Pif, paf, bim, bang… ouch ! le billet d’humeur par Émilie Rencien


Une balade apaisante le long de la Loire, un ciel bleu de quiétude, et hop, un horizon assombri de nuages de candidats qui se fritent pour donner le ton du baromètre électoral. De quoi voiler la journée d’esprits belliqueux : un mois avant les élections municipales des 15 et 22 mars 2020, les prétendants au trône municipal ont en effet pu confronter ce mois de février leurs points de vue lors de rencontres organisées par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME 41) à Blois, puis par le MEDEF de Loir-et-Cher (Mouvement des entreprises de France) à Blois, Vendôme et Romorantin. Qu’en retenir ? Des échanges intéressants, bien que, et c’est fort dommage, empreints d’une impression d’entre-soi, car non filmés, non ouverts aux citoyens qui liront la presse puis les programmes pour en savoir davantage à défaut de. Passée cette frustration, côté candidats, l’exercice en vase clos aura offert l’opportunité à chacun de se vendre (ou pas) devant le monde local de l’économie et du patronat : il y a ceux qui s’y croient déjà, ceux qui sont mal assurés, ceux qui paraissent timorés, ceux qui ont des soucis de micro, ceux qui en font des tonnes, ceux qui brillent sans faire de bruit, ceux qui proposent n’importe quoi, ceux qui sont adeptes du “y a qu’à”… Pif, paf, bim, bang ! Beaucoup d’écolos nouveaux-nés, de passionnés de vélos en ville, de harangueurs de démocratie participative, et de surcroît, pléthore de «SE », c’est-à-dire des profils sans étiquette, par crainte de votes boomerang, bien que clairement identifiés en termes de sensibilité politisée, par leur passé et/ou actualité, par le grand public qui ne possède pas une mémoire de poisson rouge. Des “SE” qui, cela arrive, finissent par repentir ou stratégie, par “assumer” leur identité contre toute attente. À y perdre son latin ! Côté ambiance, ça se crêpe le chignon et pourtant, peu de femmes dans les starting-blocks. À Romorantin, la joute oratoire devient légion entre Jeanny Lorgeoux (ex-PS) et Louis de Redon (Ensemble pour Romo), y compris dans une discussion souhaitée pourtant non empourprée à l’initiative du MEDEF, sous les yeux des autres postulants silencieux, Raphaël Hougnon (LR), Alain Retsin (RN), Marianne Coupé-Yvon Chéry (binôme Romo Citoyenne) et Didier Guénin (PS). À Blois, également des tirs séparés d’invectives acérées, ainsi qu’une unanimité … de cible d’édile sortant à abattre d’une voix unifiée : alors que plusieurs hésitaient il y a quelques semaines encore, les velléités de sortir de terre une seconde sortie de l’A10 sur motivations hurlées de développement économique se font dorénavant entendre à l’envi aussi bien chez Malik Benakcha (LR), Étienne Panchout (Modem-LREM avec un ralliement à droite), Gildas Vieira (liste citoyenne) et Mathilde Paris (RN), face à l’actuel maire, Marc Gricourt (PS), qui de prime abord plutôt défavorable, choisit de tempérer le propos en laissant entrevoir une proposition de route alternative possible, avant de. En bref, le jeu classique d’oppositions politico-politiciennes dans la veine « mon voisin dit rouge, je réponds donc vert ». « Blois est la capitale de la magie, on peut tout espérer ! » dixit Paul Seignolle, président du MEDEF 41, en arbitre des matchs à l’univers éloigné de ceux qu’il connaît avec l’ADA Basket. Un peu de rire ne mange pas de pain dans une campagne ici et là fort tendue.

En bref, une diversité de représentations en scène ; une vraie pièce de théâtre, bonne ou mauvaise ; c’est selon la testostérone en action qui invite la castagne verbale dans cette campagne des municipales 2020 qui se révèle stérilement virulente oscillant entre idées de pré carré, coups d’épée, démagogie, délation et désinformation, tournant quelquefois en rond autour d’orgueils mal placés. Ceux donc… et c’est là où le bât blesse : les postulantes féminines manquent en tête de liste. Il ne pleut que des hommes, ou presque. It’s raining men. Nous sommes encore loin de la parité, à l’image de la société, et en la matière, les chiffres sont éloquents : en 2014, en France, seulement 16% de femmes maires élues selon l’association Elles Aussi. Et justement, parce que moult hommes aiment être dans la lumière, cela vire régulièrement au concours de qui aura la plus… et au culte guerrier du « moi, je ». Ne parlons même pas du Web où tout le monde – et qui plus est, les journalistes, dont celle qui écrit ces lignes – est scruté au clic près sur les réseaux sociaux. Messieurs (et mesdames), respirez sans déporter votre stress sur quidam. Il y a pire dans la vie que de perdre une élection… Les réseaux sociaux sont devenus un microcosme autarcique, une arène d’expressions de parcelles de vies enfermées dans un écran, une vitrine d’arlequinades fréquemment sises de manière éloignée de la réalité vraie. D’ailleurs, « Internet a fait exploser les formes de prise de parole, » résume l’ancien Président de la République, François Hollande, dans un livre d’entretiens avec l’association-laboratoire Terra Nova, « répondre à la crise démocratique » récemment paru aux éditions Fayard. « Les citoyens considèrent qu’ils ont autant le droit de faire connaître leurs opinions que les élus qui les représentent. Les réseaux sociaux ouvrent un espace illimité à leurs interventions et leur offrent un écho sans commune mesure avec la période précédente. Les lieux de débats ont quitté les marchés, les cafés et les préaux d’école, ils sont sur la Toile. Les distributions de tracts ont laissé place aux mails et aux SMS. La propagande des partis est moins lue que les blogs des influenceurs du Net. Chacun compte ses « vu » et « like » comme autrefois ses voix. Les meetings pèsent peu face aux réunions virtuelles. Toutes les opinions se valent, même les pires ! » En bref, beaucoup de bruit parfois pour rien ; de la politique spectacle dont souvent, le public ne veut plus. Pif, paf, bim, bang ! Vaste comédie d’une violence humaine où il faut avoir le cœur suffisamment accroché parce que nous ne sommes pas chez, les Petits Poneys. De toute façon, peu importe la baston dans la cour de récré, dimanche 22 mars 2020, pour certains, ce sera “game over”, retour au panier, merci d’être passés. Allez, pour détendre gent masculine et féminine, le WWF France a pris le parti de l’humour en lançant une campagne baptisée « À la recherche de #l’élu.e de mon cœur » pour trouver le maire idéal.e pour la transition écologique ! Au passage, après la rigolade, pour éviter de tomber dans la soupe à la grimace, le jour J, n’oubliez pas, aux armes de votes, citoyens ! Lundi 23 mars, l’heure sera trop tardive pour gémir “ouch” dans les rues ou sur des ronds-points. Le risque peut être l’abstention, le premier parti de France. Alors, comme l’énonçait Pierre Desproges, « L’adulte ne croit pas au père Noël. Il vote ».


Nota Bene : Une coquille s’est involontairement glissée dans l’entête du billet d’humeur sur les Anglais dans notre édition du 4 février. L’auteur n’est autre que notre émérite confrère, Éric Yung.