« Brexit or not Brexit ? »


Il ne faudrait pas, par quelques mots que l’on pourrait juger d’injurieux ou déplacés, qu’un journal solognot provoque un incident diplomatique avec le Royaume-Uni et ce, sur un sujet d’actualité brûlante. Mais que veulent vraiment les Britanniques ? Parce que, sincèrement, ceux que nous qualifierons d’amis anglais nous « emmerdent »… avec leur Brexit ! Beaucoup d’entre nous, les « mangeurs de grenouilles » comme la presse d’outre-Manche aime nous définir très souvent, sont convaincus que les Britishs sont nés pour nous taquiner, nous horripiler, nous irriter enfin bref, pour nous courir sur le haricot. Ce n’est pas nouveau, direz-vous peut-être. En effet, sans vouloir rappeler de mauvais souvenirs, ceux qui nous ont mis une sacrée raclée à la bataille de Crécy, qui nous ont brûlé la pucelle d’Orléans et qui se sont acharnés, durant cent ans, à rendre notre vie infernale, toutes choses que nous avons pardonnées à nos amis anglais, voici qu’ils nous contrarient de nouveau, tout comme d’ailleurs nos autres partenaires européens, avec leur trop fameux Brexit. Mais que désirent-ils les « Angliches » comme les appelaient Victor Hugo ? Au début de cette histoire, tout était clair. Par référendum ils ont choisi, à la majorité d’entre eux (51,9%), de sortir de l’Europe pour retrouver leur chère indépendance insulaire. C’était le 23 juin 2016. Une consultation faite auprès des sujets de sa gracieuse majesté sur la pression des membres conservateurs de la Chambre des Communes qui, quelques temps auparavant, avaient nommé madame Theresa May, première ministre. Une personnalité politique prudente, à moins qu’elle n’ait été secrètement contre la sortie de son pays de l’Europe, qui n’a jamais pris position en faveur ou défaveur du Brexit. Est-ce la pierre d’achoppement qui a créé la situation inextricable que l’on connaît aujourd’hui ? Possible. Il est un fait, depuis l’adoption du Brexit, Theresa May souhaite, avec l’appui des instances de Bruxelles, quitter l’Union Européenne tout en négociant les avantages commerciaux dont elle bénéficiait de plein droit jusqu’au vote fatidique. En caricaturant sa position, l’Angleterre veut garder le beurre, l’argent du beurre et jeter par-dessus bord la crémière. Alors, Theresa May a conçu un plan (sic) de retrait de son pays si avantageux pour l’Angleterre que les dirigeants des autres nations ont trouvé qu’un tel accord était impossible à accepter de la part d’un pays qui ne veut plus de l’Europe. De leur côté, les conservateurs britanniques, majoritaires à la Chambre des Communes et pro-Brexit, dénoncent une trahison démocratique puisque selon eux, ledit accord et tous ceux qui, par la suite, ont été présentés étaient une « insulte » faite aux anglais qui se sont exprimés clairement sur la sortie de l’Europe. Et c’est ainsi, que le Brexit a été reporté trois fois en janvier et mars 2019, qu’un nouveau traité a été présenté le 29 mars dernier pour être, éventuellement, adopté le 22 mai prochain. Une nouvelle proposition qui a déclenché les foudres des députés britanniques et renvoyé la première ministre à réfléchir encore dans son bureau du 10 Downing Street. Or, ce Brexit met la finance et le commerce européens dans de telles difficultés que, chaque pays de l’Union, avec plus ou moins de discrétion, voudrait, par un accord, limiter la casse. Raison pour laquelle, la semaine dernière (c’était dans la nuit du 10 au 11 avril 2019), la sortie du Brexit a été, une nouvelle fois, repoussée de six mois tandis que la commission de l’Union européenne, globalement, aurait souhaité accorder une année supplémentaire à l’Angleterre pour trouver une porte de sortie à la crise politique. Ce délai supplémentaire de six mois est un compromis conclu après que le Président de la République, Emmanuel Macron, ait tapé du poing sur la table de Bruxelles. Il a considéré dans un premier temps « qu’un no-deal aurait été la meilleure option car, dans l’état actuel des négociations, il n’est pas question de mettre en danger l’Union Européenne et ses 27 membres ». Bon prince, il a considéré ensuite cet accord « comme le meilleur possible ». De son côté, Theresa May dit « espérer une sortie le 22 mai prochain ». Mais si la première ministre britannique ne parvient toujours pas à faire accepter par les députés cette nouvelle date butoir, que se passera-t-il compte tenu que les élections européennes se tiendront du 23 au 26 mai prochain ? Ils voteront pareils à tous les citoyens de l’Union et, malgré leur refus de l’Europe, éliront des députés qui occuperont des sièges à l’Assemblée bruxelloise jusqu’en 2024. Ce sera alors Ubu roi au pays des béotiens ! C’est Charles de Gaulle qui doit se retourner dans sa tombe. Il nous avait prévenu. Dans une conférence de presse du 27 novembre 1967, le vieux général avait fait savoir qu’il était contre l’adhésion de l’Angleterre à ce qui n’était encore que le « marché commun ». Pour lui « la perfide Albion » qui frappait à la porte de l’Europe nous la claquerait un jour sur le nez car pour « que les « îles britanniques puissent réellement s’amarrer au continent, il faudrait de leurs parts une très vaste et très profonde mutation ». Ah, nos amis anglais ! Comment les appréhender ? Peut-être en méditant sur la phrase prononcée récemment par la chanteuse Marianne Faithfull : « j’ai commencé à comprendre les anglais le jour où j’ai enfin réalisé qu’ils disent exactement le contraire de ce qu’ils pensent. »

Éric Yung