pasqua, assurait qu’il fallait démultiplier les dites commissions au fur à mesure de l’évolution d’un dossier. Unique objectif : noyer définitivement poisson, pêcheur, hameçon et asticot.
Quand on voit que les extrêmistes de toutes obédiences sont sur le devant de la scène, quand les connards-ophobes, ophiles aussi, ont pignon sur rue, quand tous les bargeots se pensent génies ou quand le quidam se croit président, il est vraiment temps d’envoyer les fumigènes. Entre deux tours d’élections, en cette fin de printemps, à l’heure où la pandémie fait une pause, on avait donc le choix entre un Panem Circenses à la romaine ou un truc un peu plus moderne. Pour masquer les actions plus ou moins efficaces des uns et les inactions pas du tout efficaces des autres, sur la Covid-19 justement, pour gommer la montée en puissance du côté obscur de la force, chez nous comme ailleurs, pour embrouillardiser un peu plus les idées, il fallait trouver un marronnier* plus ou moins novateur. On avait le choix entre un truc sur le climat, mais c’est clivant, sur le sexe des anges, mais on n’est pas certain que les anges existent, sur une énième tournée d’adieux de Charles Aznavour, mais il est mort. On a donc fait pousser subitement un nouveau sujet sur la planète information : l’Ovni. Soixante -dix ans qu’on ne s’était pas penché sérieusement sur les soucoupes volantes. Depuis la guerre froide ! Quand tu ressors un tel sujet, c’est que tu sens que c’est un peu tendu sur notre planète. Ça craint, non ?
Loin d’Isaac Assimov et son cycle de la Fondation, loin d’A-E Van Vogt et son Monde des A, quasi-simultanément, une commission technique française, appelée «Sigma2», a émis un long rapport sur le sujet tandis qu’un autre dossier est sorti en provenance du gouvernement américain. Ce dernier indique que « les analystes de la défense et du renseignement ne disposent pas de données suffisantes pour déterminer la nature des mystérieux objets volants observés par les pilotes militaires, notamment s’il s’agit de technologies terrestres avancées, d’objets atmosphériques ou de nature extraterrestre. » En gros, l’autre aussi…Pour faire court, il y aurait bien eu quelque chose mais on ne sait pas quoi, ni qui, ni comment.
C’est exactement ce que disent les abstentionnistes pour se justifier au sujet de nos dernières élections. Ils auraient bien été voter mais ils ne savaient pas quoi, ni qui, ni comment… Certes les professions de foi et les bulletins ne sont pas arrivés, en temps et en heure, dans bon nombre de boîtes aux lettres – une preuve que vouloir passer un contrat d’une entreprise publique à une société privée n‘est pas obligatoirement une bonne idée – cependant l’argumentation est égale à une analyse des réseaux asociaux. Avoir des idées sur tout et surtout pas d’idées, c’est une réflexion conceptuelle. Pourtant en voilà un sujet qui pourrait donner du grain à moudre à tous ces professionnels des cieux et des corps qui s’y trouvent. Les mêmes qui ont fait avancer à grands pas l’épidémiologie, après avoir fait de la théologie leur seconde nature, après s’être découverts politologues de premier plan et économistes nobelisables. Ils pourraient lancer anathèmes, dissertations, admonestations et autres. Ces anti-tout, ces spécialistes de rien, ces complotistes de tous bords, ces « curetons » de la pensée selon Charlie hebdo, ces torpillés du cerveau ont là l’occasion de s’en donner à cœur joie, ou pas !
Au siècle dernier, Bernard Blier et Jean Lefebvre avaient assumé « C’est pas parce que l’on à rien dire qu’il faut fermer sa gueule. » Un peu plus de 35 ans plus tard ce titre de film pourrait être à l’usage de ces gens qui oublient leurs droits et devoirs. Un boycott au nom de la liberté d’’expression c’est la preuve que l’intelligence est certainement une équation. Quant au nombre d’inconnues …
Fabrice Simoes
*Un marronnier est un sujet récurent utilisé pour meubler une période creuse
