Imagine all the people


Déjà douze mois. Nous avions bon espoir, tous et toutes, de réussir assez promptement à passer entre les gouttes des giboulées de mars 2020. Qui n’a pas songé au printemps dernier que le virus était évanoui et maîtrisé, le FFP2 sur l’épaule débridée ? Et pourtant, un an plus tard, l’innocence a, elle, disparu, tant l’ondée aqueuse et inexorable demeure embuée et corrosive, pendant que la tension fait de la résistance au rythme que l’espérance s’épuise. Et force est de constater que cette réalité covidée qui nous est tombée dessus sans rien demander, encore et toujours après 52 semaines orchestrée par des confinements, des couvre-feux, des fermetures de collèges et tristounettes compagnies, nous fournit une once de réponse à l’une de nos dissertations de lycée d’antan que nous saisissons assurément mieux actuellement : il n’y a rien de pire que le provisoire qui dure, voire s’éternise. Douze mois que tout se vit à vau-l’eau. Tout part en cacahuète, sauf les masques et ce foutu coronavirus. Parfois, c’est à se demander si un jour, nous reviendrons vers la normale, si nous aurons moult choses positives à narrer dans un billet et des papiers hormis la négative pandémie, et surtout si nous saurons retrouver des gestes simples, devenus étranges, comme serrer une main ou claquer une bise. C’est en ce moment, bizarrement, l’effet inverse qui est éprouvé. Qui n’a jamais trouvé abracadabrant ce visage découvert dans un film ou documentaire  ? Alors, après, un monde épouvantable ou bonifié ? Après, quand nous serons sortis de cette crise, ces crises, “Imagine”… « qu’il n’y ait aucun paradis, aucun enfer en-dessous de nous; au-dessus de nous, seulement le ciel; imagine tous les gens vivant dans le présent… » Imagine qu’il n’y ait rien à tuer ou pour lequel mourir… Du haut de ses cinquante piges, la mélodie pacifique et utopique de feu John Lennon résonne, pendant qu’à Blois, en 2021, sous les pavés, ça cogne ! Tout bascule dans la déprime, teintée de violence et d’hystérie collective, y compris dans le Loir-et-Cher. Une place pourtant bien tranquille où fin janvier, lors de son arrivée, le nouveau préfet François Pesneau percevait «un esprit pour construire plutôt que détruire». C’était sans compter sur un feu d’artifice surprise la nuit du 16 mars au sein des quartiers Nord de Blois; un sujet qui aura fait la Une de l’actualité nationale et à moins de vivre dans une grotte, cela n’aura échappé à personne, même pas aux quelques régions reconfinées un an covidé plus tard. Il vaut mieux via les mots en badiner, bien qu’il n’y ait guère matière à s’esclaffer. Dans le Loir-et-Cher, là où « les gens ne font pas d’manières », nous ne sommes ni à Chicago ni au Texas, à Dallas ou L.A. Salem, éventuellement, si on tient à demeurer chez l’oncle Sam, avant une virée surannée en Harley du côté de chez Swann ; celui de Proust, pas la chanson de Dave. Quoique. Le flashback sirupeux pourrait sans doute paraître délicieux, en quête du temps perdu, face au jour d’après. Le fameux tant harangué en 2020, revenons-y, entre deux masques et une fournée au gel hydro-morosités. Promis tel le Messie, il tarde à poindre le nez. Or, peut-être, est-il arrivé et que nous refusons de le regarder tant il s’avère laid et fort éloigné du tableau fantasmé de licornes toutes mignonnes et bisounours bonhommes. Le virus Covid-19 prend un malin plaisir à s’incruster, avec son lot de sales gosses égrotants (des enfants variants), et dans son sillage se logent d’autres insanités teintées de harcèlement scolaire, d’Alisha, de Samuel, de Magali, d’incestes, de Corinne Masiero nudiste à la TV. Et au sein de ce funeste et piquant foin, Meghan et Harry devant Oprah, c’est de la roupie de sansonnet. Inutile de partir avec son test PCR si loin ; dans le Loir-et-Cher, là aussi, nous ne baignons pas dans la vie de châteaux. Au coeur du cafard général, le peuple-foule, préoccupé, aura possiblement perdu de vue l’affaire de l’enregistrement sous le manteau au Conseil départemental du 41 qui aura ouvert la cruelle boîte au nez crochu puis essaimé de plus crasseuses sorcières encore au balai de Pandore. Qui se souvient de cette bluette? Et maintenant, tapez un, deux, trois ; en juin, qui sera le nouveau roi ? Sous la menace de moutons qui se noient, saisissons la bouée opportunité pour réfléchir par nous-mêmes, au lieu d’écouter les ersatz de devins de boules de cristal aux antennes éléphantesques qui Trumpent énormément, précipitant le troupeau dans une fange de violences en effet dominos pas beaux. Les minces gardes-fous commencent à s’écrouler, justement ce jour d’après, en définitive carrément fripé. Mais si ! L’être humain et sa noirceur à la Dexter, non assumé mais évinçant « les simili-carnés car ça a le goût de la viande, la texture de la viande, et tout ça sans tuer d’animaux… Aucun intérêt, moi je veux du sang et de la mort ! » (Insolente Veggie, Rosa B., éditions La Plage). La guerre des boutons haineux a lieu et dans ce marasme aux yeux de chouette, entre visios, incohérences, émeutes et fake news en mode “quelqu’un m’a dit”, donc dans le Loir-et-Cher, plutôt Stéphane Baudu, Guillaume Peltier, Denys Robiliard ou consorts, dans le fauteuil diablement arraché à Nicolas Perruchot ? Cela sera peut-être repoussé aussi… De facto,“Imagine all the people…” car en 2021, il faudra davantage qu’un songe, une chanson, un bulletin de vote, ou même un vaccin. Quoique. “Un monde sans abrutis, ce serait le chaos,” dixit Paulo Coelho. Ça y est, enfin, masqués, vous souriez. L’espoir est contagieux, à l’instar du rire. Pendant que notre département et région disposent encore de la liberté de ne pas être reconfinés. Ne gâchons pas cette chance de damnés, hein, dans le 41. “Imagine, it’s easy if you try…”

Émilie Rencien