Chaumont-sur-Loire : Flâner au jardin, avec biomimétisme, sans bleus à l’âme


Malgré le coronavirus s’incrustant, c’est reparti pour un tour ! Vingt-quatre équipes internationales (Italie, Pays-Bas, Mexique, Suède, Grande-Bretagne, Chine, Japon, République Tchèque, etc.) ont été retenues par le jury 2021 du Festival international des jardins, s’ajoutant à des invités spéciaux qui ont carte verte. Soit plus de 30 nouveautés à découvrir à l’occasion d’une édition entre écologie et homochromie. Suivez ces mains vertes, et en amont, explications en mots et images.
«Scrute la nature, c’est là qu’est ton futur.» Les paroles de Léonard de Vinci sonnent résolument modernes, bien que le bonhomme se soit éteint lors d’une époque lointaine, en 1519 à Amboise. En son temps également, Victor Hugo avait aisément constaté : « C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas.» Et c’est toujours vrai ! Même si une pandémie aura de manière forcée depuis l’an dernier remis les pendules à l’heure de l’humanité. Littéralement, alors pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas le terme sur l’affiche du Festival des jardins de Chaumont-sur-Loire, biomimétisme signifie “imiter le vivant”. La pratique scientifique invite à s’inspirer des solutions naturelles pour en transposer les principes et les processus en matière d’ingénierie humaine. Le biomimétisme s’inspire des différents aspects de la nature : formes, matières, propriétés, processus et fonctions. Les plantes et les animaux sont ici majoritairement observés. Ce que confirme la directrice du Domaine régional de Chaumont, Chantal Colleu-Dumond, au milieu des jardins qui font leur festival d’innovation, jouant, une fois encore, un rôle de laboratoire en Loir-et-Cher autour cette fois donc de la thématique biomimétisme. « Le sujet est d’importance, validé par de nombreux scientifiques. Il s’agit de considérer la nature autrement, comme une source d’inspiration.» Les avions, par exemple, peuvent copier les rainures des ailes des requins pour mieux lutter contre les turbulences ; Airbus travaille notamment matériellement parlant cette inspiration. Il est encore possible de mentionner les colles très puissantes, non polluantes, sécrétées par les huîtres. Etc.

Nature en bleu, galop du naturel
Les oeuvres paysagères, à voir à Chaumont dans cette édition 2021, qui s’est élancée le 8 mai et s’offre aux regards jusqu’au 7 novembre, s’inscrivent totalement dans ce schéma biomimétique. “Ces nouveaux jardins sont une manière poétique, parfois ludique, d’aborder ces questions,” insiste Chantal Colleu-Dumond. Elle cite le jardin caméléon. Fruit de la rencontre d’un magicien, Mathieu Malet et d’un paysagiste, LoÏc de Larminat, celui-ci, composé de miroirs et de filtres translucides, permet un parcours où le végétal se métamorphose, change de couleur et de texture de manière animale. Le duo précise que « les animaux ne changent pas seulement de couleur pour se camoufler. C’est aussi un moyen d’exprimer un état interne et de susciter une réaction comme la peur ou l’attirance. Mais quelle que soit sa couleur, le caméléon reste un caméléon… C’est dans le regard de l’autre qu’il se transforme. Il en va de même pour ce jardin. Les végétaux restent des végétaux. Les miroirs restent des surfaces réfléchissantes. Il reste à découvrir si c’est le regard qui transforme le jardin ou le jardin qui transforme le regard. » Il y a aussi le jardin zèbre signé Stanislas Jung, Laurian Gascon et Étienne Vazzanino, trouvant source de création auprès de cet animal de la savane connu pour son pelage de zébrures noires, qui reflètent la chaleur du soleil, et de zébrures blanches, qui l’absorbent. Grâce à cette alternance d’expositions, le jardin peut à son tour reproduire via ce modèle naturel transposé, un microclimat tempéré propice aux cultures, et ce, même lors des canicules estivales. Le coloris bleu rythme également énormément ce festival cette année, à l’image du jardin baptisé “Bleu désir”, par les paysagistes Robin Abel Flosi, Johanna Bonella, Jean Robaudi, Ken Novellas et Adèle Justin qui questionnent : “Si le jardinier satiné glane une multitude d’objets, nous pouvons faire de même en recyclant des objets délaissés qui seront moteur d’une nouvelle esthétique ?”. Derrière ce jardinier satiné, se niche la famille australienne des oiseaux à berceaux (Ptilonorhynchidae) qui aura rendu fertile l’imagination artistique du groupe précité. Ces ailés-là, afin de pouvoir se reproduire un jour, construisent un berceau, celui de ses amours. Pour le rendre attrayant, ils vont ordonner des objets soigneusement sélectionnés pour leur couleur, qui est aussi la leur : le bleu. A défaut de voir la vie en rose, aimons-la en bleu. D’autant plus que cette teinte, parfois synonyme d’évasion, représentait pour les Égyptiens une couleur porte-bonheur lié à l’immortalité ! Et surtout, restez vous-même, au naturel, car la nature, les jardins de Chaumont vous l’apprendront, est si bien faite qu’il n’existe souvent nul besoin de changer quoi que ce soit. Et puis, le naturel revient toujours au galop…

Émilie Rencien