Credo ou non credant par Gérard Bardon


Mon très estimé collègue billettiste du Petit Berrichon, et ami, Fabrice Simoes, nous a expliqué dans son billet d’humeur du 17 octobre dernier, pourquoi il n’entrerait dans les ordres sous aucun prétexte, sous aucune contrainte. Laïque et libre penseur, il met dans le même panier chrétiens, musulmans, juifs, bouddhistes… refermant le couvercle de ce panier pour étouffer quelque peu ces religions porteuses de sectarisme, d’anathèmes, de conflits, de certitudes, de violences… afin de les empêcher de trop intervenir dans la vie publique et dans les moeurs de notre société. Je partage complètement son analyse et les raisons fournies. Comme lui, je pense que chacun est libre de croire ce qu’il veut, en qui il veut mais que le prosélytisme doit être banni. Les pratiques religieuses s’octroyant la vérité vraie, entonnant l’air de la calomnie et pratiquant la technique du bouc-émissaire, ne doivent pas s’imposer dans la sphère publique et dans le vivre ensemble d’une société démocratique.
Ceci étant dit, je voudrais lui faire remarquer, en toute amitié, qu’il a oublié une dévotion apparue au début du XXe siècle et qui a influé fortement, parfois violemment, sur les évènements et le cours de la vie récente de notre planète : j’ai nommé le Marxisme. Le Marxisme et ses avatars le communisme, le trotskisme, le maoïsme… avec ses prophètes, voire ses gourous, comme Staline, Mao, Pol Pot, Castro et consorts.
D’aucuns vont même jusqu’à avancer que le communisme serait une religion sécularisée, que le Manifeste de Marx serait un évangile, que le militant serait une sorte d’apôtre qui, lorsqu’il est exclu de sa cellule, est acculé au même désespoir que le fidèle excommunié, que les scissions et les dissidences s’apparentent à des schismes et des hérésies, le trotskisme étant au communisme ce que le protestantisme est au catholicisme, que les grandes purges s’apparentent aux dérives féroces de l’Inquisition, que Staline, Mao, Pol Pot… sont des sortes de papes cumulant pouvoir temporel et pouvoir spirituel… A tout le moins cela mérité de s’étudier et nous pourrions poursuivre la litanie. Amusez-vous à regarder l’histoire du communisme à la lumière du catholicisme et vous serez surpris, certes avec des variantes mais quand même… L’utopie communiste recherche le « paradis » sur terre, alors que l’utopie religieuse nous promet le ciel plus tard. Ces doctrines enseignent toutes que les derniers ici seront les premiers là-haut ou après le grand soir, que l’argent et la richesse ici bas sont suspects, etc. Elles ont toutes plus ou moins de mal à s’adapter aux avancées, aux découvertes, au progrès, aux nouvelles pratiques sociétales. Qu’elles ont eu, ou ont encore, des périodes de terreur où le dogme poussé à son paroxysme a provoqué massacres, pogroms, attentats…
Marx, bien que fortement hostile à la religion, reconnaît que « l’amour du prochain que prêchait le christianisme antique et que certains reconnaissent comme la révolution du communisme, est une des sources d’où découle l’idée des réformes sociales ». Son pote Friedrich Engels s’est lui notamment inspiré des communautés religieuses communistes de son époque pour construire la doctrine marxiste. Voyons la définition du communisme dans le Larousse : « Doctrine prônant l’abolition de la propriété privée au profit de la propriété collective, et notamment, la collectivisation des moyens de production et la répartition des biens de consommation selon les besoins de chacun… ». Ces trois éléments définissant le communisme se retrouvent chez les communautés chrétiennes primitives.
Certains s’empresseront de me dire : et le fascisme alors ?.. Le fascisme n’a pas de bible, pas de penseurs, pas de règles, ses troupes n’agissent que sous une peur hypnotique ou une haine viscérale. Il est le triste résultat de l’ego surdimensionné d’un être aigri, jaloux, parano, schizo, assoiffé de pouvoir personnel. Il ne s’installe pas durablement. Mais attention des relents dangereux surgissent ici ou là. Le carnaval de Rio s’ouvrira sur un bruit de bottes…
Le libre-penseur, lui, accepte toutes les voies pouvant conduire à la vérité, au bonheur, au vivre ensemble mais n’en privilégie aucune contrairement à tel ou tel dogme enseigné par telle ou telle chapelle. Rappelons la définition du dogme : « point de doctrine, établi comme fondamental, incontesté, certain… qu’il faut croire et qui dirigent un Homme dans l’interprétation des faits et dans la direction de sa conduite ».
Comme l’a écrit Voltaire : « Tout dogme est ridicule ; toute contrainte sur le dogme est abominable. Ordonner de croire est absurde. »
Tu as raison Sim, restons libres ! Libres de penser, libres de croire ou de ne pas croire, libres d’agir, libres d’écrire, libres d’excès, libres d’aimer… Libres de vivre sans entraves intellectuelles ou religieuses comme bon nous semble dans le respect de l’autre, de sa pensée, de sa libre expression, de sa facon de vivre.
« Pour entretenir des amitiés solides, il ne suffit pas d’apprécier nos ressemblances ; il faut aussi célébrer nos différences ». (James Fredericks).