20 ans l’âge du bonheur ? Tu parles !


Il était un temps, pas si lointain, où la seule évocation du mot « jeunesse » évoquait le bonheur et l’avenir, la joie de vivre, l’insouciance, la passion, les découvertes, l’amour et la gaîté. Mais est-ce encore le cas aujourd’hui ? Depuis la fin des années 60, des phénomènes nés au cœur des sociétés occidentales et qu’ils soient d’ordre pathologique ou politique -au sens le plus large de la définition du mot- ont contribué à installer au sein de la jeunesse une désillusion globale. Un constat largement décrit dans de nombreuses revues savantes et universitaires. Ainsi, un groupe de sociologues canadiens affirme, après plusieurs années d’études, que « la spécificité de la jeunesse actuelle, c’est qu’elle ne se définit plus directement par rapport au monde des adultes »  ; une situation, précisent les chercheurs, créée et encouragée par l’industrie et l’économie liées, en particulier, « aux loisirs, à la mode et à la publicité ». Cela aurait pour effet, si l’on se réfère toujours aux investigations universitaires et aux thèses du sociologue, Wrigh Mills, le plus renommé des États-Unis, « un réel malaise de la jeunesse qui atteint présentement toutes les sociétés et que, selon le type de société étudiée, ce malaise prend des formes et des modalités différentes. » Conséquences : les jeunes têtes blondes n’ont plus confiance en personne, c’est-à-dire que les parents, souvent, ne sont plus un modèle et qu’ils ont jeté, loin devant d’eux, les discours des décideurs et politiques de tous rangs et, d’une façon plus générale, de tous les adultes. Ils chercheraient à s’émanciper de toutes les formes d’autorité et nieraient les valeurs communément acceptées. Cet effacement ou manque de repères expliquerait, en caricaturant à peine, que la jeunesse n’est plus heureuse ; en réalité, elle ne peut plus l’être.
Regardons derrière nous. Si la génération des « babyboumeurs », celle née au milieu des années 40 a connu les « Trente glorieuses », le plein emploi, les nouveaux acquis sociaux, la liberté sexuelle etc. que dire des garçons et des filles nés plus tard. Il y a eu ceux qui, dès 1980, se sont paumés dans les plans permanents des réformes de l’éducation au point d’en perdre leur latin, les mêmes ont subi le chômage galopant, la dégradation -pour les banlieues- des habitats sociaux, la montée des violences urbaines, les demains incertains, les scandales politico-judiciaires. Cette jeunesse a été, souvent, le témoin d’injustice avec, par exemple, le loubard condamné sans appel tandis que des criminels en col blanc sont préservés de la prison ou pour les plus malchanceux d’entre eux, bénéficient d’un régime de détention adouci en quartier « V.I.P ». La jeunesse peut-elle croire à l’égalité ? Et cette jeunesse peut-elle être convaincue, comme on tente de le lui enseigner, que notre époque est meilleure que celle de Jean de La Fontaine qui a clamé que l’on « soit puissant ou misérable etc. » ? Peut-elle croire en la solidarité des siens lorsque la remise en cause -au nom d’idéologies plus ou moins bien fondées – de la notion familiale est remise en cause ? La jeunesse peut-elle avoir confiance dans l’éducation alors que les réformes permanentes et éternelles lui ont fait perdre son latin et tout cela dans un monde où l’amour doit être vécu avec précautions et ce, à cause du virus du sida ? Dans un tel climat de doute et de suspicion, cette jeunesse-là pouvait-elle s’épanouir, être joyeuse et croire au bonheur et au futur ? La nouvelle d’aujourd’hui se trimbale avec ce passé sur le dos et connaît, aujourd’hui, la Covid-19. Si elle est, paraît-il, moins exposée que le reste de la population par la maladie, la crise sanitaire oblige les autorités de l’exécutif à prendre des mesures draconiennes. Des moyens drastiques et contraignants et -cela est un fait de conséquence – qui réduisent un peu plus chaque jour les libertés individuelles et collectives. Ils en sont les premières victimes ! Il ne s’agit pas d’apprécier et, moins encore, de juger les initiatives gouvernementales prises en matière sanitaire mais  les  confinements, le couvre-feu et la répression contre les réfractaires aux règles, lois et prescriptions imposées, favorisent-ils la gaité, l’insouciance et la joie de vivre ? Passer une agréable soirée avec ses rires, son projet de « s’faire une toile » suivi d’un « p’tit resto » est désormais interdit ! Filer, durant un week-end à la campagne ou à la plage est prescrit. Et puis, le terrorisme qui sévit depuis des années et qui, depuis peu, montre son visage le plus atroce, la présence légitime des forces de l’ordre armées dans les rues et le plan « Vigipirate » décrété à son plus haut niveau depuis quatre jours, procurent-ils de l’espoir à la jeunesse ?
« La jeunesse est l’avenir des nations » dit-on. Mais le pessimisme ambiant veut, comme l’a écrit Paul Valéry, que « Nous entrons dans l’avenir à reculons ». Heureusement, les plus grands hommes se trompent parfois et certains de leurs maximes et aphorismes restent sans écho.

Éric Yung