Tant pis, rions ! – Le billet d’humeur par Eric Yung


L’actualité étant globalement ce qu’elle est depuis deux semaines, à savoir banale et répétitive, regardons loin des sentiers battus de l’information habituelle pour nous intéresser à des évènements qui, malgré leur apparence désuète ou excessive, indiquent les dérives, les absurdités aussi, de nos sociétés contemporaines. Certains de ces faits, a priori, peuvent donner à chacun d’entre nous, sous réserve que l’on réfléchisse à leur sens caché, la mesure des changements (de l’évolution ?) des mentalités. Par exemple, que peut-on penser des propos de cette députée néerlandaise qui, récemment et devant l’assemblée des Pays-Bas, s’est interrogée sur « l’opportunité de délivrer des soins aux personnes âgées de plus de 70 ans ». De l’autre côté de la frontière, un Belge sur quatre souhaite, purement et simplement, que les soins pour les vieux de plus de 85 ans soient supprimés. Les flamands sont plus nombreux que les wallons à préconiser une telle mesure puisque 85 % d’entre eux estiment que les octogénaires devraient être exclus des soins… les plus chers. Laisser mourir des femmes et des hommes pour des raisons économiques ! Une idée qui n’est pas nouvelle puisque le régime nazi l’avait en son temps théorisée. Ainsi, selon 40 % des belges, laisser mourir les « anciens » permettrait « d’équilibrer les finances de la sécurité sociale ». Dans ce monde libéral et incertain voilà une façon d’imposer l’idée que la vie doit être économiquement rentable. Qu’importe donc ce que sont -ou ce qu’étaient- les valeurs attachées à la personne humaine ! Mais soyons rassurés… 85 % des français considèrent -selon une étude IPSOS – que « tout doit être mis en œuvre pour soigner une personne âgée » sachant, qu’aujourd’hui, un cancer sur trois touche un malade de 75 ans et plus. Ouf ! Parmi les informations rendues publiques ces derniers jours, il y a quelques cas moins inquiétants que celui qui vient d’être évoqué mais qui, pourtant, donne une fois encore un sens à l’évolution de nos mœurs. Ces exemples peuvent paraître idiots à citer et chacun est en droit de se poser la question pour savoir si de tels « évènements » méritent quelques lignes dans un journal ? Certes, mais ne disent-elles pas les mentalités nouvelles ? Ainsi, ce brave couple de paysans installé depuis toujours en Dordogne qui a été condamné par la justice, conséquence d’une plainte déposée par des propriétaires d’une résidence secondaire qui ne supportaient pas le croassement des grenouilles. La cour d’appel de Bordeaux a, en effet, ordonné aux campagnards Périgourdins de combler entièrement la mare, habitat naturel des batraciens qui faisait la fierté de leur jardin. Les paysans ont quatre mois pour exécuter les travaux et ont aussi -au titre des frais de justice- été condamnés à payer 3000 euros. Ce genre de procès est de plus en plus fréquent car il semble bien que « des » gens de la ville clamant pourtant aimer la nature ne supportent pas ou plus les aléas naturels de la vie de terroir. Des états de choses si récurrents qu’ils conduisent à des situations ubuesques. Par exemple, il y a peu de temps, un maire de Gironde, soutenu par des milliers de pétitionnaires de la France entière et « fatigué de voir des ruraux traînés en justice pour le braiment des ânes, le meuglement des vaches ou le chant du coq », désemparé devant certaines personnes « d’origine urbaine pour la plupart qui découvrent, comme le sot, que les œufs ne se cueillent pas sur les arbres » demande le classement des bruits de la campagne au patrimoine national. Ce maire n’est pas seul dans son combat. Une dizaine de ses collègues sont aussi passés à l’offensive comme cet édile de Saint-Pierre d’Oléron qui a pris un arrêté municipal pour « préserver les modes de vie liés à la campagne notamment pour ce qui concerne la présence des animaux de ferme » en se référant au « caractère à dominante rurale ». Et à l’élu de s’interroger à voix haute sur le mauvais caractère des plaignants : « aujourd’hui c’est un coq et demain ce sera quoi ? Le cri des mouettes, le bruit du vent, notre accent ? » Et on en découvre des informations insolites en fouillant les pages des journaux ! Une fois de plus, ce fait sans grande importance sur la forme dénote, sur le fond, une certaine évolution de nos comportements. Hier, qui aurait pu songer à une telle solution concernant le dépeuplement d’un village ? Dans le Loiret, un maire confronté à la dénatalité et devant la menace de l’académie de l’Éducation nationale de fermer -et pour cause ! – plusieurs classes de l’école partagée avec la bourgade voisine, a eu l’idée de distribuer gratuitement du Viagra aux habitants âgés de 18 à 40 ans. « La distribution des petites pilules bleues donnera, je l’espère, toutes les chances de conception et ainsi préservera les écoles des deux communes ». Le premier citoyen de la commune a aussi déclaré sur les antennes de France 3 -Centre Val de Loire- qu’il espérait bien, avec cette idée, « mobiliser ces concitoyens et sensibiliser les pouvoirs publics ». L’histoire ne dit pas pour l’instant si la mesure a été efficace.