De Rugy : le pouvoir un peu plus écorné – le billet d’humeur par Eric Yung


La démission -c’était le 16 juillet dernier- de François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire, est le résultat inévitable des salves accusatoires de la presse et tout particulièrement de Médiapart qui, depuis quelques semaines, reproche au ministre d’État d’avoir utilisé des fonds publics pour organiser, à titre privé, une dizaine « au moins » de luxueux dîners garnis, par exemple, de somptueux homards et arrosés de grands crus sortis directement de la cave du Palais Bourbon. Sans contester la réalité de ces agapes mais en niant le faste qui les accompagnait, François de Rugy a, pour se justifier, déclaré que celles-ci « visaient à répondre à l’exigence de représentation liée à sa fonction auprès de la société civile ainsi qu’à nourrir son action de Président de l’Assemblée Nationale (…). Et, un peu maladroitement à moins que cette assertion soit plus simplement ridicule, il a fait savoir sur une chaîne de radio -pour contrer ses détracteurs – qu’il était « allergique aux crustacés et que le champagne lui donnait mal à la tête »… Et puis, dès le lendemain, le grand public a aussi appris (selon Médiapart) que le ministre d’État aurait, à l’Hôtel de Lassay (résidence du président de la haute chambre) fait réaménager un grand bureau pour ses enfants, un ouvrage dont le financement reste, aujourd’hui, inconnu. Plus tard, dans l’appartement du ministère de l’écologie il aurait aussi utilisé les deniers publics pour faire des travaux qui s’élèveraient à 63 000 euros sans oublier la construction, pour madame son épouse, d’un « dressing » estimé, à lui seul, à 17 000 euros. Ce n’est pas tout. La presse a continué à s’intéresser au train de vie de M. de Rugy et même à celui de sa directrice de cabinet, Nicole Klein, qui aurait joui de 2006 à 2018, à Paris, d’un logement social en HLM alors qu’elle n’habitait plus la capitale. À noter, que dès l’affaire connue, Mme Klein a immédiatement été limogée par son patron de ministre, François de Rugy et ce, bien sûr, au nom de la morale et de la transparence. Mais vlan ! Peu de temps après cet épisode, les journaux ont rapporté que le ministre d’État possédait, lui aussi, à Nantes, un petit deux pièces à loyer modéré (François De Rugy l’ignorait, prétend-il). Faisons fi d’autres achats payés, semble-t-il, et là encore, sur le dos des contribuables, tant l’acquisition d’un sèche-cheveux -luxueux dit-on-, d’un joli vélo d’appartement d’un montant de 768,99 euros et d’un appareil à raclettes de 200,57 euros, est un « non-événement » comme le clame si haut et si bien le ministre. Certes ! Mais depuis ces « peccadilles », il est à nouveau épinglé et la faute est plus grave. François de Rugy aurait, en effet, puisé de l’argent dans la caisse de son « Indemnité représentative de frais de mandat » (IRFM). Or, il s’agit là encore d’argent public dont il se serait servi pour payer ses cotisations au parti écologiste dont il faisait partie. Une démarche, qui à l’époque des faits « n’était pas recommandée » selon les règles de l’Assemblée et qui, en 2015, a été formellement interdite par la loi. On pourrait donc, sur ce point précis, considérer que M. de Rugy n’a pas commis d’infraction mais là où le bât blesse est qu’il a osé déduire cet argent déjà défiscalisé et versé par l’État de ses impôts afin de minimiser sa déclaration de revenus. « Se servir de l’argent public pour obtenir une réduction d’impôt à titre privé, c’est moralement indéfendable » a aussitôt déclaré Charles de Courson, un proche de François de Rugy.

Le cas de François de Rugy pourrait être qualifié d’anecdotique, d’accident de parcours. M. de Rugy se serait pris les pieds dans le tapis rouge qui couvre le sol de son cabinet et pris dans le tourbillon du pouvoir. Il aurait perdu le sens de la mesure tant il est vrai, qu’avant lui et depuis des décennies, la société française est régulièrement ébranlée par des scandales politico-financiers. Souvenons-nous, par exemple, de l’affaire Cahuzac ! Reste, qu’avec cette affaire, le ministre d’État dégrade un peu plus encore l’image du pouvoir politique et exécutif déjà bien écorné. Peut-on croire, aujourd’hui, que vouloir entrer en politique est juste l’ambition d’acquérir un statut social très confortable et ce, au mépris des idées, des convictions et des intérêts du pays ? François de Rugy et tous ses collègues ministres vivent dans des palais et des hôtels particuliers, disposent de cuisiniers, de serviteurs, se déplacent dans l’une des deux ou trois voitures avec chauffeur mis à leur service, bénéficient d’avantages divers (billets de trains et d’avions gratuits etc…). Alors, à l’heure où la diminution de la dette publique est, nous dit-on, une priorité nationale, ne serait-il pas décent, pour le principe et l’exemple et seulement pour cela, d’exiger des dirigeants politiques de réduire leur train de vie qui apparaît aux yeux du public de plus en plus dispendieux ? Au temps où les gouvernements successifs, dont le dernier, exigent des citoyens de se serrer la ceinture, où l’on abaisse toutes sortes de prestations sociales et où les étudiants, salariés et retraités perdent du pouvoir d’achat au point où nombre d’entre eux n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois pour vivre modestement, les « égarements » d’un ministre d’État sont insupportables.