Chambord : À cœurs vaillants, rien d’impossible


Le troisième long métrage de Mona Achache, tourné à Chambord il y a deux ans, a été présenté en avant-première à Cap Ciné à Blois le 6 avril, avant sa sortie française officielle le 11 mai. Une histoire d’enfants cachées en 1942 qui résonne étrangement avec l’actualité guerrière aux portes de l’Europe en 2022.
L’ambivalence des sentiments enfantins en temps de conflit et de guerre. C’est le point d’ancrage du discours du dernier film de Mona Achache (si vous avez vu “Le Hérisson » avec Josiane Balasko, c’est elle, ndrl), dédié à sa grand-mère Suzanne, qui narre ce sujet très sérieux du passé. Enfin, que les adultes pensaient appartenir à un temps révolu, puisque la récente guerre déclenchée par la Russie en Ukraine confirme que l’Histoire parfois, souvent ânonne. « Cœurs vaillants » qui sortira le 11 mai 2022 dans les salles obscures, tombe sans le faire exprès à point nommé pour ne pas oublier qu’en 1942, des oeuvres d’art du Louvre (La Joconde par exemple) ont été cachées aux yeux des Allemands au château de Chambord, en France, mais également des enfants juifs. Ils sont six sur grand écran à interpréter ces culottes courtes préoccupées à se planquer pour ne pas périr juste après la rafle du Vélodrome d’hiver qui leur a déjà volé leurs parents. Ces six gamins – dont certains connaissent ici leur tout premier rôle au cinéma : Léon (Luka Haggège), Henriette (Asia Suissa-Fuller), Josef (Ferdinand Redouloux),Hannah (Maé Roudet-Rubens), Clara (Lilas-Rose Gilberti) et Jacques (Léo Riehl) – sont notamment épaulés dans leur fuite vitale par Rose, interprétée par la fameuse Camille Cottin, dans la tenue et peau d’une femme très raisonnable, petit chignon et petites lunettes, qui va pourtant braver les interdits pour ces loupiots traqués comme des criminels. Même si, de temps à autre, ils et elles retrouvent des jeux insouciants de leurs âges (bataille d’œufs, attirance naissante fille-garçon, etc.), avant qu’un coup de fusil ou la mouvance sableuse d’un marécage ne les ramène à une plus âpre et mortelle réalité.

29 jours à Chambord en 2020
Après la projection en primeur à Blois en deux séances, l’une grand public, l’autre VIP, la réalisatrice Achache, très émue aux côtés du producteur Jean Cottin (Bac Films), a confié son cheminement artistique. Dans “Coeurs Vaillants”, sa caméra s’attarde beaucoup sur les expressions des visages et des regards, muets mais riches de sens. « Je me suis appuyée sur Rose Valland (résistante et conservatrice de musée française, ndrl) et sur ce que m’a racontée ma grand-mère. On discutait beaucoup avec les enfants le soir, je leur avais demandé d’imaginer un métier pour leurs parents fictionnels. J’ai souhaité mettre à l’honneur des portraits de femmes et faire un film à hauteur d’enfants comme un marchepied. Merci, merci pour votre bienveillance. Cela semble dégoulinant de sentiments mais il n’y a rien d’autre à vous dire que merci ». Oui, parce que la quadra avait choisi le Loir-et-Cher pour présenter son travail en avant-première pour une simple et bonne raison : le tournage s’est réellement tenu il y a deux ans, juste après le confinement, pendant 29 jours dans un lieu patrimonial chargé d’histoire précité, le château de François Ier, à Chambord. Ici, il est filmé sous tous les angles, et l’est encore davantage sa forêt. Cerf, faisans, sangliers et autres animaux de ce Domaine national – au générique, apparaissent des noms familiers tels Muriel Bec (dresseuse, Loiret) et Frédéric Sanabra (Pégase Prod, spécialiste équestre, à Salbris) – agrémentent les scènes, dont la toute finale au pas d’un cervidé, sert une métaphore de liberté durement éprouvée. L’ensemble est agréable à suivre, bien qu’il laisse un peu sur sa faim; le film aurait pu être un poil plus enlevé et parfois moins caricatural avec cette thématique à si fort potentiel. Mais cela reste à voir; une tranche historique de Chambord sur grand écran, ça vaut toujours le déplacement. Et puis, dernière raison d’y aller : le jeune casting est excellent, attachant. Mona Achache a bien expliqué leur avoir donné la possibilité de composer leurs rôles respectifs avec spontanéité et la mayonnaise prend par ce biais. Ces comédiens en devenir n’ont pas en tout cas manqué d’emballer le 6 avril le public loir-et-chérien : l’adolescent Léo Riehl et Luka Haggège, le plus petit de la bande – mais prometteur sur la toile comme dans la vie; il a pour la boutade envisagé de demander un seul euro pour ses futurs photos de stars accordées à ses fans – ont pouffé en relatant dans un rire communicatif, aux spectateurs privilégiés présents (enseignants, élus, personnels de Chambord, journalistes) leur virée peut-être interdite explorant certaines pièces fermées du château ! Mais à cœurs vaillants, rien d’impossible… à pardonner.

Émilie Rencien