Comme une chanson d’été, ou presque


Chaque année, surgit la sempiternelle ritournelle du « body summer » et la préparation du corps parfait pour pouvoir enfiler son maillot de bain ou sa petite robe. À moins que vous ne préfériez le « body positive » pour pouvoir céder, sans culpabiliser ni angoisser, aux sirènes des glaces et du Mojito. Incontournable également, les mélodies au sommet qui animeront barbecues et plages cet été. Enfin, de la joie ! En 2023, il semble que « Flowers » de Miley Cyrus, « Miracle » de Calvin Harris avec Ellie Goulding, ou encore «Eyes closed » d’Ed Sheeran, décrochent la timbale estivale. Une période qui fleure bon le retour des plages, coquillages et crustacés. Mais ce décor de carte postale ce mois de juin paraît encore loin car la France croule toujours sous des tubes qui plombent. Ce printemps-été 2023, en effet, nous avons droit à des hits lettrés à la sonorité peu entraînante mais récurrente.

Des mots sur des maux…

Parmi ce top 3 des tendances du moment dans les bouches des experts, dans les caméras et plumes de bon nombre de médias, le surtourisme (over tourisme), ou phénomène de super tourisme qui sature les destinations touristiques, aux antipodes de l’éco-tourisme et de la décroissance. Combien de fois avez-vous entendu cette expression ces dernières semaines ? Cela fait déjà quelques années que ce terme est utilisé face aux défis climatiques, face à des affluences record. Il a particulièrement ressurgi, répété à l’envi, suite aux
longs weekends et ponts du mois de mai dernier qui ont créé des foules, en Loir-et-Cher et au-delà, au zoo de Beauval, au château de Chambord, à Giverny, au Mont St-Michel, pour ne citer que ceux-ci. De quoi rendre certaines municipalités tourismophobiques !
Ensuite, après le mouvement MeToo, vient, sur ce podium, le mot emprise. On peut éventuellement y adjoindre un second, pervers narcissique, très en vue. Le long métrage (très bon, au passage) de Valérie Donzelli, « L’amour et les forêts », présenté au dernier Festival de Cannes et adapté du roman d’Éric Reinhardt, avec Virginie Efira et Melvin Poupaud
au casting, sous des airs notamment empruntés à Jacques Demy, narre une histoire de couple en apparence ordinaire, et d’un amour fulgurant qui vire au cauchemar subit, où le crapaud, sous un masque de prince, dévore psychologiquement la princesse. Deux dénominations collant parfaitement à des actualités récentes (inutile de détailler ici les affaires Dieudonné et Haouas, par exemple), qui libèrent la parole, et en même temps, avec le risque de devenir galvaudées et utilisées à toutes les sauces, à bon ou mauvais escient.

Enfin, on peut remettre une pièce dans la machine sombre, avec harcèlement (scolaire) et ensauvagement (sociétal). Il suffit d’allumer tout écran pour entendre chaque journée un flot de mauvaises nouvelles. Annecy, Vendin-Le-Vieil, Cagnac-les-Mines, etc. En résumé, “ce ne sont pas les mots qui manquent, seulement l’humanité qu’on met dedans,” dixit l’écrivain Jacques Dor. Aussi, « La violence, sous quelque forme qu’elle se manifeste, est un échec », selon le philosophe Jean-Paul Sartre. Concédons en effet que cette année n’est pas très gaie… Et il est plus courant de palabrer sur les trains qui n’arrivent pas à l’heure. Mais 2023 n’est pas encore terminée. Alors à l’approche de l’été, mieux vaut, à choisir, tenter de façonner son corps de déesse, utiliser positivement les expressions répétitives de l’instant pour terminer ses mots croisés à l’ombre, en écoutant Dorothée, Beyoncé. Et surtout, “la ballade des gens heureux” de Gérard Lenorman ! En se réjouissant de temps en temps, plutôt que de râler collectivement, continuellement. Un mal très franco-français, bien plus invasif qu’une chanson pop-commerciale qui reste parfois en tête, l’espace d’un seul été.