POÏEIN fabrique des O.L.N.I. !


… Ou comment à L’Ételon (à 10 km de Saint-Amand, dans l’Allier), le pari génial d’un poète et d’un peintre-plasticien implante, en douceur, l’art contemporain dans la glèbe du Boischaut.

Gérald Castéras

Gérald Castéras

Au fait, Poïein qu’est ce que ça veut dire ? Ce mot grec, quasi imprononçable, signifie créer, fabriquer, il est aussi la racine étymologique de notre mot poésie.

Dans le Saint-Amandois, tout le monde, ou à peu près, a entendu parler de Poïein, mais qui sait exactement de quoi il retourne.

C’est une belle aventure que Le Petit Berrichon, reçu par Gérald Casteras va vous conter. C’était en 2005. Gérald Castéras (le poète) amoureux des livres et passionné d’arts (il est aussi connu pour avoir été professeur de lettres au Lycée Jean Moulin) rencontre Joël Frémiot (le peintre-plasticien) qui travaille à l’époque sur ardoises peintes. Échanges sur l’art contemporain, sur leurs pratiques mutuelles : une amitié naît, aiguisée par le démarrage d’une recherche poétique sur les potentialités de la lecture, de l’écriture et de la pensée en général. Ces faiseurs d’art rejoints par le plasticien Patrick Peltier déclinent les potentialités du livre. Comment faire cohabiter le texte et la proposition plastique sur un même support ? Ils déclinent de nouvelles voies, au croisement des mots, des couleurs, des formes, font vibrer la phrase dans le rayonnement de l’œuvre plastique, réinventent le livre en explorant les possibles d’une fusion véritable. Ils fondent Poïein. C’est le faire qui intéresse Poïein. À partir de 2011, l’association devient pôle de création et de diffusion et lance une série de productions artistiques liées au livre.

Poïein démarre la création d’O.L.N.I. Mais c’est quoi un O.L.N.I. ?

Eh bien, un Objet Livresque Non Identifié ! Un livre qui n’est pas tout à fait un livre et devant lequel les éditeurs traditionnels restent frileux. Un objet à tenir entre ses mains et à lire, mais qui sans doute va dépasser son lecteur, parce qu’il repousse les frontières des genres et des pratiques traditionnels ; la confrontation du travail plastique avec le poème y est partout et toujours présente. Ces objets d’art, 127 à ce jour, sont édités en tirages limités ; de l’œuvre unique, tirée parfois à 2 voire 3 exemplaires sans jamais dépasser 30 spécimens. Chaque œuvre est numérotée. Chaque ouvrage cherche à explorer la diversité des supports et celle des techniques. Ainsi découvre-t-on des volumes-pavés, des volumes-toiles de coton reliés par une pince, des volumes-encyclopédies noyés sous une peau de résine, des volumes-porte bloc, des volumes boîtiers, des volumes-albums sur papier huilé, des volumes assemblages de papier photographique baryté, des volumes-lingettes usagés, des volumes-coffrets enclosant un bol de feuille, des volumes-étuis avec textes sur transparent, des volumes-photocopie grand format de photographie, un volume-tuyau de ferraille martelé autour d’un texte secret.

Au départ, Poïein fonctionne en tournant sur un nombre d’habitués, peu à peu rejoints par des artistes de la région. Assez vite, les auteurs et plasticiens viennent des quatre coins de France. Aujourd’hui, Poïein se félicite d’accueillir des artistes reconnus, installés à Lyon, Marseille, Montpellier, dans le Nord, en Alsace, Bretagne, région parisienne… Et se réjouit de rayonner en réseau. Depuis quelques années, ce sont plutôt les artistes qui s’adressent à Poïein, même si Gérald Castéras continue de pérégriner à la recherche de coups de cœur. (Il y a gros à parier qu’il n’est pas tout à fait prêt à poser son bâton de pèlerin.) Les plasticiens restent plus nombreux que les écrivains à souscrire aux exigences de l’O.L.N.I. Quand ils y souscrivent, les artistes sont entièrement libres dans la réalisation de leur proposition. À la condition de respecter l’esprit Poïein, ils réalisent ce qu’ils veulent, comme ils le veulent et avec qui ils veulent. Il est arrivé que certains auteurs éprouvent une certaine réserve à s’attaquer seul à la réalisation technique (reliure, couture…) ; dans ce cas Gérald Castéras, aidé de bonnes volontés respectant l’esprit de l’artiste aide à la naissance de l’objet-livre.

Les œuvres sont proposées à prix très abordable. Les O.L.N.I. les plus onéreux ne dépassent pas 300 € (moyenne 40 €) et peuvent donc être acquis pour une somme raisonnable, considérant l’édition limitée, il y a certainement d’intéressantes affaires à réaliser ; en effet, l’intervention manuelle implique l’unicité. Même en présence de textes identiques, faut-il le rappeler, chaque illustration est réalisée à la main par le plasticien, chaque exemplaire d’O.L.N.I. est de fait unique.

Pour parler des créations qui constituent le fonds Poïein, G. Castéras reste très attaché à la notion de collection, expliquant qu’il s’agit d’une série d’objets proposés par des acteurs attachés au livre, dont l’ensemble donne un panorama de la création contemporaine pour ce secteur particulier de la création d’art.

Ces Objets Livres Non Identifiés sont la trace de toute l’aventure humaine et artistique de Poïein qui continue de s’alimenter. En ce moment, l’association travaille sur le rapprochement entre neuf sculptures et neuf auteurs ; d’autres projets sont en gestation. Gageons qu’une fois encore ce mécène de l’art contemporain et ses amis sauront interpeller, émouvoir et faire vibrer par leurs recherches sur les possibles du livre. Ainsi « l’œuvre-livre » dessinera-t-elle son chemin, éperonnée par Poïein.

Les amoureux des mots et des arts peuvent aiguiser leur curiosité intellectuelle et se laisser entraîner dans un des chemins de la fabuleuse histoire de l’art contemporain. Il faut repérer quand des passionnés réussissent à réunir des artistes différents pour les amener à créer ensemble le temps d’une œuvre. Ça se passe juste à votre porte, à L’Ételon, sautez sur l’occasion. Recevez l’action comme un cadeau et essayez de pénétrer les arcanes de ce courant d’art, reflet de la société d’aujourd’hui ; ces nouvelles créations de l’esprit humain se caractérisent par une telle liberté d’expression ! C’est un peu d’Art Contemporain qui frappe à la porte.

 

Dominique-Joëlle MATHO

 

Pour plus de renseignements, s’adresser à:
La Fabrique Poïein 
2 chemin des 3 sabots 
03360 L’ETELON
04 70 06 92 96
gérald.casteras@wanadoo.fr

 

… la suite cet article dans le prochain numéro.