Métal hurlant


Un éclat de rire. Une cigarette qui s’allume. Un verre qui tombe. Une tête qui penche inexorablement. Des corps qui s’étalent sur le trottoir. Le sang rouge des uns coule. Une ola qui fait le tour des tribunes. Un ballon qui roule. Une explosion qui déchire la nuit. Un passant qui s’affaisse à la porte d’un stade. Le sang rouge du pauvre bougre coule. Une grasse basse qui abrase la rythmique. Un chant qui hurle sa vigueur. Une guitare qui s’éteint. Une rafale qui éclaire la pénombre.  Des corps qui tombent devant la scène. Le sang rouge des autres coule… Il n’a pas fallu un an pour que les cons reviennent nous prouver qu’ils sont toujours là. Cette fois, même plus besoin de se trouver une excuse religieuse pour être encore plus cons qu’avant ! Le sang de tous était rouge.
Dieu reconnaîtra les siens et tombe Djamila, Pierre, Marie, Kheireddine, Nohemi, Hugo, Asta, des Français, d’autres pas Français. Des Chrétiens, d’autres qui l’étaient moins. Des Musulmans, d’autres qui n’en avaient que faire. Des gens d’ici et d’autres de là. La connerie a cela de particulier qu’elle représente la négation de tout et la volonté de rien. Ce n’est même plus du nihilisme tant ce rien est en dessous du seuil minimum d’humanité. Frères et sœurs croyants en l’Islam sont tombés comme sont tombés ceux qui avaient décidé de n’avoir ni Dieu, ni maître. Un seul lien tenu les a reliés pour l’éternité en cette soirée funeste : personne n’avait choisi de mourir ce week-end de novembre. On a beau chercher, aucun n’avait dessiné le prophète. Peut-être une bière de-ci, de-là. Peut-être un peu de rouge aux ongles, aux lèvres et aux joues. Peut-être un jean moulant. Cela ne vaut pas pour finir face à un peloton d’exécution.
Quand on se dit que 130 personnes, malheureux décompte, ont été assassinées à l’occasion de la journée mondiale de la gentillesse on peut craindre le pire quand va arriver le jour dédié à la connerie … Mourir pour avoir rencontré des copains, mourir pour cause de visage féminin livré au grand public, mourir parce que le son est bon, mourir parce que la France c’est Liberté, Égalité, Fraternité. Tout ce que ces trou-ducs du Vendredi 13 ne peuvent supporter .
Rien n’est dû au hasard dans le choix de la ville lumière. Ce n’est pas la religion qui est concernée, même pas un mode de vie. C’est un simple antagonisme entre le vide intersidéral d’une non-vie, d’une non existence,  et la matière brute d’un éclat de rire ou de rencontres. Une vraie vie où on peut encore dire bonjour ou m…e à son voisin, selon que l’on ait, envers lui, quelques animosités ou pas. Un mode de vie qui lui permet de répondre que c’est celui qui le dit qu’y est, s’il est du genre gentil, ou va te faire voir chez les Grecs, s’il a fait des recherches historiques.
Et nos politiques de se rassembler, une fois encore. Pas assez longtemps, c’est bien dommage. Les uns parlent. Dans l’ensemble plutôt bien pour une fois. Les autres se taisent, ce qui ne les empêchent pas de raconter des âneries en aparté, vite rapportées par des subalternes, avocats du diable commis d’office. Les explications du pourquoi, du comment, chacun a les siennes.
Évidemment, il ne faut surtout pas cataloguer les uns dans une rubrique qui n’est pas la leur, et les autres sur un piédestal sans fondement. La rhétorique est par trop simpliste. Un barbu n’est pas forcément un extrémiste fondamentaliste prêt à jouer de la Kalachnikov. Surtout au moment du Movember* où parfois la barbe supplante la moustache. Une chose est certaine, un agent de la maréchaussée derrière chaque individu suspect ce n’est pas possible. Minority Report n’existe pas. S’il existait, délicat de l’appliquer sans que cela ressemble, à minima, à un état policier, à maxima, à une dictature. On annonce 5000 fonctionnaires, policiers ou gendarmes, en plus, pour aujourd’hui ou à peine pour demain. C’est bien. Cela ne compense même pas la moitié de ce qu’avait supprimé, en son temps, le prédécesseur de François 4, le petit Nicolas, le gars qui a oublié qu’il n’est plus président mais qui voudrait le redevenir. Selon le Figaro, un grand journal de gauche comme chacun le sait, entre 2007 et 2012, ce sont 12 000 postes passés sous ses fourches caudines des finances Sarkozyenne. Cherchez l’erreur …
Notre réaction doit être à l’image de celle de l’humoriste John Oliver, sur une télé anglo-saxonne « Si vous vous attaquez à la culture et au style de vie des Français, bonne chance ! Amenez donc votre idéologie de merde, et ils vous répondront par Jean-Paul Sartre, Édith Piaf, du bon vin, des cigarettes de marque Gauloises, Camus, du camembert, des madeleines, des macarons, Marcel Proust, et une putain de pièce montée. Vous êtes foutus ! ». A titre personnel j’ai arrêté les Gauloises et je suis pas vraiment fan de Piaf mais pour le reste, ça me va. Si on pouvait ajouter quelques broutilles comme refaire au comptoir d’un troquet l’équipe de France de foot ou celle de rugby, manger du foie gras et des huîtres un jour, même des escargots, libanais le lendemain, et un couscous le surlendemain, regarder les filles, regarder les gars, raconter des histoires, rigoler … à la terrasse d’un bistrot boire une bière, devant tout le monde …
Et envoyer du Métal à plein les baffles. De l’ACDC pur jus qui fait de Satan un copain de sortie façon Hells bells. Du Black Sabbath ou du Led Zeppelin  pour les anciens. Du Eagles of Death métal comme au Bataclan. Pour faire du bruit. Pour faire de la musique. Pour faire du métal hurlant à balancer  à travers la gueule de tous ces connards.
Fabrice Simœs
 
 
* Action en faveur de la recherche sur les cancers masculins, celui de la prostate entre autres..