Les Chevaliers du Ni


Il suffit de quelques mots. Il suffit de quelques riens… A l’heure de la campagne des élections européennes les sondages placent en tête des intentions de votes les partis les plus anti-européens du moment, d’avant et de plus tard. A pleurer des larmes de crocodiles, à sortir les mouchoirs dans sa version cagole, Marine se l’ai joué Carole Laure tandis que le petit Jordan, profil lisse et propre sur lui, a tenté le coup, certes en moins bien, façon Dewaere ou Depardieu (au choix). Ça ne marche pas toujours, mais là …
En moins de temps qu’il ne faut pour le mettre en place, le RN est devenu la référence du rien dire, du rien faire. La meilleure méthode pour éviter de raconter des âneries, de faire des bêtises, ou de laisser échapper le fond de sa pensée est là. La bête et ses idées est toujours présente mais elle s’est parée de ses atours de fête à neuneu pour jouer au nounours de Bonne nuit les petits. Pom, popopom, pom, pom… Un peu de poudre aux yeux, Pimprenelle et Nicolas sont endormis. Elle a donc investi les manèges carrés, les buvettes, et les café du Commerce des réseaux sociaux. Pas de message, pas d’esclandre. « Rien qu’une larme dans tes yeux. C’est toujours ta seule réponse. Quand je te dis qu’il vaudrait mieux, ne plus se revoir nous deux », merci Mike, on a compris la procédure ! La dédiabolisation a réussi à merveille. Dans les salles de rédaction, de presse écrite ou télévisée, le sujet n’est plus de savoir si on invite le RN ou Renaissance pour l’interview de demain ou le début du soir. C’est une évidence, le bon peuple n’aime pas la controverse ou alors celle qui l’arrange. Il préfère la schlague et l’ordre plutôt que la fête pour tous ses voisins parce que, pour lui, c’est pas pareil. En rassemblant les mots, pourtant, on peut voir les choses autrement. A condition de comprendre ce que l’on lit, évidement.
Bérurier comme l’acolyte du commissaire San Antonio, fameux flic sorti de l’imaginaire de Fréderic Dard. Cet inspecteur rustique pour le moins, grossier et vulgaire pour le plus, misogyne un temps soit peu, remplissait toutes les cases du beauf parfait. Noir, c’est la couleur devenue honnie par les uns, magnifiée par les autres, qu’on peut tout juste prononcer sous peine de discrimination. Les deux mots assemblés cela donne Bérurier Noir et ça change tout. Rien que d’associer les deux mots doit encore frémir dans les chaumières des bien pensants, des pisses-froid et autres conservateurs d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître et que ceux qui ont un peu plus, nettement plus, beaucoup plus ont déjà oublié. Punk attitude et riffs acides le groupe sus-nommé lançait, à la fin des années 80 (du siècle dernier) « plus jamais de 20 % » et « la jeunesse du monde emmerde le Front National ». Pourtant, quasi quarante ans après, l’album Porcherie ne passerait plus sur les ondes. Hors de leurs concerts, les Béru se feraient lyncher sur les réseaux associaux et traité d’Islamo-gauchistes par une horde de trolls dont la présence d’une seule ombre sur un mur leur cause des problèmes gastriques.
Les trentenaires qui chantaient avec les Béru sont devenus des boomers. Ils espéraient probablement changer le monde et ils l’on fait à leur manière. Ils ont oublié de s’appuyer sur le passé pour créer un demain merdique à souhait où on ne veut conserver que des rêves fantasmés pour objectifs. Une réalité alternative dont des branle-bouillis plus ou moins instruits, mais fortement manipulateurs et souvent un peu mythos, se sont emparés au détriment de tous les autres. Ces autres que l’on préfère stupides plutôt qu’instruits. Ces autres que l’on préfère endoctrinés plutôt que de libre pensée. Ces autres que l’on préfère dépendants plutôt qu’autonomes. Ceux-là même qui ont besoin d’un guide, un gourou, un maître, un dieu n’ont jamais vu, ou simplement compris, les Chevaliers du Ni, le sketch des Monty Python. Pourtant Blanqui en a fait une référence.
Voilà bien des rapprochements que l’IA sera infoutu de faire, quels que soient les algorithmes. Pourtant cela aurait été rigolo…

Fabrice Simoes