Un vol de grues direction plein nord, par Fabrice Simoes

Un vol de grues direction plein nord. Le printemps est de retour. Tôt. Très tôt. Trop tôt. La tête dans les nuages on se chope le premier torticolis de l’année. On ferme les yeux. On devient poète. En bord de mer, on voudrait écouter le chant mélodieux des sirènes, celles des flots bleus. Un peu, beaucoup, à peine un peu plus que cétacé vous dirait une baleine. En campagne, s’élève le chant un peu moins harmonieux des oiseaux migrateurs, mi-tireurs. Il nous rappelle qu’il ne faut pas poéter plus haut que son propre fondement. Retour sur terre. En ville, ce sont les particules fines. En campagne, on se prend une dose de glyphosate. On se dit alors qu’il faut être d’une connerie infâme pour interdire les semences « paysannes » au profit de la Monsanto connection.

Un vol de grues direction plein nord. Le printemps est de retour. Tôt. Très tôt. Trop tôt. Les déclarations de notre élite gouvernementale, ministres, secrétaires d’État, sous-fifres patentés ou pas, n’ont pas cessé. Elles sont journalières, saisonnières que nenni. Parfois une pause. Une petite pause, avant que le déversoir ne soit de nouveau empli de ces petites phrases absconses, incompréhensibles du commun des mortels. Ceux-là n’ont pas fait l’ENA ou toute autre « Grande école »- la notion de Grande n’a rien à voir avec sa superficie, ou le nombre d’étages. Elle est estimée au constat d’une auto-régulation de classe – et ne peut avoir cette aptitude de compréhension. Pourtant, comme le dit Agnès Buzyn, ministre de la Santé, les choses sont tellement simples. Pourquoi ferme-t-on les hôpitaux ? Parce-que ce ne sont pas les postes de médecins qui manquent mais les médecins pour les occuper. La réponse est toute trouvée, en 2020, le numerus clausus passera aux oubliettes. Il faudra attendre un peu pour combler la diagonale du vide médical qui part du Nord-Est pour rejoindre le Sud-Ouest! Il faudra cependant une dizaine d’années pour que les effets de cette suppression impactent visiblement notre quotidien. Le temps de boucler les fermetures d’hôpitaux de proximité et d’éradiquer cette médecine des campagnes. Le temps de crever au bord des champs et d’accoucher arrêtée près d’un fossé. Et pour les médecins, ceux qui ont prêté le serment d’Hippocrate et non allégeance au marché de la santé, des solutions sont aussi proposées. C’est d’une simplicité technocratique telle que même les Anglo-saxons ne nous l’envient pas. Créons donc des postes d’assistants médicaux. Des postes administratifs et d’accueil des patients (pour des gestes paramédicaux), qui seront financés par l’État… Une seule condition : le médecin doit faire un minimum de 6 « clients » à l’heure (le terme de malade ne peut être appliqué qu’après consultation et constat avéré de la dite maladie préalablement inscrite au catalogue des maladies officielles). Puisqu’on en arrive là, on pourrait aussi installer les cabinets médicaux dans des cabanes de chantier, aussi au bord de la route. La médecine pourrait alors être pratiquée comme l’est le sexe tarifé. En mode quota comme avec des esclaves sexuelles, plus prosti-putes que péripatéticiennes, en séances d’abattage. La solution est là.

Un vol de grues direction plein nord. Le printemps est de retour. Tôt. Très tôt. Trop tôt. Au nom du politiquement correct et de la volonté de ne pas stigmatiser les minorités, l’académie française a décidé de moderniser la langue de Molière pour la rendre indéniablement plus féminine et rigolote. Une aberration puisque que tout le monde sait que les femmes, plus nombreuses, plus intelligentes, plus fortes et tout ça, dominent déjà le monde. Les noms de métiers vont pourtant être féminisés. Ça fonctionne bien avec architecte, boulanger, et d’autres. Par contre, pour le féminin de médecin, on dit médecine ? Un autre moyen de soigner les maux qui nous rongent en prenant ses références dans le Petit Larousse plutôt que dans le Vidal.

Un vol de grues direction plein nord, ce n’est finalement pas l’annonce d’un retour du printemps. Même tôt. Même très tôt. Même trop tôt. Tout bonnement, le monde marche sur la tête et pas seulement parce que « y a plus de saison, mon-ma pauvre monsieur-dame, moi je vous le dis .»