Girl power


Où sont les femmes, en politique ? Comme pour la défense des animaux, comme pour d’autres sujets d’importance à hisser dans les priorités d’actualité, le débat n’apparaît pas mûr, le fruit encore tenacement accroché sur la branche. Récemment accueillie en Sologne, à Salbris, Valérie Pécresse, actuelle présidente de la région Ile-de-France et personnalité à droite en lice pour le congrès primaire des Républicains début décembre qui désignera son (ou sa) candidat(e) présidentiel(le) pour 2022, aura bien exposé, inconsciemment, un problème de société. Elle a quitté les LR en 2019 (puis est revenue en 2021), pourquoi ? «Parce que je pensais qu’on ne voulait pas de moi. Et même après le départ de Laurent (Wauquiez), rien n’a changé. » La version peut être romancée, assurément, et en même temps, ce n’est pas forcément si fantasmé. N’oubliez pas : ici, il s’agit d’une politique certes, mais aussi et surtout d’une femme politique ! Cela change la donne et le constat n’est aucunement sexiste. L’égalité n’est parfois qu’un bon mot théorique sur l’affiche. Une illustration de l’éditeur Passés Composés entraperçue aux derniers Rendez-Vous de l’Histoire de Blois, intitulée “les femmes disparaissent de la sphère politique”, rappelait la donnée et le dossier qui datent, enfonçant le couteau dans la plaie. Morceaux choisis : “En 1789, des femmes sont de toutes les manifestations dans le pays et dans toutes les tribunes de l’Assemblée. En 1790, Condorcet défend l’admission des femmes au droit de cité. En 1791, Olympe de Gouges publie “la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.” En 1792, le mariage civil et le divorce sont votés par l’Assemblée. En 1793, les femmes sont exclues de l’Armée (sauf les vivandières). En 1794, les manifestations féminines disparaissent et les citoyennes républicaines abandonnent la politique. En 1795, le gouvernement réprime très violemment les manifestations des femmes et l’espace est devenu totalement masculin…” Et en 2021 ? Les chiffres, différents, demeurent toujours sans appel à l’évidence : selon l’entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU Femmes), « les femmes exercent les fonctions de chefs d’État ou de gouvernement dans seulement 22 pays, et 119 pays n’ont jamais été dirigés par une femme. Au rythme actuel, il faudra 130 ans pour que la parité dans les décisions politiques du plus haut niveau soit atteinte. » Et puis les mâles alpha ne se croisent pas qu’en politique. Dans le journalisme aussi : un simple premier contact permet parfois de saisir la température dès l’entrée dans le métier. «Salut, toi tu es nouvelle. Tu es SR c’est sûr (secrétaire de rédaction, comprenez dans notre vocabulaire, qui édite, relit et corrige les articles), c’est bien.» S’en suit la réponse tentant d’être correctement contenue. « Euh non, enfin je relis les textes des pigistes mais je suis une femme et journaliste sur le terrain, et j’écris aussi, comme toi des papiers… Deux choses à la fois, j’y parviens.». Et là, action, réaction bourrée de testostérone. « Ah d’accord. N’écris pas trop comme l’académie Goncourt, on ne te lira pas comme moi sinon ! (Clin d’oeil). Tu devrais porter un tailleur ! » Peut-être est-ce l’effet kiss cool tenace rappelé par la chanson de plainte masculine, “où sont les femmes?”, des années 80, entonnée par Patrick Juvet, qui laisse des traces persistantes. Là, le trait de l’anecdote est grossi, mais pas tant que cela. Allez, une paire d’escarpins et changez le disque sans sourciller en lisant Paulo Coelho, en chantant comme une guerrière façon Beyoncé : «Cessez d’être ce que vous étiez et devenez ce que vous êtes», car en vrai, «who run the world ? Girls !» Rassurez-vous, ni Gilet jaune, ni féministe, ni de droite, de gauche, du centre. Seulement végétarienne, peut-être un brin d’opposition et casse-bonbons. Une nana quoi. Toutefois, note pour tout de suite : “on peut avoir le dernier mot avec une femme, à la condition que ce soit oui” (Alfred de Musset). En somme, le fruit planté doit être vraiment cueilli et en politique aussi… Girls !

Émilie Rencien