Cédric Herrou, agriculteur défenseur des réfugiés aux Lobis


Cédric Herrou, agriculteur dans la vallée de la Roya, est désormais connu comme militant défenseur des réfugiés. Il a d’ailleurs été condamné à quatre mois de prison avec sursis pour avoir aidé des migrants à la frontière franco-italienne. Il sera au cinéma Les Lobis, à Blois, le samedi 23 juin à 20h pour présenter en avant-première « Libre » qui a été projeté à Cannes. Un film documentaire réalisé par son ami de longue date, Michel Toesca qui l’a suivi pendant trois ans, depuis le jour où Cédric Herrou a croisé la route de réfugiés et décidé avec d’autres habitants de les accueillir et de les aider à déposer leur demande d’asile. Interview.

Le Petit Blaisois : Fin juillet 2017, vous étiez arrêté à Cannes pour avoir aidé des migrants et cette année vous avez monté les marches du Festival de Cannes pour présenter le documentaire qui retrace votre combat. C’est une belle revanche ?

Cédric Herrou : « C’est moins choquant d’être sur les marches de Cannes que d’être en cellule en garde à vue. Je suis assez taquin et ça m’a fait plaisir de savoir que le préfet était fou de rage. Un jeune qui a monté les marches à Cannes avec nous était passé un an avant chez moi. On est resté en contact et maintenant, il parle parfaitement français. Il a changé de visage, on voit que ses traits se sont apaisés. Quand ils arrivent, ils ont le visage marqué par le stress après avoir traversé plusieurs pays, vécu la guerre et d’autres horreurs… Quelques mois après, ça fait plaisir de revoir leur visage de gamin. »

Le Petit Blaisois : D’où viennent la plupart des migrants que vous avez rencontrés ?

Cédric Herrou : « Il y en a beaucoup qui venaient d’Érythrée, du Soudan, mais aussi du Nigéria, du Tchad… Au début, j’ai vu beaucoup de familles et d’enfants, puis des hommes seuls. Le parcours migratoire est très dur et les femmes sont fragilisées par les risques de viol, de prostitutions… Marcher sur les voies ferrées pendant la nuit fait aussi très mal aux hanches car ils font exactement le même mouvement tout le temps. »

Le Petit Blaisois : Vous avez des nouvelles de certains que vous avez aidés ?

Cédric Herrou : « Les démarches administratives durent 1 an et demi à deux ans, mais ça marche plutôt bien, il y a aussi parfois des échecs. Certains sont restés en France, d’autres sont partis en Allemagne. En tous cas, ça fait plaisir d’en revoir qui parlent maintenant français car si certaines familles ont passé plusieurs mois à la maison, le barrage de la langue a fait qu’on ne se connaît pas. En pouvant parler avec eux, on les redécouvre. »

Le Petit Blaisois : Comment a évolué la situation depuis le moment où vous avez commencé à aider des réfugiés ?

Cédric Herrou : « En 2016, j’ai commencé à faire passer des gens de Vintimille à Breil-sur-Roya, il y avait beaucoup de femmes, d’enfants, de familles. Ce qui était compliqué c’était de faire Breil-Nice car on était considérés par l’Etat comme en Italie. Je suis d’ailleurs condamné pour avoir fait passer la frontière mais c’était le plus simple à faire car ensuite, ils se sont passé le mot et arrivaient par eux mêmes. Il y a eu jusqu’à 250 personnes à la maison… On s’est fait débordé de monde, mais après on s’est bien organisé. »

Le Petit Blaisois : Qu’en est-il aujourd’hui ?

Cédric Herrou : « Le préfet a fermé les accès sur la vallée de la Roya par chez moi et a laissé passer sur la côte. Les contrôles policiers sur l’autoroute entre Vintimille et Nice se sont un peu relâchés et des passeurs en ont profité pour faire passer des gens en leur demandant de l’argent. L’été dernier, ils ont arrêté environ 400 passeurs. Je continue à aider les migrants chez moi à travers l’association Défends ta citoyenneté. On a d’ailleurs toujours eu le droit de les aider, c’est le transport qui est interdit. En ce moment, il y a beaucoup de gendarmes autour de chez moi, ils arrêtent et contrôlent toutes les personnes qui viennent et sortent de mon domicile. Ils essayent de bloquer les arrivées de migrants pour éviter qu’ils se régularisent. Car une fois chez moi, on fait les démarches administratives nécessaires pour qu’ils puissent faire leur demande d’asile et être en situation régulière. Le préfet a la volonté d’empêcher ça et de communiquer en disant « on ferme nos frontières ». Il y a beaucoup de communication politicienne derrière toutes ces actions… »

Le Petit Blaisois : Que faudrait-il faire ?

Cédric Herrou : « C’est complétement faux de dire « on arrive à fermer les frontières ». Quand on prend une vue aérienne d’un barrage policier et qu’on voit le néant autour… C’est vraiment de la communication ! L’état français fait semblant de lutter contre l’immigration. Si on a envie de contrôler une frontière, il faut donner la possibilité aux gens de se présenter pour demander l’autorisation de rentrer en France et faire une demande d’asile. Normalement, il n’y a pas besoin de franchir les frontières illégalement pour faire une demande d’asile, c’est un droit fondamental. Cela permettrait aussi une traçabilité sur l’immigration car quand les gens passent en situation irrégulière sur le territoire, on ne sait pas qui ils sont ».

Le Petit Blaisois : Votre réaction sur ce qui s’est passé avec le navire humanitaire l’Aquarius ?

Cédric Herrou : « Je suis très en colère. Ce qui se passe est très grave. Quand j’étais gamin, on me parlait de la deuxième guerre mondiale et je me demandais comment on a pu faire des choses pareilles. Aujourd’hui, les gens s’habituent à ce qui se passe avec les migrants et n’ont pas conscience que c’est très grave. Ce sont de nouvelles guerres dont les armes et les victimes sont des gens. »

Propos recueillis par
Chloé Cartier-Santino

Plus d’infos :
https :/defendstacitoyennete.fr
ou Facebook :
DTC – Défends ta citoyenneté


Soirée spéciale avec dégustation
de produits locaux

La soirée se déroulera en partenariat avec l’Association pour le Développement de l’Emploi Agricole et Rural du Loir-et-Cher (ADDEAR 41) et les Divers’tisseurs, association blésoise qui accompagne dans leur intégration les personnes nouvellement arrivées à Blois. En amont de la projection, une dégustation de produits locaux faite par les producteurs eux-mêmes aura lieu à partir de 18h au Lobis Bar et à partir de 18h30, une discussion avec les Divers’tisseurs se tiendra dans les cadre de « rencontres avec le monde… solidaire » !

Préventes au cinéma Les Lobis aux horaires des séances ou sur le site www.cap-cine.fr/les-lobis. Tarif Unique pour la soirée: 6,5 euros.
Pour les groupes, contacter Romain Prybilski : romainlobis@cap-cine.fr