Cerdon : Wolf project : la commune crie au loup …


Le projet de parc privé avec canidés d’Anne Frézard n’est pas une nouveauté, puisqu’il avait déjà été présenté en 2021. Deux ans plus tard, le dossier, légèrement modifié, a été re-déposé en préfecture. Sauf que cette fois, une enquête publique sera ouverte. De quoi crisper à nouveau une meute d’élus.
“Wolf Project” en anglais; en français, “projet loup”. C’est ainsi que se dénomme le dossier (https://wolfproject.fr/) qui déplaît fortement à la mairie de Cerdon. C’était déjà le cas en 2021, ça l’est toujours en 2023. “Notre position est assez simple : non à six animaux sauvages enfermés dans un enclos !”, s’indigne la maire adjointe, Hélène Tubach. Un enclos, qui plus est, grillagé. Et inutile de préciser que l’engrillagement est un sujet particulièrement sensible en Sologne, malgré la promulgation de la loi Cardoux en janvier 2023. “Un espace de 4 200 m², moins grand qu’un petit terrain de football,” continue Mme Tubach, qui liste de possibles nuisances (olfactives, de dénaturation d’un site Natura 2000, sécuritaires en cas de fugue, etc.). “Ce sont des pratiques d’il y a cinquante ans qui n’ont plus lieu d’être. Les questions restent les mêmes qu’en 2021 sur le plan de l’éthique.” Le rapport produit par le bureau d’études en environnement de Meung-sur-Loire, Écogee, missionné, indique, lui, que “le projet s’inscrit dans une propriété solognote, composée pour l’essentiel de chênaies (…) et (il) n’aura aucune incidence sur le site Natura 2000.” L’éthologue Anne Frézard précise par ailleurs qu “il s’agira d’animaux élevés par les humains. Des loups arctiques.” Elle a soutenue une thèse “Le loup (canis lupus lupus) captif : de la connaissance du monde propre à l’amélioration des conditions de captivité”, en 2002 à Tours, est titulaire du certificat de capacité pour la présentation au public de l’espèce depuis 2009, et a été directrice du parc animalier Argonne Découverte dans les Ardennes (dès 2008), après avoir travaillé au parc Sainte-Croix en Moselle, toujours auprès de loups. Elle explique que son « projet n’est pas farfelu ! Je connais très bien le comportement des loups, leurs besoins; le bien-être animal. C’est mon métier depuis 1998.” Mme Frézard raconte encore qu’avec cet avenir professionnel imaginé à Cerdon, -qu’elle mène avec la zoothérapeute et présidente de l’association de médiation animale, « 4 Pattes Tendresse », Irina Andryushchenko-Basquin,- elle revient là où sont ses racines, dans la propriété familiale dite du “Four à Chaux” de 2,5 hectares. Son “Wolf project”, s’il est accordé, s’érigera sur ce terrain privé, dans une visée à la fois commerciale et scientifique. Les canidés, dans leur enclos, serviront en effet d’appui à des séminaires, de mars à octobre, « pour des moyennes entreprises, des start-ups et des collectivités locales situées principalement en Ile-de-France et dans la région Centre-Val de Loire, “cherchant à améliorer la qualité de vie au travail de leurs salariés via des évènements organisés hors des locaux de l’entreprise”. Il serait également question de séances de bien-être, yoga ou encore médiation. “Les moments avec les entreprises s’articuleront autour d’exercices de manipulations d’objets, de temps d’observations du langage des loups qui peut servir à comprendre en effet miroir l’importance de la communication humaine. Pourquoi ne pas montrer des photos ou vidéos à la place ? Je préfère le travail en direct, avec le vivant. Et puis, aussi, car j’aimerai faire de ce lieu un site de pédagogie auprès d’un public scolaire, et plus largement, de recherche scientifique,” mentionne Anne Frézard qui espère « pouvoir ouvrir à l’été 2024. »

Oui ? Non ? Peut-être ?
À Sury-Les-Bois, dans le Loiret, existe déjà “Rendez-vous en terre animale”, un site concept créé par la spécialiste Muriel Bec, dompteuse et coach d’animaux “stars” pour le monde audiovisuel, proposant également des médiations animales et des activités, en lien avec chiens, oiseaux, félins et loups, moyennant finances. Alors… Pour y voir plus clair, nous avons demandé l’avis à deux passionnés. La Loir-et-Chérienne Jocelyne Thomas, baptisée “la dame aux loups” du fait de deux ouvrages (“Le livre de Brad” et “La guerre des meutes” aux éditions Saint-François) qu’elle a réalisés suite à ses rencontres animales à Port-Saint-Père, dans un parc en Loire-Atlantique, se montre dubitative sur le cas de Cerdon. “D’après mon expérience, 3 000 ou 4 000 m2, ce n’est pas une surface dans laquelle mettre des loups qui ont besoin d’un biotope, de lieux pour se cacher de l’homme, etc. Cessons de créer ce genre de structures qui enferment, d’autant plus dans une époque qui prône plutôt la suppression des confinements. Mme Frézard semble surtout se faire plaisir.” L’expert loirétain Jacques Baillon, surnommé “M. loup”, auteur de moult livres consacrés, qui s’intéresse à la faune sauvage depuis les années 1970, se veut moins tranché. “Ce qui m’intéresse en premier lieu, c’est l’histoire locale du loup et l’actualité concernant son arrivée un peu partout en France. Je ne suis donc pas très branché séminaires d’entreprises et je ne vois pas trop le rapport avec le loup. Depuis la loi contre la maltraitance animale (promulguée en 2021, ciblant notamment l’élevage pour la fourrure, les animaleries et les cirques, ndlr), un parc à loups, ce n’est pas interdit je crois mais pas très “mode”. Mais si Anne Frézard, qui me semble compétente, a pris toutes les précautions pour ce projet privé dans un domaine qui lui appartient, pour gagner sa vie, je ne vois pas comment les élus pourront s’y opposer. Si les habitant(e)s de Cerdon ont peur de l’animal, ils doivent ne pas être effrayés, ils ne risquent rien ! Par contre, y verront-ils vraiment un intérêt pour leur village ? En résumé, il est difficile de se positionner.” C’est bien pour cela que ce dossier est soumis à une enquête publique du 6 au 22 décembre en mairie de Cerdon (Cf. https://www.loiret.gouv.fr/Publications/Enquetes-publiques-et-consultations-du-public/Enquetes-en-cours-et-a-venir/WOLF-PROJECT-a-CERDON). Les élus auront ainsi l’opportunité de s’exprimer, sans oublier les citoyen(ne)s évidemment qui le désirent.
Émilie Rencien

PHOTO d’illustration « loup » : (c) Jocelyne Thomas.