« Moi, présidente »…

L’inspiration s’amorce quelquefois d’une somme toute banale conversation entre amis. Et là, un sujet en entraînant un autre, nous voilà arrivés à un dossier de prédilection personnelle, la politique ! Et il faut bien en convenir : en Loir-et-Cher, particulièrement, la fin de cet été et le début de cette rentrée 2020 furent gratinés en termes de débats politisés et d’universités d’été. Le Parti socialiste pour commencer fin août à Blois avec son « Rendez-vous d’après », avant « la République fédérée » de l’Union des démocrates et indépendants (UDI) les 11 et 12 septembre à Vendôme. Entre deux, un ministre Le Maire en goguette à Cheverny, au test Covid positif trois jours plus tard… Sans oublier, en conclusion, la fête de la Violette des Républicains (LR) en Sologne, sans Jean-Louis Borloo pourtant annoncé, le 19 septembre, jour sur le calendrier de la Sainte… Émilie, bouclant le bal de manière quasi prédestinée ! Selon notre ami, « Et, pourquoi pas, Émilie présidente ! Avec toi, au moins plus d’empathie et d’humanité assurées. » Certes. Passées ces fantasmagoriques considérations, oui mais… et, pourquoi pas ! La gent féminine manque récurremment à l’appel, non ? Et si c’était ça la politique 3.0 ? Oui, mais aujourd’hui comme hier, beaucoup d’appelés pour peu d’élus ; ils et elles sont effectivement fort nombreux à se presser devant le portillon suprême pour LE fauteuil. Que ce soit à Blois, Vendôme ou à La Marolle cette rentrée, une même ritournelle : « Nous à l’UDI… Nous au PS… Nous chez les LR… » Donc « moi présidente »?.. Si il est de plus en plus reproché aux médias de ne ronger que les os à sensations, les hommes et femmes politiques naviguent encore et toujours entre comédie pailletée et culte du Moi. « Aimez-moi, aimez-moi, aimez-moi ! » Des eaux troubles de divertissement qui ne sont pas nouvelles mais accrues par les réseaux sociaux, où chacun peut suivre à l’envi sur Facebook la cuisson des croque-monsieur du maire PS de Blois, Marc Gricourt dans le four familial. Tout comme la partie de pêche en étang, en ruralité, du député LR Guillaume Peltier, tantôt torse nu, tantôt en short et t-shirt à l’envers, en compagnie de son trop choupi Irish terrier de 4 mois, Milo. Sans oublier les shows du roi « Momo » ; l’exil volontaire en Russie de l’ancien ministre de la Ville sous Sarkozy rend ses rares apparitions en Loir-et-Cher dignes des déplacements de la Madone ou de la reine d’Angleterre. Si nous ne savions pas d’emblée qu’il est bien question d’élus, nous pourrions songer à des candidats de télé-réalité narrant leurs vies à leurs fans en admiration derrière un écran empli de virtuosités virtuelles d’un goût parfois discutable. Et encore, nous ne sommes pas au pays de l’oncle Trump ! C’est assurément l’effet pervers d’un besoin accru de proximité exigée des citoyens face à des élus perçus trop technocrates et éloignés du quotidien du commun des mortels. La bête à manger du foin est de retour, et même, en sens réciproque, la poêle se moque souvent du chaudron. Alors, « moi présidente »… Pas si utopique en y songeant car les codes sont finalement aisés à adopter par simple mimétisme, sans nul besoin d’avoir au préalable usé ses fonds de culottes sur les bancs de l’ENA. Taper avec des mots acérés comme des rasoirs sur son voisin de gauche si on est de droite (et compagnie), fulminer contre le président de la République en place (surtout s’il n’est pas du même bord), se mettre en scène sur la Toile, sans frontière entre sphère publique et privée, et aussi et de surcroît, pour les prétendant(e)s au titre, une donnée d’importance à saisir dans son logiciel conquérant : les hommes et femmes politiques sont tous et toutes des fondu(e)s d’écologie. Que ce soit à Blois, Vendôme ou à La Marolle cette rentrée, de Valérie Pécresse à Olivier Faure, en passant par Jean-Christophe Lagarde, ils et elles ont tous et toutes rappelé que leur engagement en la matière ne datait pas d’hier. Naturellement, et évidemment en sus, avec un grain d’herbe davantage verdi et moins fouettant que le pré de l’adversaire d’à côté. Alors, « moi présidente »… Car il serait parfois donné de rédiger en amont ces discours-ci si prévisibles. Et en partie, c’est ce spectacle attendu, dont on devine la fin du vaudeville dès les premières minutes, qui crée des bulletins de votes davantage boudés. Et en sus, les étiquettes deviennent aussi inextricables et inconstantes que les règles en époque de coronavirus : oui l’union mais non, pas eux, puis si pour ces masqués, puis mouais mais c’est compliqué, et caetera. Une mère canard n’y retrouverait pas ses petits, mais des stratégies, oui ! Et en définitive, un éternel recommencement aux lignes sursautant au gré du pouvoir tant convoité, mais désespérément immuables. Décisivement, ridé comme le monde. « Le monstre, que l’on croit l’exception, est la règle. Allez au fond de l’histoire : Néron est un pluriel » (Victor Hugo). Il ne manquerait plus dans ce marasme français de devoir porter un masque lors d’intimes ébats, à l’instar de la recommandation canadienne. Alors dame, allons se faire voir chez les Grecs ! Pourquoi pas, amphibologiquement parlant (vous chercherez), « moi, Andromaque » ! Mais évitons d’accroître le réchauffement climatique, car en définitive, nous présidons tous et toutes une époque formidable…

Émilie Rencien