Au fond


Nous pourrions disserter à l’envi sur la très brûlante actualité : les référendums d’annexion par la Russie; la démission de Julien Bayou et la faute à Sandrine Rousseau; le quelqu’un m’a dit qu’il existe un retour de flamme entre Sarkozy et le Qatar; l’insécurité à Nantes, Alençon et compagnie qui donne un air harassé à David Lisnard en interview sur RMC; les 2 600 salariés à la porte chez CamaÏeu; la révolution de femmes libres en Iran contre leur prison voilée. Ou encore le fameux match de football des députés; le loup qui hurle à la lune pris dans la cible de violence des éleveurs de Lozère; le rapport du Sénat fouettant le business de la pornographie ; la victoire historique de l’extrême-droite en Italie …

L’information redevient fourmillante et inspirante, mais sans voluptés dans l’immédiat. Peut-être que finalement, les commentaires fleuves pendant des jours et semaines sur la disparition de la reine Elisabeth II, c’était sympa ! Alors, nous pouvons choisir de parler d’autres choses par d’autres biais. Ainsi, penchons-nous ici de prime abord sur un tic ou toc de vocable. Sans tomber dans l’énigme empruntée au père Fouras, ce constat n’a pas surgi au fond de la classe, au fond du jardin, ni même au fond du trou, Quoique, le gouffre n’est sûrement pas si loin, lorsque, après l’hystérie pandémique, et avant l’obsession énergétique, Bruno Le Maire arrache sa cravate devant les Français, ces grands enfants qu’il convient de sermonner et prendre continuellement par la main. Et lance en pleine semaine de Fashion Week à Paris, une mode sobre : le col roulé ! Pour réaliser des économies d’énergie. Ah. Hum. D’accord. En cachemire, le col ? Ou un tricot de corps ? Un chandail ? Une bouillotte ? Pourquoi pas, de la houille ? Déjà que le vert anis flashy peut donner possiblement mauvaise mine (pour notre part, il nous sied bien…), que la laine de type alpaga qui gratte semble se nicher partout dans les hauts cet automne-hiver, rajouter un col, roulé qui plus est… Et si je préfère le col claudine ? Le modèle suggéré peut, avec une telle annonce, devenir la poule aux oeufs d’or des fabricants, et de fait créer un énième gap de deux poids, deux mesures. Force est de constater que certaines marques n’ont pas attendu des consignes spécifiques pour appliquer leurs hausses de prix pas du tout ascétiques : sans changement de matière ni modification d’aucun autre ordre face à l’offre de l’an passé, le prix de certains pulls accusent une hausse de 20 € d’emblée ! Certes, c’est la crise mais avec de telles embardées, ménager son petit boursicot, ce n’est pas gagné. Donc dans la suite, tout bien considéré, revenons à l’anaphore préambule visée : « au fond ». N’avez-vous jamais remarqué que cette expression, empruntée à la plaidoirie des avocats, est énormément utilisée par nos hommes politiques ces derniers temps ? Sur le terrain, lors de déplacements politiques, nous avons entendu nous-mêmes en effet de manière récurrente ces deux petits mots par exemple chez Marc Fesneau, Emmanuel Macron, et quelques autres fois, dans la bouche de journalistes et experts médiatisés. Ce n’est pas si nouveau, c’est presque une affaire française, puisque pour raviver les mémoires, Valéry Giscard d’Estaing avait usité cette formule en 1974 : « Je voudrais regarder la France au fond des yeux, lui dire mon message et écouter le sien.» Un éternel recommencement … À l’époque, la Renault 5 et la Peugeot 304 étaient en vogue sans se soucier de l’éco-mobilité, et un Français sur cinq n’envisageait pas encore d’adopter un vélo électrique (selon une étude de septembre 2022 menée auprès d’un panel représentatif de 1 005 personnes par la société internationale de sondages et d’études de marché, Yougov, pour le leader français du vélo électrique reconditionné, Upway). Pourtant, c’est bien dans ces années 1970 qu’il fut question pour la première fois d’un gros mot, la décroissance… Rappelons en sus l’entre-deux-guerres vantant la puissance magique de la fée électricité domestique, avant les privatisations inhérentes dans les années 40 à l’impact de la Seconde Guerre mondiale, etc. L’Histoire anônne. Col roulé ou non, le temps est (re)venu de faire appel à nos recettes de grands-mères évidentes mais oubliées : éteindre la lumière en quittant la pièce, mettre un vêtement chaud de plus, boire des tisanes, ne pas surchauffer, ne pas jeter ses déchets par terre, etc. C’est-à-dire la volonté du bon sens ! Pour la réforme des retraites, par contre, l’interrupteur est enclenché… jusqu’au fond. Mais ne gelons pas davantage l’atmosphère qui risquerait de faire tourner la machine à laver après 18h et d’augmenter le bouton du radiateur au-delà des 19° recommandés.

Émilie Rencien