Le temps des hommages


On a beaucoup rendu hommage, la semaine dernière, à Samuel Paty, un prof d’histoire-géo. Il va avoir son nom sur la façade d’une école, sur une plaque de rue ou de parking. Pas certain que c’était son truc, la plaque et les honneurs. Lui, il voulait seulement faire du bon boulot, malgré les parents. Un travail à temps plein que celui d’instruire une marmaille braillarde pour ces hussards de la République que la République laisse bien seuls dans la pampa de l’éducation publique. Il a été assassiné par un trou du cul qui n’avait de cerveau qu’une éponge à dogmes. Il ne pensait pas que beaucoup de croyants ne sont qu’âmes perdues dans les limbes d’un bourrage de crâne religieux. Au contraire de tous les sachants des réseaux sociaux, au contraire de tous les spécialistes du monde d’aujourd’hui, de demain et même d’après-demain, il ne savait pas que les cons pouvaient aller aussi loin dans leurs délires. Il s’intéressait au monde et aux gens qui le peuplent.
On a pas mal rendu hommage, la semaine d’avant, à Bernard Tapie. Les gens de peu, ceux qui écoutent, ont été aussi marqués par ce décès que les gens de beaucoup, ceux qui parlent et qu’on voit à la télé. Les uns avaient probablement en tête l’image de la marionnette du Nanard burné des guignols de l’Info sur Canal+. Les autres se remémoraient plus sûrement les bonnes affaires en commun, les dîners aux chandelles, les petits fours et les coupes de champagne. Avec tout le respect que l’on doit à un récent disparu, rappelons que son titre de gloire est d’avoir été le président de l’OM vainqueur de la Coupe d’Europe de football, à la fin du siècle dernier. Les virés de La Vie Claire, ceux de chez Testu, ceux de chez Wonder, ont croisé son parcours. À son contact, ils ont appris le chemin de Pôle emploi et à chercher autre chose. Tout le monde ne peut pas gagner un Tour de France. On ne leur avait pas dit que les capitaines d’industrie n’ont de statues de dressées que pour eux-mêmes.
On a rendu un peu hommage aux morts de la manif du 17 octobre 61. Une Saint-Barthélémy le jour de la Saint-Baudouin, même pas une histoire belge. Des Algériens venus des bidonvilles de Nanterre et d’ailleurs, ça vaut pas tant que ça. Les mêmes qu’on désignerait comme musulmans de banlieue maintenant. Le préfet de Paris de l’époque, Maurice Papon, celui qui, secrétaire général de la préfecture de Gironde, signait les bordereaux de trains en partance pour les camps de concentration, aurait dit à ses nervis: « Vous serez couverts, je vous en donne ma parole ». D’expérience, il savait parfaitement que les crosses de fusils pouvaient péter la gueule des manifestants et que Paris, en Octobre, n’est pas le meilleur endroit pour apprendre à nager. L’histoire des camps, personne ne lui avait rappelé à ce moment-là… Dans quelques années, quand les archives seront déclassées, on verra bien si le nombre de matraqués à mort ou de noyés dans la Seine est de 38, selon les chiffres officiels, ou de plusieurs centaines. Pour les trains, on sait déjà !
On devrait aussi rendre hommage à Xavier Bertrand. Le retour du fils prodigue à la maison LR le mériterait amplement. C’est toujours beau de voir un enfant gâté partir pour une herbe plus verte ailleurs et rentrer au bercail. Le président des Républicains, Christian Jacob, espérait le retour du boss Nicolas Sarkozy. Il avait déjà fait chercher le veau gras, on ne sait jamais. Cela ne sera pas pour rien. Par contre, il va falloir qu’il explique à Valérie Pécresse, comme au frère aîné de l’Évangile, qu’elle reste sa préférée. « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé !” » et à la fin c’est Xavier qui gagnera le droit d’aller se faire tournebouler au 1er tour de la présidentielle.

Fabrice Simoes