Les Romands regardent l’Indre préparer la présidentielle


La Radio Télévision Suisse, l’équivalent de France Télévision, a planté sa caméra dans l’Indre pour deux mois et demi. Chaque jeudi les Suisses suivent le feuilleton de notre présidentielle, vu de Châteauroux.

Annabelle Durand est « déçue en bien » par Châteauroux, comme on dit sur les bords du Léman. En journaliste de terrain, la reporter de RTS n’est jamais plus heureuse que lorsqu’elle peut abandonner le « desk » pour aller à la rencontre des gens. Pourtant, dans l’Indre, où elle n’avait jamais mis les pieds elle a trouvé « Châteauroux jolie et les habitants de l’Indre sont chaleureux. Ils se livrent très vite, beaucoup plus vite que nos compatriotes montagnards. Chaque rencontre est un beau moment d’échange. A une exception près. »

La Radio Télévison Suisse cherchait un angle original pour couvrir les élections présidentielles française. « On voulait se retrouver au cœur de la France et raconter la vie, les difficultés, les attentes et les espoirs des gens. Nathalie Ducournun rédactrice en chef adjointe et Jean-Pierre Schaller ont eu l’idée d’immerger des journalistes pendant deux mois et demi à Châteauroux. »

Ainsi chaque jeudi soir, les Suisses francophones ont droit, dans leur journal de 19 h 30 (l’équivalent de notre 20 heures de France 2) à un épisode de trois minutes du feuilleton « Opération Châteauroux » présenté, soit par Annabelle, soit par son confrère Antoine Silacci sur des images d’Adeline Percept.

« La télé c’est chronophage »

Trois minutes, pour une semaine de travail, ce doit être frustrant. « La télé c’est chronophage, convient Annabelle. Nous avons trois jours de tournage et une journée de montage. Cela dit, en plus de ce feuilleton, nous tournons aussi des sujets d’actualité pour la chaine, l’histoire des costumes de Fillon par exemple. Mais je conviens que c’est un luxe de pouvoir préparer un reportage, choisir nos personnages et leur laisser le temps de s’exprimer plutôt que de leur demander de répondre brièvement à la question qu’on leur pose et à rien d’autre. Pour notre reportage sur le désert médical on ne pouvait pas interroger notre médecin argentonnais sans faire des images de la Bonne Dame, des maisons des bords de Creuse et sélectionner dans la salle d’attente le bon patient. Celui qui connaît le généraliste depuis des années, avec lequel s’est établie une sorte de complicité. De la même façon près de La Châtre, nous avons fait la tournée avec l’infirmière libérale pour la suivre au domicile des personnes âgées qu’elle visite pratiquement tous les jours. Cela représente effectivement deux journées de tournage qu’il faut faire entrer dans ce format de trois minutes. En plus j’ai tendance à tourner long, ce qui rend le montage encore plus compliqué. »

Le désert médical, que pensent les jeunes de Châteauroux, l’emploi, autant de thèmes abordés par l’équipe de la télé suisse qui a également invité cinq Castelroussins de milieux socio-professionnels différents à suivre le fameux débat à cinq de la présidentielle dans la petite maison louée pour trois mois, à Châteauroux. Le résultat envoyé à Genève est d’ailleurs représentatif de ce qu’en ont pensé la moyenne des Français. « Un personnel politique déconnecté de nos vraies préoccupations. On n’est pas plus avancé. » Ce qui explique justement l’indécision dans laquelle baigne cette élection.

Au cours des prochaines semaines les Suisses vont tenter de sonder encore davantage les électeurs. Ils tireront leur révérence le 9 mai avec une foule de documents inexploités. « On garde tout précieusement et mon rêve ce serait de se monter un long (sous entendu long métrage). De la même façon j’adorerais écrire trois pages dans Le Temps (le grand quotidien d’information de Genève) sur ces rencontres berrichonnes, mais là c’est encore plus un rêve.

A 43 ans, Annabelle Durand a gardé intact son enthousiasme, c’est la reporter qu’il fallait pour donner une image positive du Berry. « On rencontre la solidarité de la campagne. Cette solidarité, c’est culturel, les gens ont çà en eux. »

Bel hommage, cousine, à notre tour d’être déçus… en bien.

Pierre Belsoeur