BILLET D’HUMEUR de Fabrice Simoes


Les soutiens s’en vont… Poutou est toujours là

En raison de l’actualité toujours aussi prégnante, toujours aussi présente et toujours aussi inconstante, il convient d’expliquer la pratique du billet d’humeur. Vous prenez de l’humeur de l’instant. Vous ajoutez des grands moments de l’actu. Vous allumez votre ordinateur et vous tapez comme un malade sur le clavier. Parfois vous assaisonnez avec une pointe de fiel, une pointe de miel. Parfois vous parfumez de l’écoute d’un vinyle, pas toujours très vieux, et vous avez LE billet d’humeur… et qu’il plaise ou non, il est comme ça ! Ça c’est en temps normal. On le fait en amont pour se donner l’opportunité de casser ses phrases, de briser ses lignes. On colle à l’actu ou on s’en démarque parfois si on veut avoir le recul nécessaire. Comme on ne souhaite pas tout de même pas écrire trop de bêtises, on tente de rester sur le coup pour que, à la parution, le billet soit encore dans l’air du temps.

Du coup, ce billet devait s’intituler « Un p’tit bisou au p’tit Poutou ». Dans les lignes qui s’empilaient sur l’écran on narrait une histoire d’émission de télé. Sous l’œil des caméras, un petit candidat voulait exister et un sous-fifre porte-parole, à défaut d’être porte-flingue, l’avait précédé. Ce dernier était bien embouché. Il avait oublié de répondre aux questions que lui posaient ses interlocuteurs. De longues minutes, il avait pourtant bavassé. De longues minutes il avait peint de bleu horizon l’espoir des siens à devenir le nôtre. Il avait dit et redit son envie d’entrer dans les pas de son ami, de son maître, de son suzerain et seigneur pour nous conduire ensemble, tous ensembles, vers le Nirvana du conservatisme, le Va-hala du libéralisme. Il avait été bon comme le pain. Que les gueux, ses petits électeurs, s’en souviennent, les miettes seraient pour eux, sans en manquer aucune. Bon père, pour sur, bon maire, on ne sait pas, mais bon député certainement, il s’appelait Solère. Thierry de son petit nom. Religieusement, enfin pas comme si on buvait ensemble le vin de messe dans un même calice, les spectateurs étaient restés attentifs à ne pas en perdre une seule goutte. Il fallait croire sur parole. Ainsi soit-il …

Comme l’humeur était badine, on expliquait que le petit candidat s’appelait Philippe Poutou. Pas sapé comme un Milord, la cravate encore dans la vitrine du Prisunic, le gars de chez Ford arborait un maillot manche courte, sur chemise à manches longues. Certainement à la gloire de France Gall et Michel Berger, le mot « Résiste » avait été imprimé en blanc sur noir par ses potes du bureau politique. Enfin ceux qui s’occupent de l’habillement. D’habitude, ils sont à la coupe dans une usine de confection. C’est dire s’ils s’y connaissent dans la taille des costards. « Existe » aussi était inscrit. En ce lieu que l’on nomme plateau de télévision le Philou s’en allait donc tout benoîtement quémander quelques signatures nécessaires avant de partir à la pêche aux voix. Son temps de parole était compté…

Avec le premier intervenant on avait essayé de vérifier si le revenu universel marital était une bonne base de travail pour un tandem mari et femme. Une version revue et corrigée d’un demi-couple élu, demi-couple assistant (e). A l’heure du second, tout le monde s’était esclaffé pour une question mal posée. Involontairement très certainement. On expliquait que si cela était arrivé à la blonde victime expiatoire des médias que n’aurait-on pas dit, que n’aurait-on pas écrit. Là, ce n’était que Poutou. Même pas certain qu’avec Nicolas Dupont-Aignan, Michèle Alliot-Marie, Henri Guaino ou Rama Yade on se serait permis de ricaner. Avec Pierre Larrouturou, l’écrivain Alexandre Jardin, Charlotte Marchandise-Franquet, le leader indépendantiste tahitien Oscar Temaru ou Christian Troadec, le Breton des bonnets rouges, plus sûrement.

Totalement hors sujet, on oubliait ses électeurs, 1,7 % des votes exprimés lors des dernières présidentielles. Ceux-là ont du fermer leurs gueules le temps que les éclats de rire s’arrêtent. Au moment où l’on parle de discrimination positive, c’était un peu couillon !   

Intentionnellement on vous parlait des 500 signatures obligatoires afin qu’un candidat pour de semblant devienne un candidat pour de vrai.

On extrapolait et vous annonçait le merdier que cela pouvait faire si les 42 000 signataires potentiels donnaient leur accord pour que chacun puisse aller à la télé exposer son programme et aux urnes déposer son bulletin. Choisir parmi plus de 80 gaziers, ça c’était de la Démocratie participative. Une ambiance de folie où Fillon danserait la bourrée sur le parvis du Panthéon, Macron effectuerait quelques pas de menuet à la grange aux dîmes de Mézidon, Mélenchon jouerait de la flûte à bec place de la Nation et Hamon du pipeau face à l’Élysée. Pour les programmes, on faisait comme d’hab … personne n’envisageant qu’ils soient tenus !

Non pas ! Pif, paf, badaboum s’est écrié le Magnifique Bebel ! Au moment où ces lignes s’écrivent, les soutiens de François des Rillettes du Mans et des 24 heures réunies prennent leurs cliques pour ne pas prendre une claque. Même l’As du verbe, Thierry Solère, s’est fait la malle. Nicolas de Neuilly, passe son nez par le bas de la porte. Alain, le Bordelais aux chemises de trappeur, souvenirs du Canada, se tient prêt pour reprendre le manche de la cognée. Et quand vous lirez ce billet, il se peut que tout soit autrement. Alors comment voulez-vous que Poutou et consorts  existent avec tout ça ?                         

Fabrice Simoes