Département : Première audience de rentrée du tribunal judiciaire


Le tribunal judiciaire de Blois a fait son audience solennelle de rentrée, fin janvier, dans un contexte particulier, avec la grève des avocats.

Depuis le 1er janvier 2020, le tribunal d’instance et celui de grande instance ont fusionné pour devenir un tribunal judiciaire qui regroupe tous les contentieux. L’objectif étant notamment de simplifier l’accès à la justice par une seule voie et d’améliorer le traitement des dossiers. L’audience solennelle de rentrée s’est tenue le 24 janvier, au palais de Justice de Blois. L’occasion pour le président du tribunal, Denys Baillard et le procureur de la République, Frédéric Chevallier, de faire un bilan de l’année 2019. Ce dernier a mis en avant le fait qu’il y a eu 39 % des procédures traitées en composition pénale et en alternative aux poursuites. « C’est la concrétisation de ce que le débat judiciaire et la saisine de la juridiction correctionnelle doit être réservé et n’est réservé qu’aux procédures qui le nécessite », a-t-il précisé. Le procureur a également relevé que 306 personnes ont été déférées après une garde à vue, soit presque deux personnes par jour ouvrable à la permanence du parquet de Blois, un chiffre jamais atteint depuis son existence. « La réponse pénale du parquet est structurée sur une évidence et une nécessité, celle de ne pas rester sans réaction face à des actes graves, réitérés, qui troublent l’ordre public, qui atteignent quotidiennement des citoyens ». Frédéric Chevallier a également souligné que les magistrats du parquet sont confrontés à toujours plus de missions et de responsabilités. « Pour la seule année 2019, j’ai recensé 19 circulaires, notes et dépêches, occasions d’impliquer encore plus le procureur de la République et les magistrats du parquet, dans une action déterminée, nécessitant un engagement particulier dans des domaines très variés comme la participation étroite aux pôles départementaux de lutte contre l’habitat indigne, l’implication renforcée dans la lutte contre la fraude fiscale avec la mise en place d’un référent dans ce domaine, une vigilance extrême dans la lutte contre le racisme, l’antisémitisme, les discriminations, un partenariat renforcé dans le domaine de la prévention de la prise en compte de la radicalisation violente, la création de magistrat du parquet délégué à la lutte contre le terrorisme, la co-présidence avec le préfet des observatoires de l’agri-bashing […]», a-t-il détaillé avant de s’interroger : « Des injonctions et recommandations nécessaires, mais comment y faire face réellement et efficacement sans une assistance effective et dédiée au-delà des magistrats du parquet qui doivent prioritairement faire face aux quelques 12 000 procédures reçues chaque année à Blois ? ».

Du nouveau en 2020

Concernant les nouveautés 2020, le procureur a décidé de créer un groupe local de traitement de la délinquance spécialement dédié à la lutte contre les violences intrafamiliales au sein de chaque arrondissement (Vendôme, Blois et Romorantin). « Il s’agit de ne pas laisser de situation de violence connue et dénoncée sans réponse », précise Frédéric Chevallier. En effet, il a constaté que beaucoup d’associations et de bénévoles s’investissent auprès de femmes victimes de violences, mais qu’il y a des difficultés de coordination pour traiter les différentes situations de manière efficace. « Il s’agit de fédérer les énergies, de répertorier toutes les situations, de favoriser les prises en charge judiciaires, mais pas seulement, de femmes qui ne peuvent plus vivre au quotidien des violences à laquelle notre société a trop longtemps été complaisante ». Par ailleurs, avec 31 morts sur les routes du Loir-et-Cher en 2019, la lutte contre l’insécurité routière sera toujours une priorité, avec la lutte contre le trafic de stupéfiants. Et pour sensibiliser les jeunes à la Justice, le procureur consacrera 1h par mois à des élèves, collégiens ou lycéens dans le cadre d’une rencontre qu’il a intitulée « Magistrat, c’est la classe ! ». De son côté, le président du tribunal, Denys Baillard, a dressé le bilan 2019 de l’activité du tribunal avant d’annoncer les changements à venir. Le droit de la peine va être refondé en favorisant l’exécution rapide de la peine. « Cela s’accompagne de la création de nouvelles peines comme la détention à domicile, le développement de la possibilité du recours au travail d’intérêt général et la simplification des mesures probatoires », précise Denys Baillard avant d’ajouter : « Il faudra améliorer la connaissance du prévenu en se penchant plus sur sa personnalité, sa famille et son environnement, une petite révolution pour tous les magistrats ». Par ailleurs, l’expérimentation de la dématérialisation de la procédure pénale va se poursuivre en 2020.


Avocats en colère

Les avocats en grève, mobilisés contre la réforme des retraites, étaient présents sur les marches du palais de Justice, pancartes autour du cou : « Retraite plus chère, justice précaire ». Puis, ils sont restés debout, silencieux, dans la salle de la cour d’assises pendant toute la durée de l’audience de rentrée. Le président du tribunal, Denys Baillard, et le procureur de la République, Frédéric Chevallier, ont laissé le bâtonnier maître Jean-François Mortelette, s’exprimer en leur nom. Ce dernier à rappeler que les avocats cotisent à un régime autonome qui ne coûte rien à la collectivité et qui est solidaire puisqu’il reverse 100 millions d’euros chaque année au régime général. « L’intégration du régime autonome de retraite des avocats au régime universel aura de lourdes conséquences : doublement des cotisations de 14 à 28 %, un taux de charges qui passera de 48 à 60 %, en conséquence les plus jeunes en charge de la défense pénale et de l’accès au droit seront mis en danger », a expliqué le bâtonnier. Par ailleurs, le régime actuel leur garantit une retraite de base de 1 416 euros mais le projet de réforme la réduirait à 1 000 euros. « Le doublement des cotisations aura immanquablement une répercussion sur le maillage territorial du cabinet et sur nos honoraires, ce qui privera automatiquement certaines catégories de la population de l’accès au droit », a souligné maître Mortelette. À la fin de l’audience, les avocats ont offert du guacamole avec des tortillas pimentées pour faire comprendre que pour eux, la réforme est difficile à avaler.

C.C-S.