Quel avenir pour les hôpitaux de la région ?


SANTÉ Alors que plus de 4 000 personnes se sont rassemblées dans les rues du Blanc pour dénoncer la fermeture de la maternité, le sort de l’hôpital de Vierzon n’est pas réglé. Derrière ces inquiétudes se posent la problématique plus large de la désertification de nos territoires.

Les noces rouges d’Agnès Buzyn avec la maternité blancoise

Pierre Belsoeur

Un accouchement rigolo sur le chemin de la maternité fermée.

La ministre de la santé a jeté 4000 personnes dans la rue au Blanc. La fermeture de la maternité a un très mauvais goût de déménagement du territoire.

Mélenchon n’a pas le monopole des insoumis. Au Blanc, les manifestants ont accueilli très gentiment les élus locaux, départementaux, régionaux et même nationaux mais ils n’ont pas eu besoin d’eux pour organiser leur manifestation.

Magasins fermés et drapés de rouge, habitants vêtus de rouge convergeant vers la place de la mairie par des voies fermées à la circulation. Il se passait effectivement quelque chose d’inhabituel ce samedi 15 septembre. Une mobilisation citoyenne, festive, imaginative, à la hauteur de l’indignation d’un territoire mobilisé depuis près de dix ans pour défendre son hôpital.

Car s’il s’agit cette fois de la fermeture estivale de la maternité, l’hôpital du Blanc est un caillou dans la chaussure de l’Agence Régionale de Santé (ARS) depuis très longtemps et le jumelage avec l’hôpital de Châteauroux n’a pas été la solution au problème. Evelyne Poupet, directrice du centre hospitalier de Châteauroux arrive à peu près à égalité avec Agnès Buzyn au baromètre de la détestation des Blancois.

Les économistes peuvent appliquer tous les algorithmes possibles, les Blancois n’accepteront jamais que la fermeture de la maternité soit le meilleur moyen de mettre des bébés au monde en toute sécurité sur leur territoire. François Bonneau, président de la région Centre-Val de Loire a bien synthétisé le ressenti des Blancois « Au nom de la sécurité il faudrait supprimer ce qui a été mis en place depuis des dizaines d’années et qu’on n’aurait plus les moyens de financer au XXIe siècle ».

Ce qui ressort des commentaires des manifestants c’est qu’effectivement la meilleure façon d’assurer la sécurité des futures mamans, c’est de dissuader les jeunes couples de venir s’installer dans la région du Blanc.

Mais en attendant cette éventuelle désertification les Blancois ont montré qu’ils étaient toujours vivants. Ils avaient préparé leur journée avec ce dress-code rouge, confectionné des affiches sur le thème « Fier d’être né au Blanc », des banderoles, des cartes postales à envoyer au ministère de la santé, mais aussi un stand pour enregistrer une vidéo à l’intention d’Agnès Buzyn. Une banda donnait cette ambiance de mobilisation joyeuse mais déterminée. Sur un char, des praticiens hilares procédaient à un accouchement rigolo. Ils ont chanté aussi un texte écrit pour la circonstance sur l’air de Bella Ciao, le chant des partisans italiens et ils y ont pris tellement de plaisir qu’ils se sont offert un bis. Et puis on a sorti les tables pour un pique-nique géant place de la mairie, histoire d’accompagner la bière bue pour la bonne cause à la buvette du collectif « C’est pas demain la veille ».

Un collectif « qui n’est pas prêt de lâcher l’affaire », Agnès Buzyn.


LES MOTS DES ELUS 

Les élus ont pris la parole et la tête du cortège.

Les élus avaient compris qu’il fallait être le 15 septembre au milieu des plus de 4000 manifestants réunis au Blanc.

François Jolivet : Le député La République en Marche n’avait pas la place la plus facile et commença par un coup de griffe à son collègue maire de Châteauroux et président du centre hospitalier qui n’avait pas eu le courage de faire le déplacement. Il termina par une formule absconse « Quand le sujet sera politique je saurai en tirer les conséquences ». Faut-il en conclure qu’il mettrait sa démission dans la balance en cas de fermeture de la maternité ?

François Bonneau : « La maternité est un symbole. Sa fermeture est un nouvel acte de perte d’attractivité du territoire. On n’a pas gagné à l’ARS on va porter le dossier en direction du ministère ».

Serge Descout : « J’ai vécu la fermeture de la maternité de la Châtre, a détaillé le président du conseil départemental. On procède en quatre phases. D’abord on surprend et on suspend. Ensuite on souffle le chaud et le froid. On désigne des experts brieffés pour justifier la bonne réponse. Et puis on refile la patate chaude aux élus ». Et le président d’attendre que la ministre adopte un langage de vérité.

Jean-Michel Clément : « Vous défendez un principe d’égalité, a assuré le député de Montmorillon solidaire de ses voisins, devant les charges publiques. C’est un combat de développement durable qui peut-être gagné. Les villes étouffent, les campagnes respirent. Nous voulons respirer tous ensemble.

Annie Gombert maire du Blanc a eu l’intervention la plus détaillée, dénonçant une violence inadmissible faite aux femmes, l’attitude de la directrice de l’hôpital de Châteauroux. « Nous avons quatre candidatures de gynécologues, deux pédiatres, sept intérimaires. Quatre sages femmes sont prêtes à venir s’installer au Blanc. Rien ne s’oppose à la réouverture de la maternité. Nous l’exigeons au 1er octobre ». « Le dossier est exemplaire du fossé qui se creuse entre la haute administration et le peuple » a conclu Jean-Paul Chanteguet au nom du comité de défense de l’hôpital.

P.B.

J-P. Chanteguet annonçait la couleur d’une foule écarlate.


POINT DE VUE ▶  Et les médecins dans tout ça

Les élus n’ont pas le même discours en privé et en public. Il n’y avait que Louis Pinton pour tonner contre la médecine libérale et estimer qu’il était intenable de continuer à financer les études des étudiants en médecine sans aucune contrepartie en terme d’installation.

Pas un mot samedi à propos du corps médical. Et pourtant c’est un secret de polichinelle. Les médecins de Châteauroux favorables à la réouverture de la maternité se comptent sur les doigts d’une seule main. Les « mercenaires » qui viennent faire des vacations très bien payées de quelque jours sont beaucoup moins volontaires lorsqu’il s’agit de s’installer au Blanc à un tarif normal. A quoi rime ce système libéral dans lequel l’intérêt du malade n’est plus la priorité. Autrefois les médecins « de campagne » étaient tout aussi libéraux, c’est à dire qu’ils prenaient la liberté de ne pas compter leurs heures. Désormais libéral rime d’avantage avec financiarisation de l’économie. Et les services de santé n’échappent pas à la dictature des comptables.

P.B.


Deux visions différentes pour le futur de l’hôpital de Vierzon

Fabrice Simoes

Le directeur et les syndicats de l’établissement hospitalier vierzonnais ont des vues différentes sur l’avenir de la structure médicale de la deuxième ville du Cher. L’un s’arque-boute sur les demandes formulées par les pouvoirs publics. Les autres s’appuient sur le vécu, le ressenti et des notions de vivre au pays incompatibles avec les savoirs technocratiques, livresques et les volontés arithmétiques.

On sait que les membres de l’Intersyndicale de l’hôpital de Vierzon et son directeur, Florent Foucard, ne sont pas partis en vacances ensemble. Quelques jours après la rentrée on sait que pour les prochains congés il en sera de même. Il est évident que les deux parties ne sont pas du tout sur la même longueur d’onde. D’un côté on est dans une logique pure et dure de défense d’un service public à l’ancienne axée sur l’humain et le maillage territorial médical ainsi que du refus de marchandisation de la santé. De l’autre on est dans une logique pure et dure de défense d’un service public 2.0 où l’argument exclusif reste la version hospitalière selon l’ARS (Agence régionale de santé). Les deux idéologies sont pour l’heure incompatibles d’autant que, de part et d’autre, on ne parle pas le même langage. La preuve en est le récent communiqué de presse de l’Intersyndicale où les représentants des personnels faisaient part de leurs craintes quant au projet proposé prochainement par le directeur de l’établissement berrichon. Deux versions totalement opposées qui se heurtent par ailleurs à un zeste de mauvaise foi, chacun étant certain d’être dans son bon droit. 

Le communiqué expliquait que, en juin, les syndicats, en commun, avaient demandé à Florent Foucard, de maintenir le projet initial 2016-2020. Ils souhaitaient, de fait, que soit abandonnée l’option « Fermeture de service, de lit, et les suppressions de postes ». Pour la rentrée, l’intersyndicale assurait avoir rencontré le directeur pour avoir un aperçu de ce qui devrait être présenté lors du prochain CTE (Conseil technique d’Établissement) du 27 septembre. Les réponses données ne paraissaient pas aller dans le sens des organisations syndicales, bien au contraire, puisque Florent Foucard aurait répondu que « le projet n’était pas totalement terminé, qu’il ne répondra à aucune des revendications, qu’il ne plaira pas aux personnels » et que, en tant que fonctionnaire, le directeur n’a pas d’autre choix « que de maintenir les orientations afin de satisfaire aux exigences de retour à l’équilibre financier » avant de conclure par « je suis fonctionnaire, je vais être bête et méchant et j’applique les directives. »

Des propos dénaturés

Des propos que le directeur assume mais a souhaité replacer dans leur contexte. « Sur le fond, le communiqué de presse de l’intersyndicale est malhonnête et mes propos ont été tronqués et dénaturés. Les organisations syndicales sont venues me voir de manière impromptue… J’ai néanmoins accepté de les recevoir comme je l’ai toujours fait… Ils m’ont posé tout un ensemble de questions qu’ils n’ont évidemment pas répercuté dans leur communiqué, sur un ton que j’ai trouvé nettement agressif, reprenant ensuite de manière tronquée et dénaturée des bouts de phrase que j’ai pu prononcer. » explique Florent Foucard qui conteste avoir dit que son projet « ne répondra à aucune des revendications ». Mais a plutôt indiqué « qu’il ne pourrait pas répondre à toutes (transformées en « aucune » !) vu ce que cela impliquait pour certaines (exemple : 20 millions de dettes + 8 millions de déficit cumulé à effacer…) » et a expliqué que « le directeur n’a pas d’autre choix que de maintenir les orientations afin de satisfaire aux exigences de retour à l’équilibre financier conformément aux demandes formulées par les pouvoirs publics (Ministre + ARS) au travers un projet garantissant notamment un retour à l’équilibre financier dans le même temps que d’assurer la réponse aux besoins prioritaires de la population. » Et de rappeler que « depuis 4 ans, en lien avec les tutelles et les acteurs locaux, je me bats pour le maintien d’une offre de soins sur le bassin de Vierzon en prenant toutes mes responsabilités et en ayant des réussites à mon actif, qui ne sont d’ailleurs pas contestées à ma connaissance (refonte de la gouvernance, sécurisation juridique du fonctionnement de l’établissement, recrutements médicaux dans un contexte difficile, IRM, modernisation informatique…) »

Une position dans la logique pour le directeur qui se définit lui-même comme quelqu’un de « plutôt reconnu (tant par mes tutelles que par le président du conseil de surveillance) comme un bon serviteur de notre République et des valeurs du service public. »

Comme aurait dit Coluche, humoriste selon les uns, philosophe selon les autres : « choisis ton camp camarade … », mais une chose est certaine, comme une certaine marque de rillettes, peut-être que finalement tout le monde n’a pas les mêmes valeurs.


RÉACTION ▶ 

A l’occasion de la rencontre entre les maires et élus du Pays de Vierzon au cœur de la foire exposition de la deuxième ville du Cher, sur le stand de la ville, le premier magistrat de la ville, Nicolas Sansu, n’a pas manqué de faire un petit discours de rentrée bien senti. L’élu vierzonnais a ainsi expliqué que « l’avenir de notre hôpital est la préoccupation principale de notre action et je sais que vous nous soutenez en grande majorité » et de préciser que durant la semaine des agents hospitaliers seraient sur la foire pour expliquer aux visiteurs la situation et que l’Agence Régionale de Santé avait décidé qu’il n’y aurait pas de plan d’évolution annoncé. Un constat qui s’accompagnait d’un regain de motivation. « Cela doit nous motiver encore plus car nous pouvons avec votre appui et celui de tous les habitants du bassin de Vierzon et d’ailleurs, faire capoter ce plan pour que vive notre hôpital et qu’il n’y ait pas de suppression de services. C’est vital vous le comprenez et voyez ce qui se passe à la maternité du Blanc. Je compte sur votre soutien et c’est ensemble que nous réussirons à maintenir en vie notre établissement hospitalier vital pour la santé et l’accès aux soins pour tous » a-t-il expliqué.

J.F.