Avé Manu, la province vous salue


« Cher Père Noël … » Stylo à rayures, rature. « Petit Papa Manu, quand tu descendras du ciel jupitérien avec des mauvaises nouvelles par milliers… » Clavier, smiley. « À l’approche d’un nouveau Noël sous le pôle Macronie, je m’excuse de t’adresser une missive tardive mais il me tarde tant que l’espoir se lève pour voir si tu m’as apporté tous les beaux « youhou » de joie que je vois en rêve. Dehors et ce n’est pas qu’à cause de moi, avec le réchauffement de la météo, ton traîneau en marche prend l’eau. Tu n’as pas été tous les jours très sage, n’oubliant toutefois jamais tes propres petits souliers… » Cette vraie-fausse lettre au bonhomme habitant un palais où est régulièrement déroulé le tapis rouge permet de conclure cette fin d’année 2019 en conservant un brin de légèreté dans un contexte empreint d’une tenace morosité. Une année qui aura été rythmée par les 500 bougies du Centre-Val de Loire. Cinq siècles écoulés de François Ier à François Bonneau en passant par François Hollande. Et même au-delà, avec François (Emmanuel) Macron qui mène un règne où la royauté semble en renaissance. La novlangue étatique aura ainsi rebaptisé la province en territoires, ou comment planter l’arbre qui cache la forêt. Nous ne serinerons pas nos expériences sur le terrain, relatées en 2019 dans nos colonnes, consistant notamment à courir après Manu à Chambord puis Édouard Philippe à Vendôme, bien que positionnés dans le wagon presse. Mais, journalistes des villes, journalistes des champs… Nous sommes visiblement les seuls à oser l’écrire haut et fort parce que, en empruntant la ritournelle à l’écrivain, Blaise Cendrars, moi journaliste du Petit Solognot, « je ne trempe pas ma plume dans un encrier mais dans la vie » ! Plusieurs fois lors de ces douze mois, nous avons en effet tenu à « dénoncer » et aussi et surtout, souvent, à faire vivre les coulisses des évènements à notre lectorat. Car c’est ça être journaliste; nous sommes les yeux et les oreilles sur le terrain, posés sur une réalité tangible. Nous pouvons alors choisir de révéler cette dernière ou bien de la taire. Nous n’avons pas la science infuse, nous ne sommes pas non plus un Zeus des médias ni la Gaule résistante contre César dans un Goscinny-Uderzo, ni même candidat à une proche ou lointaine élection politique. Il n’empêche qu’au Petit Solognot, à Romorantin, en Sologne, ruralité éloignée des grands décideurs prosaïquement technocrates, nous sommes à notre manière engagés à aller plus loin pour lever le voile (sur la province et les terroirs, l’environnement et le bien-être animal, la classe politique et ses dissentiments, et caetera). Quitte à faire grincer les dents de conseillers en communication des hautes sphères et consorts et à passer par la cheminée si la porte nous est fermée. Aussi, le « chantage » commercial et les menaces financières ne sont pas que pure invention – tout comme les rumeurs lancées ou les caresses dans le dos des journalistes, et pas seulement au figuré- pour verrouiller les plumes, et ce serait mentir que d’affirmer que la presse écrite française est « libre » et totalement « neutre ». Celle-ci est ici et là bien souvent sous perfusion et certains élus sont tentés d’en profiter. L’auto-censure n’est pas non plus un fantasme au sein de notre métier. On s’enflamme avant de se raviser et de biffer pour demeurer dans le politiquement correct. Mais les exceptions existent également et la liberté de la presse pèse plus que son pesant d’or face aux convenances. L’affranchissement et la richesse sont ailleurs. Dans la différence assurément, que nous revendiquons et assumons à la rédaction du Petit Solognot, dans la mesure du possible. Le sociologue des médias, Rémy Rieffel, que nous avons lu sur les bancs de l’université Paris II Panthéon-Assas / Institut Français de Presse, son fief d’ailleurs de professorat, interrogeait déjà au début des années 1980. « Qui a intérêt à légitimer et consacrer une élite de journalistes ? » Il écrivait encore en 1983 dans la revue française de science politique. « L’étude de l’élite journalistique dévoile nettement que les journalistes sont soumis à des objectifs contradictoires et à des contraintes diverses qu’ils ne réussissent pas toujours à concilier adéquatement ou à maîtriser ; leur autonomie en sortira relativisée, diminuée, le contrôle semble de fait l’emporter sur la liberté. » Nous nous souviendrons en sus d’un autre sociologue disparu en 2002, Pierre Bourdieu, également découvert pendant nos études supérieures, très sévère et critique à l’encontre des médias, reprochant aux « chiens de garde », entre autres procès d’intention de finir par « cacher en montrant ». Le journalisme, un instrument de communication bridé ? » J’ai eu la joie d’être attaqué, souvent assez violemment, par tous les grands journalistes français, expliquait encore Pierre Bourdieu au Collège de France en 1998. Parce que ces gens qui se croient des sujets n’ont pas supporté de découvrir qu’ils étaient des marionnettes. » En 1999, l’éditorialiste Laurent Joffrin, à l’époque directeur de la rédaction de L’Obs, avait harangué, vent debout. «Quand les journalistes obéissent enfin à leurs propres principes, l’influence supposée des propriétaires et celle du conformisme ambiant s’estompent.(…)
C’est un système ouvert, contradictoire, qui offre des capacités d’action aux dominés, et pas seulement aux dominants. » En écho à ces dernières considérations sonnant plutôt pertinemment, au Petit (mais costaud) Solognot, nous n’apprécions pas vraiment d’endosser le costume de mouton de Panurge. Par conséquent, en 2020, nous continuerons à suivre notre propre ligne de conduite, celle qui consiste à parler la langue vraie de la province et des territoires. Et évidemment, à cultiver notre différence en utilisant notre plume véloce avec passion et authenticité, sur divers sujets, loin des codes parfois imposés. N’en déplaise. « Beaucoup de chemins mènent à la réussite, mais un seul mène immanquablement à l’échec, celui qui consiste à tenter de plaire à tout le monde » (Benjamin Franklin). À méditer aussi, Joyeuses fêtes de fin d’année à nos fidèles lecteurs et vous non plus, ne changez rien ! À très vite pour de nouvelles, savoureuses et épiques aventures dans nos colonnes, dès le mois de janvier 2020. Pour tirer les rois… Ceux de la galette sucrée de prime abord; tout en s’accordant une douceur, il est néanmoins encore temps de s’inscrire sur les listes électorales, en attendant le scrutin des municipales des 15 et 22 mars 2020, avec son lot de fèves, promues ou déchues.