«Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres» (Antonio Gramsci). L’actualité récente résonne en écho à cette citation du philosophe, écrivain et théoricien politique italien précité, au ton bien senti, croisée lors de notre lecture d’un livre d’enquête politique. Après les inondations, les canicules et autres joyeusetés abrasivement mortifères, l’arrivée du Covid-19, comme dans un roman catastrophe de science-fiction, toutefois bien réelle, démontre la fragilité d’un système et sonne le début du glas de sociétés développées en perte de repères où le pauvre mortel n’est maître de tout malgré une sensation de divin contrôle, où en dépit de l’abondance la panique excessive fait irrationnellement voler les paquets de pâtes dans les supermarchés, où le premier danger viral réside dans les chants des sirènes de la consommation, du profit et de la production outranciers. Une autre maladie, au ras des pâquerettes, que nous avons maintes fois mentionnée, a définitivement touché la campagne des élections municipales cette année 2020. Loin du long fleuve tranquille, au bord duquel les déçus et déchus, sans doute au passage fauchés, affichent une gueule de bois, débarqués à quai au pied de la municipalité tant convoitée. A Blois et à Romorantin, les maires sortants aux visages défaits ont été malmenés, pendant que la bataille des chiffres des meetings et la querelle immature des affiches déchirées ont parfois fait rage entre adversaires. Pour assaisonner cette recette de fadaises et de pugilat, ajoutez-y une pincée d’idées et surtout beaucoup d’ingrédients de folie des grandeurs, de menaces de crapule en live et de manipulations à la Papa sur les réseaux virtuels. « C’est la guerre! », selon les propres dires d’un duo de colistiers croisés à Blois affairés, en plein chantier de collage du visage-slogan de leur candidat, tout en décollant ceux de l’opposant, opérant lui aussi de même après dénonciation auprès de la maîtresse dans la cour de récré. N’omettons pas les rois hurlant au complot, imaginant des questionnaires semblables aux magazines féminins pour dézinguer l’adversaire, et même en persévérant de propager de fallacieuses rumeurs de penchants de journalistes. D’aucuns même sont devenus des devins d’un nouveau genre. «Je sens l’issue positive, avec mes capteurs!» aura harangué à Blois samedi 7 mars une Valérie Pécresse fustigeant dans sa droite lignée « les nids de gauchistes », applaudissant « les profils représentatifs de la méritocratie française », en auto-centrage dans son discours sur sa région, l’Ile-de-France, qu’elle préside, bien qu’au départ, venue étançonner le jeune candidat blésois aux municipales loir-et-chériennes, Malik Benakcha (Les Républicains, LR), bien qu’elle ait quitté les LR pour fonder son mouvement «libres! », en soutenant David Lisnard (LR) à Cannes, sans pour autant opérer de même à Paris pour Rachida Dati. Cherchez l’erreur. «Le nouveau monde tarde à apparaître… » et les ramifications parallèles nées au sein des partis politiques historiques viennent torpiller l’ensemble sans rendre service à personne, déboussolant davantage le citoyen lambda, dont l’appétence de se déplacer aux urnes se réduit comme peau de chagrin, qui n’y retrouve plus ses petits, ne comprenant pas grand-chose, voire plus rien à ces mouvements perpendiculaires au milieu d’une campagne politique 2020, il faut le seriner, fort minable. Mais qui sait, peut-être que les petits ruisseaux nourrissent les grandes rivières ? Un débat autour de l’environnement était ainsi organisé, à la Chaussée Saint-Victor, avant le premier tour du scrutin municipal, lundi 9 mars, par le collectif action climat de Loir-et-Cher (CAC 41), ainsi que les associations Nous voulons des coquelicots Blois, Vélo41 et ANCPEN (pour la Protection du Ciel et de l’Environnement), dans les nouveaux murs de l’Observatoire Loire au parc des Mées, en présence des postulants au fauteuil d’édiles à la place de l’édile. Parmi les questions qui fâchent, le déploiement de la 5G, le covoiturage, l’artificialisation des sols, l’extinction nocturne des vitrines ou encore les pesticides. D’après collectif et associations pré-indiquées qui réclament aux collectivités de se déclarer en “état d’urgence climatique” face aux soubresauts d’un ciel contrarié du fait d’une planète aux ressources pillées, «jusqu’à 70% des solutions pour le climat se trouvent au niveau local.» C’est possible, et les consciences s’éveillent, et c’est tant mieux, même si dans l’immédiat, chaque élu ou prétendant au titre semble souvent cultiver son propre jardin à force de poudre aux yeux, promettant parfois des objectifs lune locale qui ne relèvent pourtant pas toujours de la compétence d’une mairie. Pendant ce temps-là, côté national, l’ancien premier ministre Manuel Valls, visiblement lassé de l’Espagne, entame une opération séduction en direction du président Macron avec visée française cette fois, cap vers 2022, parce qu’il y a celles et ceux qui pensent déjà à l’après-municipales. De toutes ces turpitudes et manoeuvres politico-politiciennes, faut-il mieux après vote en mourir de rire, de larmoiement ou de Covid-19 ? Face à des voeux pressants de renouveau démocratique d’appétits aiguisés et d’esprits quelquefois abêtisés par la clé du château de pouvoir tant convoité, force est de constater qu’ici et ailleurs, la politique n’est qu’un vaste et éternel recommencement, dont la recette et les ficelles consistent récurremment à faire passer du neuf pour du vieux dans un ballet d’arbres aux nouvelles branches cachant une persistante forêt de dupes qui finissent par se déraciner et se mouvoir de l’emprise. En 1988, François Mitterrand se voit réélu avec un leitmotiv, « La France est en marche ». Cela ne vous remémore pas quelqu’un à l’Élysée depuis 2017 ? Les gens affichent de temps en temps la mémoire courte. Or, « la folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent » (Albert Einstein). Alors qu’une poignée se remémore cet air déjà vu, le premier tour des élections municipales en Loir-et-Cher remet quelques égotismes dans leurs buts, au sein des deux villes à enjeux électifs que nous suivons particulièrement depuis 2019, du gel hydro-alcoolique en geste barrière anti-Covid sur les mains, car le “crime” pandémique aura profité à… Dans l’ordre, à Blois, d’emblée, c’est fait : Marc Gricourt (PS-EELV), 55,99 %; suivent Étienne Panchout (Modem-LREM-DVD), 14,48 %; Malik Benakcha (LR, loin de son duel…), 13,8 %; Mathilde Paris (RN), 7,29 %; Gildas Vieira (liste citoyenne, ex-adjoint du maire sortant), 6,76 %; et Olivier Trancart (Lutte ouvrière), 1,68 %. À Romorantin, le suspense continue avec une quadrangulaire : Jeanny Lorgeoux (ex-PS, DVG), 34,28%; suivi de Louis de Redon (Modem, DVD), 23,8% ; Didier Guénin (PS,ex-adjoint du maire sortant), 14,19%; Raphaël Hougnon (LR), 12,35%. Puis en fin de course, Romo Citoyenne (SE), 8,07%; et Alain Retsin (RN), 7,31%. Pour l’épiloque, rendez-vous donc dimanche 22 mars, si le Coronavirus ne nous a pas tous et toutes transformés en dinosaures d’ici cette date de 2e round, si celle-ci est bien maintenue. Au vu des chiffres précédemment énoncés, dans une ambiance de quasi fin du monde, le scrutin aura réussi à hisser la morale politique des uns face au pêché d’orgueil politicien des autres, dans un contexte violemment secoué par des maux inédits. Pas si vilain… Sans omettre que “dans ce clair-obscur surgissent les monstres».
Émilie Rencien