Raclée de rugby, raclée de la vie


Dans l’univers impitoyable qui est le notre, pas celui de Dallas et ses puits de pétrole mais celui du pays où à la place on a des idées, il est de ces soirées sombres que l’on aimerait oublier. Et ce n’est pas toujours facile. Une branlée. Une raclée. Une pleine valise. Une déculottée. La cabane qui tombe sur le chien. On en passe et des meilleures. En quart de finale de la coupe du monde de rugby, les Bleus ont eu du mal à l’âme et au reste face à des All Blacks de haut niveau. Le rêve s’est vite transformé en cauchemar et la morose attitude a repris le dessus.
Quinze millions de Français qui se couchent avec la tête retournée, l’araignée au plafond, et qui se réveillent avec la gueule de bois, aucune cave du monde, aucun bistrot, le plus grand soit-il n’était parvenu à ça. Il aura suffi de quelques maillots noirs piétinant des maillots rouges pour que le chômage, le code du travail, Marine, le cancer, la chaleur de ce dernier été, le froid du prochain hiver, Marine, les élections régionales, les futures présidentielles, Marine, le diesel pas propre, le réchauffement climatique, Marine, la loi Macron et la loi NOTRe, Marine, l’Europe, les Grecs, et les Migrants, Marine, en gros tout ce qui fait notre pain noir quotidien, remonte à la surface.
On était tranquille. Certes, on avait de ces suffisances de vieux beaux en mal de jeunettes à encanailler qui démontraient une indéniable méconnaissance des évolutions du milieu, mais quoi … L’équipe était prête, on nous l’avait dit, répéter, rabâché sur un ton sans faille, sans aspérité non plus, sans prise sur le réel en fait. Le groupe était serein comme un oiseau au fond de sa cage juste avant qu’un gros minet ne s’en approche. On allait voir ce qu’on allait voir. Les gros allaient se mettre à plat ventre et les petits s’écraser devant tant de capacité et de motivation. Pierre Camou, un autre président normal, à la différence de celui de l’Élysée c’est que, pour lui, son camp de base est en banlieue, à Marcoussis, envisageait l’avenir avec une augmentation de licenciés, à l’inverse de François 4. Comme lui, enfin pas pour le moment, il n’était pas candidat à sa propre ré-élection. A la FFR, ce sera l’an prochain. Pierre donc, comme François, nous assurait que la France tenait son rang en quelque sorte, dans un concert international en pleine mutation et toutes ces sortes de choses.
On s’était trouvé un premier ministre, pardon, un entraîneur, qui avait fait ses preuves, surtout à l’étranger parce que Toulon. Sur le flanc de l’équipe de France, Philippe Saint-André, surnommé le Goret, non pas pour d’éventuelles manières à manger comme un cochon mais plutôt pour sa propension à foncer tête baissée vers le poteau de coin de la ligne adverse, avait prouvé que la balle à l’aile la vie est belle. Un attaquant, un vrai. Un qui allait démontrer que le jeu à la Française, ce n’était pas de l’utopie. Un retour aux sources de ce qui faisait, d’antan, la force de la nation, rien de moins. Pendant quatre ans on avait attendu et on n’avait rien vu ou pas grand-chose. Au bout de ces quatre ans, il fallait juger sur pièce avait-il claironné. On avait oublié que quatre ans encore plus tôt, on s’était déjà planté. Ce n’était pas les mêmes aux commandes. Aux antipodes, pour le lieu, aux antipodes pour le jeu, aux antipodes pour la gestion du personnel, le petit comme le grand, même ! Le bilan était négatif déjà et personne n’avait voulu l’assumer vraiment. Alors, Philippe, nous l’a fait à l’envers. L’attaquant a construit une grosse défense. Le baroudeur s’est mué en destructeur potentiel. De fils des années 70 il s’est réfugié dans la gestion des années 2000. De Gauche il est passé au minimum par le Centre. Une manière d’éviter un changement d’aile propice à toutes les suppositions.
Et voilà que, la branlée à peine consommée, tel un Sarkozy de l’ovale, on a vu arriver Bernard Laporte, l’ancien champion de France avec les Rapetous, l’ancien ministre des sports, l’ancien ci et l’ancien ça. Il allait tout changer, tout remettre comme il faut. Il avait oublié que le premier à avoir revisité le rugby hexagonal c’était lui. Comme un Macron ovalide, il avait commencé à mettre le rugby national au niveau de ses partenaires européens. Plus de fautes, plus de déficit de plus de 3 % comme le voulait les arbitres. L’Europe, quelle belle référence. Il avait oublié que, seul un concours de circonstances lui avait permis de rester le chef et d’avoir quelques lignes de plus sur son CV. Son bilan ne valait guère mieux que celui de ses successeurs, même le dernier en date.
Et tous de se flatter, de s’auto-congratuler pour approcher au plus près le Graal grand-breton. Comme l’Allemagne l’est à l’économie et en automobile, l’Angleterre l’est en terme de rugby et de sérieux. Sauf que comme pour la Teutonnie ou pour la «perfide» Albion, on peut se planter !
Un match de rugby ce n’est finalement pas si important dans la vie de tous les jours. Cependant, le rugby est une parfaite métaphore de notre société actuelle. Là, c’est bel et bien celle de gens qui n’ont pas compris qu’il ne sert à rien de s’arquebouter sur des convictions dépassées. Là, sans aucun problème, vous pouvez remplacer chaque nom, chaque situation rugbystique, par celui d’un politicien actuel, par une situation géo-politique actuelle. Le rugby école de la vie n’ont de cesse de répéter tous les éducateurs de France, et de Navarre inclus. Les dernières péripéties de la coupe du monde 2015 en sont décidément de belles preuves.
Fabrice Simœs