Un blaireau peut cacher d’autres ESOD


Sur le calendrier, à force de pages tournées, juillet et août se profilent. Entre deux orages, voici revenu le temps d’un farniente annoncé, celui qui fleure bon les cartables remisés, le sable chaud, les Mojito et les maillots de bain jetés dans une valise. Entre deux sirènes, deux Soulèvements de la terre et un cachalot, derrière la jolie carte postale, c’est aussi une période où (trop) souvent, les animaux de compagnie sont abandonnés sur les routes. Les Français(es) seraient même des champion(ne)s dans ce sport pas très catholique. Pour autant, une frange de la France n’oublie pas la faune sauvage et notamment, le blaireau, ce mammifère à la face noire et blanche qui vit dans un terrier et creuse des galeries, trapu et court sur pattes, à la frimousse de nounours. Cet omnivore est régulièrement chassé, enfin plutôt pour être précis(e), déterré selon une méthode discutable de vénerie sous terre, à l’aide de pinces, pelles et moyens d’extraction guère fringants. En Loir-et-Cher, une édile, Catherine Le Troquier, à la tête de la petite commune de Valaire, près de Blois, en a fait depuis 2019 son cheval de bataille. Cette maire a notamment pris des arrêtés prohibant cette pratique sur sa municipalité qui lui ont valu quelques convocations au tribunal et combats judiciaires. À cœur vaillant, rien d’impossible, et les petits ruisseaux nourrissent les grandes rivières : ce mois de juin 2023, l’association bien connue, One Voice, annonce une bonne nouvelle : «la paix cet été pour les blaireaux, blairelles et blaireautins dans quatorze départements.» Elle ajoute que « les décisions rendues par les tribunaux administratifs viennent confirmer les arguments que nous avançons depuis de nombreuses années et ouvrent des perspectives nouvelles (…). Dans dix-huit départements, nous avons attaqué devant les tribunaux l’ouverture de périodes complémentaires de vénerie sous terre au printemps et en été. Dernières suspensions en date : dans l’Aube et dans la Meuse, et dans le Loiret et l’Eure-et-Loir, où les juges ont balayé les arguments des chasseurs et des préfectures. Elles s’ajoutent aux dix départements où les tribunaux ont dit stop.» Si le tribunal d’Amiens, par exemple, a pointé du doigt une « chasse à l’aveugle », le tribunal administratif de Nantes a pour sa part estimé que la vénerie ne crée pas de souffrance animale, du fait que les chasseurs utiliseraient des « pinces non vulnérantes ». Le 1er juin 2023, même si tardif, le tribunal administratif d’Orléans a quant à lui donné raison aux associations en annulant l’arrêté préfectoral de 2020. Etc. Rome ne s’est pas construite en un jour, mais le train avance. Un autre mustélidé, carnivore, au corps brun et plus fin, à savoir la belette, par contre, semble ne pas pouvoir se dorer tranquillement la pilule au soleil. Particulièrement persécutée dans le Pas-de-Calais, à lire dans Charlie-Hebdo le verbe militant d’Allain Bougrain-Dubourg, président national de la LPO, Ligue de protection des oiseaux. Ce dernier ironise : « Pourquoi donc le Pas-de-Calais s’apprête-t-il à pouvoir tuer la bête durant toute l’année ? Peut-être faut-il chercher du côté du Président de la FNC (Fédération Nationale des Chasseurs) qui habite précisément ce département… ». Ce qui est certain, c’est qu’on apprend que le ministère de la transition écologique va réaliser ses propres devoirs d’été en fixant sa liste d’ “espèces susceptibles d’occasionner des dégâts” (ESOD), dont la belette ferait partie. Le putois, chassé, tête de Turc également, s’en sort visiblement mieux, enfin si on veut : de “nuisible “, il est devenu « quasi menacé » dans la liste rouge de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). Sans trop anthropiser, il est possible de se demander dans ce schéma bien précis, qui est vraiment le chat et qui la souris. Puisqu’il existe bien d’autres potentiels ESOD, malgré les Natura 2000, ZICO, et autres programmes de co-construction et conservation de cette même nature : l’impact de l’homme qui se met en danger lui-même, ses activités, ses pesticides, son agriculture intensive, sa destruction des milieux naturels… Thomas Hobbes et son mythique « le loup est un loup pour l’homme ». Dans cette guerre d’idées, il est souvent plus facile de sensibiliser les gens à ne pas jeter de déchets par terre pour préserver la mer, plutôt que de demander de cesser de consommer des poissons. Plus aisé que de se regarder dans le miroir. En évitant de tenir un discours manichéen et univoque. De toutes les façons, un train de blaireaux peut en cacher un autre…

Émilie Rencien