Le fragile équilibre économique des hippodromes de campagne


ON EN CAUSE Un champ de course, c’est grand et ça nécessite un minimum d’entretien. Comment rentabiliser un tel lieu avec trois réunions annuelles? Les réponses de son président, Francis Mory.

«La piste est un peu dure et de grosses pierres ressortent. Normal avec la sécheresse, mais quand l’herbe sera bien enracinée on appréciera vraiment les aménagements. » Le driver qui s’est arrêté pour faire souffler son trotteur à notre hauteur n’a pas d’intérêt dans la société des courses de Châteauroux. Il livre son diagnostique juste après l’effort.» Les aménagements en question ont tout de même coûté trois cent mille euros pour notamment, relever les deux virages de la piste de 1750m du Petit Valençay. Une somme que l’on ne trouve pas «Sous le sabot d’un cheval» justement.

C’est la société nationale des courses qui a financé la moitié des travaux. Le conseil Départemental a mis la main à la poche comme la société des courses de Châteauroux. La Ville a financé le reste mais il s’agira pour elle d’une opération blanche puisqu’elle récupère la TVA.

Lorsque l’on doit effectuer de tels investissements , comment les rentabiliser ? « Et bien justement on ne rentabilise pas, confirme Francis Mory, président de la société des courses. Les courses font partie des loisirs de l’été et les élus souhaitent conserver cette tradition.»

Françis n’est jamais monté à cheval, même s’il a derrière lui une carrière de militaire, il n’est pas noble non plus et c’est sans doute le premier roturier  à s’installer dans le fauteuil du président depuis la fondation de la société (et du champ de course) en 1883 par Auguste Balsan, propriétaire de l’usine éponyme qui fut maire de Châteauroux et député de l’Indre. Parmi les différents aristocrates qui se sont succédés à la tête de la société se trouvent les représentants de la famille De la Selle, alliée aux Balsan. Bertrand de la Selle, atteint par la limite d’âge voici deux ans, fut le prédécesseur de Françis Mory. « C’est la mairie qui a poussé ma candidature. Les temps ont changé et les bénévoles sont de plus en plus difficiles à rassembler. » Président de l’UNC Châteauroux Déols, vice président des anciens de la Martinerie, Francis avait autour de lui des troupes fraîches pour étoffer celles de la société des courses. « Nous sommes une trentaine. Mon épouse, Isabelle, tient le poste, essentiel de secrétaire général et Jean-Claude Richard celui de trésorier. »

Le bénéfice des paris doit couvrir les frais de la réunion

Un trésorier qui surveille de près les chiffres des entrées, les jours de réunion, ainsi que le montant des enjeux. «Nous touchons 12,5% du montant des enjeux, explique Françis Mory, mais nous devons assurer le défraiement des guichetiers, du juge à l’arrivée, du starter, du speaker , des commissaires , du médecin, des ambulanciers et du vétérinaire. On ne joue pas gros à Châteauroux et ces recettes ne suffiraient pas si nous n’avions pas une subvention de la fédération.»

Autre préoccupation, une réunion ne peut pas compter moins de cinq courses. « Il faut acheter des courses pour compléter le programme doté par la société des courses.» Châteauroux a connu jusqu’à cinq réunions estivales, mais le nombre des journées est partout en diminution. « Certains hippodromes n’ont qu’une seule réunion. Rien à voir avec l’économie des grands hippodromes régionaux. Lyon par exemple compte 90 journées de courses et repose sur des organisateurs salariés. Heureusement que la municipalité nous donne un bon coup de main pour l’entretien de l’hippodrome. Mais les bénévoles mettent aussi la main à la pâte. Pour rouler la piste en particulier, le lendemain de la première réunion. La qualité de notre piste en herbe c’est notre premier argument pour faire venir les trotteurs. »

On les attends nombreux le 16 septembre où six courses seront au programme et certaines seront probablement dédoublées, une aubaine pour les parieurs. Cette année, la der des der aura lieu le 30 septembre.

Pierre Belsoeur


Mézières-en-Brenne premier hippodrome de l’Indre

Avant que l’on ne fasse trotter les chevaux à Châteauroux, Mézières  accueillait, une fois l’an des courses moins conventionnelle. George Sand y a assisté, Gérard Coulon le raconte.

Il fallait le talent de l’historien Gérard Coulon pour nous rendre passionnante l’histoire d’un champ de course de Mézières né en 1845 et qui accueillit ses ultimes épreuves en 1857. Comment a-t-on pu rêver au coeur de la Brenne d’organiser des épreuves hippiques avec l’ambition de concurrencer le derby d’Epson, mondialement connu? Comme toujours une telle ambition ne peut être portée que par un passionné. Le comte de Lancosne-Brèves, ardent défenseur du cheval brennou en l’occurence. Un petit cheval à demi sauvage dont l’élevage extensif permettait de valoriser des terres impropres à d’autres usages agricoles. En organisant des couses réservées aux chevaux brennous, le comte espérait encourager les éleveurs à améliorer les qualités de leurs chevaux. Et puis, rappelle Gérard Coulon, nous étions sous la monarchie de juillet qui accordait de larges subventions pour doter des courses.

Le 7 juillet 1844 au terme du traditionnel concours de poulains et pouliches (qui existe toujours, la dernière édition s’est tenue voici trois semaines) les deux premières courses de Mézières sont organisées, dont un aller et retour Mézières-Vendoeuvres sur 24 500 m ! Disputé par sept chevaux brennous devant un millier de spectateurs.

Forts du succès, le comte de Lancosme et Henri Navelet , maire de Mézières, fondent le Cercle hippique. A la fin de l’année le cercle acquiert « pour 12 ans et 204 jours » les terrain entre Mézières et Saint-Michel nécessaires à l’édification du champ de course. Le cercle rassemble dès sa première année 208 membres: les aristocrates du département, nous détaille Gérard Coulon mais aussi des artistes , des écrivains, des parisiens. L’ambition de Lancosme et Navelet est de faire de Mézières une contrée « fashionable» avec des voies de circulation dignes de ce nom et évidemment un chemin de fer. On parle aussi de créer un hôtel pour accueillir de prestigieux visiteurs. Des travaux d’aménagements considérables sont effectués pour que les premières courses puissent se dérouler. En particulier le bâtiment des écuries, avec ses deux ailes et son pavillon central, qui existe toujours aujourd’hui à proximité de la route de Saint-Michel . En 1846 des tribunes en bois seront ajoutées George Sand y encouragera notamment  les concurrents de la «course du gouvernement» au milieu de… 14 000 spectateurs. Parcourant cette époque extraordinaire Gérard Coulon raconte aussi comment les émeutes de la faim en 1847 ont fait repousser les courses au mois de septembre cette année-là. Les courses ont lieu mais le ressort est cassé. Mais retrouvez tous les détails de cette histoire de Mézières dans les cent pages joliment illustrées que Gérard Coulon lui consacre.

P.B

« Un rêve d’aristocrates . Les courses hippiques de Mézières-en-Brenne » Par Gérard Coulon une co-édition La Bouinotte – Lancosme Multimédia 111pages grand format, couverture cartonnée . 25€. Gérard Coulon sera en dédicace à l’hippodrome de Châteauroux lors des prochaines réunions.