Lamotte-Beuvron : La valeur n’attend pas le nombre des années


Mi-octobre, le GRAHS organisait sa 2e conférence automnale. Georges Joumas, qui fut professeur d’histoire dans différents lycéens d’Orléans avant de profiter de sa retraite pour devenir docteur en histoire contemporaine, a évoqué la tragédie des lycéens parisiens résistants fusillés en Sologne.
Le 10 juin 1944, jour de l’horrible massacre d’Oradour-sur-Glane, des lycéens parisiens en route pour rejoindre un maquis en Corrèze ont été arrêtés par la Gestapo alors qu’ils étaient hébergés dans les fermes de By, Cerfbois et Grandbois.
À Paris, la résistance des lycéens débute dès le 11 novembre 1940, où ils défilent sur les Champs-Élysées alors, la commémoration de l’Armistice ayant été interdite par les nazis. Plusieurs victimes de la tragédie de Sologne y étaient alors qu’ils étaient âgés de quinze-seize ans. À la rentrée de 1942, la résistance lycéenne se constitue avec la création de corps francs dont Liberté dirigé par Philippe Wacrenier, étudiant au lycée Janson de Sailly. Ces jeunes scolarisées dans de grands lycées parisiens et issus de mouvements, comme les Scouts de France et les Éclaireurs s’entraînent au maniement des armes dans le sous- sol de leurs établissements, encadrés par des officiers de l’armée française qui avaient rejoint la Résistance. En juin 1944, après le débarquement des Alliés en Normandie, les Résistants bloquent la montée des troupes venues du centre et du sud de la France. Les lycéens parisiens devaient les rejoindre en Corrèze après avoir récupéré des armes parachutées en Sologne. Au signal diffusé sur Radio Londres, « la lune est pleine d’éléphants verts », ces lycéens quittent Paris les 6 et 7 juin 1944 par petits groupes, en train ou à vélo. En cas de problème, leur alibi était qu’ils rejoignaient le service civique rural, prévu par le gouvernement de Vichy pour envoyer des jeunes aider dans les fermes. Au carrefour des Quatre Routes à Ménestreau-en-Villette, les lycéens parisiens étaient attendus par de jeunes Résistants qui devaient leur indiquer les fermes où ils devaient dormir avant de récupérer les armes. Mais à Paris, quatre des chefs des corps francs sont arrêtés avant qu’ils puissent descendre en Sologne. Leurs adjoints déjà rendus en Sologne ne sont pas au courant de cette arrestation. Le 9 juin, la Gestapo d’Orléans est informée que des jeunes résistants sont à la ferme de By à la Ferté-Saint-Aubin. Le 10 juin, à 5 heures du matin, la ferme est encerclée et les jeunes sont entraînés dans un bois voisin pour y être fusillés, Trois d’entre eux dont un traître infiltré y réchappent. Dans l’après midi, la Gestapo arrive Cerfbois à Marcilly-en-Villette et arrête neuf jeunes qui sont aussitôt fusillés. Une dame qui assistait à la conférence était présente avec son mari à Cerfbois lors de cette arrestation : « Les étudiants étaient logés dans les bâtiments de la briqueterie, se souvient-elle. Tout s’est passé très vite et nous n’avons pas pu intervenir. » Le 10 juin au soir, au château de Grandbois, la Gestapo arrête dix-huit jeunes ainsi que le propriétaire du château. Sur l’ordre d’un officier allemand présent lors de cette arrestation, ils ne sont pas fusillés sur place mais transférés à la Gestapo d’Orléans. Déportés, seulement trois d’entre eux reviennent des camps de la mort. Les jeunes qui logeaient dans les autres fermes ont été prévenus et vont rejoindre les maquis de Saint-Viâtre et Souesmes. Deux monuments ont été érigés à leur mémoire, l’un à Bellefontaine à la Ferté-Saint-Aubin et l’autre à Marcilly-en-Villette pour les douze fusillés de Cerfbois.
F.M.