Les cochons débroussailleurs de Bois Retrait


Alexandra ( à gauche) a acheté Bois Retrait pour abriter ses chevaux, Laurence adhérait déjà au projet.

Sur les rives de l’étang Massé, en Brenne, la ferme de Bois Retrait a repris vie grâce à deux éleveuses auvergnates… et à leurs cochons. Explication.
« Lorsque Alexandra a acheté la ferme, en 2012 les broussailles avaient rendu quatre hectares parfaitement impénétrables, les bâtiments de ferme étaient en ruines… Il fallait être fou pour croire en notre projet. Mais le Parc nous a fait confiance… et ils ont eu raison. »
Laurence Malpel et Alexandra, filles d’agriculteurs, étaient collègues dans un lycée agricole du Cantal. Mais elles avaient la ferme intention de mettre leur enseignement en pratique, un jour.
Et puis Alexandra a été mutée au lycée agricole de Châteauroux et elle a cherché un endroit susceptible d’accueillir ses poneys Connemara. Bois Retrait était à l’abandon depuis quinze ans, Alexandra achète en 2012 vingt hectares et le corps de ferme. Laurence acquière dix hectares mitoyens. Alexandra y installe ses chevaux et attaque la restauration du corps de ferme. Laurence, son conjoint et ses enfants débarquent en Brenne en septembre 2014. A la différence d’Alexandra qui reste enseignante à temps plein, Laurence a décidé de s’installer comme éleveuse alors que son mari a trouvé un poste de cadre à la banque verte.
« Pourquoi venir en Brenne quand on est auvergnate, s’étonne-t-elle avec un grand sourire, parce qu’ici la pression foncière est moins forte, le paysage joli… et surtout il y fait moins froid l’hiver. Les animaux passent au minimum trois mois de plus au grand air. »
Car le projet des deux associées est d’élever à Bois Retrait des chevaux, des Aubrac et des porcs en plein air.
« Fille et sœur d’éleveurs d’Aubrac je ne pouvais pas faire autrement. Mais j’ai aussi démontrer que cette race particulièrement rustique s’adaptait encore mieux que la Salers aux sols pauvres de ce coin de Brenne. »

Les cochons ont un vaste espace pour se dégourdir les pattes et se régaler de racines.

Rien n’arrête les cochons
Le projet de Laurence était basé sur un revenu équilibré entre leurs trois productions et à des rentrées tout au long de l’année, les commercialisations ne se faisant pas à la même date. En fait ce sont les soixante cochons élevés chaque année qui ont permis de rentabiliser l’exploitation au bout d’un an.
« On a choisi un modèle atypique qui mise sur la qualité des produits. Je vendrais mes cochons au tarif breton (1€10 le kg) je ne gagnerais pas ma vie. Là c’est 2€ et on me les achète pour la qualité de la viande, mais je confectionne aussi des produits transformés. »
Les cochons de Laurence ont aussi joué un sacré rôle dans la mise en valeur du domaine. Rien ne les arrête. Ils se régalent des racines des pruneliers qui occupent leurs parcs. Ils fouillent, creusent, mettent le terrain à nu, mais lorsque Laurence a brûlé les tas de branchages et passé les griffes sur le terrain l’herbe reprend ses droits et les yourtes où les cochons dorment bien serrés, sur un lit de paille sont installées au milieu d’un espace vert. Et les cochons débroussailleurs de Bois Retrait ont un autre dynamisme que leurs cousins élevés industriellement.

Intégration réussie
La ferme de Bois Retrait, sur l’axe Rosnay-Saint-Michel-en- Brenne, est à deux pas de la maison du Parc et donc dans la réserve de terrains co-gérés par le Parc de la Brenne et le Conservatoire. Des terrains dont l’exploitation, avec des conventions de pâturages, est confiée à cinq agriculteurs, Bois Retrait, au bord de l’étang Massé bénéficie ainsi de cinquante hectares supplémentaires, avec un cahier des charges contraignant, mais des tarifs de location très légers. « C’est une aubaine effectivement, reconnaît Laurence, par ailleurs la maison du Parc est l’un des principaux débouchés de mes produits transformés, avec la maison des fromages de Pouligny. Un voisin qui effectuait de la vente directe de viande bovine, y associe ma viande de porc… Et les agriculteurs qui étaient particulièrement dubitatifs sur notre installation se rendent à l’évidence. Effectivement on peut réussir, sans investir des sommes folles dans le matériel. Pour cela je fais appel à des entreprises de travaux agricoles pour certaines tâches. Donner à manger à la main aux animaux réclame davantage de travail physique, mais permet de voir les bêtes tous les jours et de savoir comment elles vont. C’est pour cela que je ne souhaite pas développer davantage mon élevage. J’ai fait un stage de boucherie pour réussir mon projet, mais mon vrai métier c’est éleveuse. »

Pierre Belsoeur


Ils vivent en paix à Bois Retrait

Réussir à faire cohabiter vaches, chevaux et cochons n’est pas une évidence. Les Aubrac et poneys Connemara se supportent, même si quelques coups de cornes ou coups de sabots sont à déplorer. L’avantage c’est qu’ils permettent des pâturages tournants: bovins et équidés n’ont pas le même appétit. On peut même les mélanger dans une même pâture, si on connait bien ses bêtes. En revanche les deux espèces ont une même aversion pour les cochons. «La seule parade, explique Laurence, c’est de les obliger à cohabiter en les plaçant dans des parcs voisins.»
Le risque c’est évidemment la panne électrique. La barrière électrique est la seule capable d’arrêter les porcs qui viennent à bout de toutes les clôtures en grillages. Une coupure électrique qui risque également de provoquer l’arrivée des sangliers dans l’enclos.
Là encore Laurence a trouvé la parade. «Je ne fais pas naître de porcs sur mon exploitation. J’achète des porcelets de 8kg, uniquement des mâles castrés, afin de ne pas attirer les sangliers. Une précaution utile. En une seule occasion le naisseur m’a vendu des femelles, faute de mâles et là j’ai vu la différence.»

Un régime céréales pois
Les porcs de Bois Retrait sont de race Pietrain, comme dans les élevages industriels, la différence c’est l’alimentation… et l’exercice. Lorsqu’ils arrivent, ils commencent par maigrir. Il faut qu’ils s’habituent à l’homme, au chien, un Border Collie qui joue parfaitement son rôle de chien de troupeau, et à l’alimentation.
«Je n’utilise pas de tourteaux de soja, c’est uniquement des céréales et des pois qui viennent de chez un céréalier en agriculture raisonnée. La traçabilité est totale. La cerise sur le gâteau, c’est ce qu’ils trouvent dans le sol.» Seulement au fil des élevages les broussailles reculent et les paysages s’ouvrent à Bois Retrait, où la Randonnée de la Brenne vient régulièrement faire escale. L’escale des cochons de Laurence dure une bonne année, durant laquelle ils grossissent tranquillement au grand air.
P.B.