Manuel Valls souhaitait diviser par deux le nombre de régions françaises. 68% des Français se déclarent favorables à la réduction des échelons locaux (étude réalisée par LH2 pour la presse régionale et France Bleu). Le rôle et les compétences du département seraient également repensés. Quelle place pour le Cher et l’Indre ? A quelle région doit se rattacher le Berry ? Le Petit berrichon a interrogé nos Présidents de Conseils généraux, Jean-Pierre Saulnier et Louis Pinton, ainsi que deux hommes qui ont occupé ces fonctions par le passé, Rémy Pointereau et André Laignel. Nous avions interrogé les élus avant la proposition de découpage du Président de la République qui unit Centre, Poitou Charentes et Limousin. Une solution que n’était pas envisagée par nos élus.
L’analyse dépasse le clivage gauche – droite, même si la droite s’étonne du caractère inattendu de la réforme. Le président du Conseil général de l’Indre, Louis Pinton se dit surpris et voit un revirement dans la position du Président de la république : « en janvier 2014, il a dit et écrit «je ne suis pas favorable à la suppression des départements car des territoires ruraux perdraient en qualité de vie, sans d’ailleurs générer d’économies supplémentaires» », Rémi Pointereau ajoute « la réforme territoriale engagée par Nicolas SARKOZY a été abandonnée par le gouvernement de gauche au 2e semestre 2012 (…) puis la gauche a prévu une réforme visant à regrouper de manière artificielle les cantons actuels qui aboutit à une augmentation du nombre de conseillers. On peut s’étonner de ces changements de cap et de la brusque décision de modifier notre organisation territoriale. Il faut fixer un cap et le tenir. »
A gauche, Jean-Pierre Saulnier, Président du Conseil général du Cher est plus favorable « Tout le monde s’accorde aujourd’hui à dire qu’une réforme territoriale est indispensable. Il y a une urgence : définir les contours d’une réforme majeure pour l’avenir de notre République qui soit comprise et acceptée par tous. » Mais André Laignel considère que cette réforme n’est pas urgente « Cette accélération du calendrier ne me semble pas une priorité. La priorité absolue est et reste la lutte contre le chômage et la précarité. ».
Quant à la suppression du département, ceux qui les dirigent ou les ont dirigé n’en veulent pas. André Laignel considère « qu’en l’absence de précisions sur l’exercice des compétences, je ne suis pas favorable à cette suppression. Ce n’est pas parce qu’on supprimerait le département que ses tâches devraient l’être également. » Jean-Pierre Saulnier précise « Le Département est un échelon de proximité essentiel et efficace. C’est l’instrument principal des politiques de solidarités. » Les élus de droite vont dans le même sens ; pour le Sénateur Pointereau « Les annonces gouvernementales sont floues. Je suis contre la suppression du Conseil général qui dispose de 3 compétences essentielles qui exigent la proximité et des décisions au plus près des habitants : les routes, les collèges et les prestations sociales. » Louis Pinton se veut plus pragmatique et plus prudent « Je suis favorable à ce que la réflexion soit la plus ouverte et la plus impartiale possible. Aucune hypothèse n’est, a priori, mauvaise si elle permet d’améliorer la situation. Mais que je sache, il faudra toujours verser l’APA à ses bénéficiaires, entretenir les routes ou les collèges. Donc, sans suppression de certaines politiques publiques on ne peut pas faire d’économies. »
La fusion de l’Indre et du Cher
La réforme territoriale permet de rouvrir le débat sur la fusion de l’Indre et du Cher dans un département du Berry, un département de 540 000 habitants. Sur ce point, le plus volontariste est Rémy Pointereau « Ma réponse est favorable car ce serait reconstituer une province historique et donner à un territoire composé de deux entités complémentaires une masse économique et démographique permettant à ce nouveau territoire d’être mieux adapté à notre monde actuel. Il est dommage que l’actuel exécutif du conseil général du Cher ne recherche pas une meilleure coopération avec l’Indre comme cela avait été initié il y a 20 ans ». Jean-Pierre Saulnier lui répond que cette coopération est déjà là, mais que pour la fusion, il faudra du temps « Lorsque nous avions lancé la consultation participative Cher 2015, en 2006, 95 % des répondants nous disaient que le Cher évoquait d’abord pour eux le Berry. Le Cher et l’Indre coopèrent par exemple dans le domaine touristique pour développer la marque Berry Province. Tout projet d’association de territoires mérite que l’on prenne le temps de la réflexion et du débat pour ne pas bousculer les représentations collectives. »
Pour Louis Pinton, ce débat n’est plus d’actualité « A l’évidence, cette question n’est plus à l’ordre du jour puisqu’il s’agit maintenant de savoir si on fusionnera le Centre avec les Pays de la Loire ou le Massif Central ». André Laignel ne voit guère d’intérêt à cette fusion « L’entité Berry est une entité historique. Cette opposition entre entité historique et entité administrative n’est pas une urgence politique. La décentralisation et son action, c’est avant tout de rapprocher le pouvoir du citoyen ».
Quelle région ?
Quant à savoir dans quel cadre régional doit s’intégrer le Berry, nos élus semblent ouverts au débat. André Laignel, qui aime rappeler qu’il était du premier combat de la décentralisation avec François Mitterrand et Gaston Defferre, trouve que le Centre est un cadre pertinent « La région Centre est bien dimensionnée. Notre région actuelle a la taille de la Belgique. Une dilution dans un ensemble encore plus vaste ne serait pas un progrès mais une erreur car cela éloignerait encore plus le pouvoir du citoyen. » Jean-Pierre Saulnier n’exclut pas un grand Massif Central, mais remarque « Si l’on s’en tient au projet de réforme territoriale présenté par le Gouvernement, le Berry serait intégré à une Région Centre-Val de Loire dont l’axe ligérien serait l’élément fort de son identité. Mais ce qui compte avant tout c’est la cohérence de la réforme qui va être proposée aux Français. Gagner en efficacité et en proximité, éviter les doublons et le gaspillage des deniers publics, respecter la démocratie locale ». Rémy Pointereau a une analyse assez proche « Des liens ayant été crées avec Tours et Orléans, en Région Centre, il m’apparait possible en cas de regroupement des Régions, que le Berry puisse être rattaché à une grande région Val de Loire. Mais Quid de la Nièvre ? ». Louis Pinton précise : « je ne suis pas opposé à la constitution de grandes régions mais elles n’auront d’efficacité qu’en s’appuyant sur un tissu local efficace et proche du citoyen : ce sont les départements. » Si ce cadre est respecté, il s’interroge sur les périmètres « je constate que le Centre aura du mal à défendre son unité : le nord est déjà absorbé par la grande région parisienne et Tours regarde vers la Loire… ».
CM