Le prochain Grenelle n’est pas pour demain


À la fin du repas de famille, à la fin du repas entre amis, à l’heure où chacun retrouve ses pénates, qui n’a pas conclu la soirée en se disant « mais qu’il est con, mais qu’il est con » en se remémorant les énormités proférées par le cousin Marcel, tonton Gérard ou Kevin, le pote du collège qu’on n’avait pas revu depuis des décennies et dont on se rappelle maintenant pourquoi on l’avait oublié. Que celui qui n’a jamais eu l’esprit traversé par ce type de pensée, un jour, nous jette la première pierre.
Cette mésaventure vaut pour la vraie vie. En politique, c’est exactement pareil mais en pire. Sauf que là, personne n’a l’excuse de s’être laissé aller à parler tout haut, entre gens de connaissance, et après avoir oublié qu’avec modération ça se serait mieux passé. Quoique, on a souvent entendu dire que la buvette de l’assemblée est une bonne buvette !
Tirer à vue sur la classe politique est, il est vrai, un peu facile. Cependant dans une démocratie parlementaire, il serait de bon aloi que les représentants des gens d’en bas ne se prennent pas pour des gens d’en haut. Attention, nous prévenons les âmes sensibles que la phrase qui arrive est certes grossière mais surtout pas vulgaire. Si besoin, ami lecteur, passe directement à la ligne d’après. La politique, donc, se définit comme une science du gouvernement de la cité et non par de la branlette intellectuelle. Notre soit-disant élite politique a toujours, par le passé, fait preuve de beaucoup de facilité pour la démagogie. Absent depuis quelques années, et les petits nouveaux politicards, pas encore tricards mais qui vont le devenir rapidement à ce rythme-là, le Poujadisme est venu s’ajouter à cette tare moins congénitale que conne tout court.
Tout le monde ne peut pas mettre les mains dans le cambouis mais quand même. Comment des gens qui ont fait de l’auto-pignolage leur activité principale peuvent-ils proclamer haut et fort et sans risque majeur, sinon celui de l‘extinction de voix, « Le travail est un devoir » et d’autres qu’« Interdire de faire la grève certains jours de l’année n’est pas une restriction du droit de grève… » ? Le premier reprend l’antienne d’un président des années 1940. Président que l’on qualifiera de sénile pour ne pas avoir à ré-écrire l’histoire. Les seconds prennent pour exemple les restrictions déjà mises en place en Italie. Pays référence en la matière où les habitants ne disposent pas d’un salaire minimum légal et dont l’âge de départ à la retraite a été fixé à 67 ans. À ce niveau-là de l’analyse sémantique, on comprend rapidement que ces augustes personnages n’hésitent pas à se la mettre sur l’oreille pour la fumer plus tard. Salauds de cheminots contrôleurs – sur ce coup-là, les syndicats ont été mis devant le fait accompli- qui en demandent toujours plus et bousculent les vacances de 10 % de la population. Les 90 autres % peuvent aller se brosser, ils n’ont pas les moyens de partir en vacances, alors faire la grève on n’en parle même pas ! De cette grève spécifique à la SNCF pour en faire un point d’appui afin de discréditer des gens qui se lèvent tôt ou se couchent tard, c’est faire abstraction de l’histoire sociale. C’est oublier que c’est par le rapport de force que les grandes conquêtes sociales ont été obtenues. Là, il est vrai, on est quand même sur de la demande spécifique plutôt que généraliste ou favorable à l’ensemble de la classe ouvrière (qui inclut tous les salariés même les petits chefs…) Par contre, la réaction, quant à elle, touchera bien tout le monde. Salariés de l’agricole inclus.
Ce sont les mêmes qui expliquent que la grève devrait être le dernier moyen à employer dans la négociation et oublient que pour négocier, il faut avoir quelqu’un qui écoute les doléances… Cette dernière notion n’est pas innée. Quand on n’a jamais foutu les pied dans une entreprise, on ne l’a pas perçue et validée sur le terrain. Pour la plupart de ces décideurs de la vie des autres, l’entreprise, ce n’est pas leur truc. Eux et elles, ont fait politique en matière principale avec option onanisme verbal. Seigneur, pardonnez-leur, ils ne peuvent pas tout savoir.
Une certitude, pour le moment, il n’y a pas de salle de réservée du côté de Grenelle en 2024 !

Fabrice Simoes