Après avoir couru le monde, Charlotte reprend pied en terre berrichonne


PORTRAIT Quand vous avez choisi de vous rendre à la Reculée, un bout du monde entre le village de Montigny situé à l’écart de la route de Bourges, serti par les premières vignes du Sancerrois, et les hameaux du Haut et Bas Fouillet d’Azy, vous ne savez pas très bien ce que vous allez trouver au bout de la route…
Marie du Berry

Charlotte Gressin Welsch

Sinueuse, la route semble vouloir vous perdre et vous conduire vers nulle part, enfin vous tombez sur des toits de ferme gondolés par le temps puis sur un parc inattendu et touffu, vous repérez enfin le macaron des gîtes de France sur votre droite. C’est là, vous êtes arrivés ! Vous entrez dans une immense cour bordée par de vastes bâtiments d’un corps de ferme, une belle longère berrichonne capte votre regard, surtout que ses volets rouge vif hésitent entre la framboise et le coquelicot sur un rideau de vigne vierge verte. Une jeune femme apparaît telle une sylphide, ses yeux de biche vous sourient, elle vous tend la main : «  Charlotte ! » D’emblée, vous êtes conquis et vous sentez que votre hôtesse est heureuse, heureuse d’être là et à nouveau ancrée dans la terre de ses ancêtres. Elle a repris racine. « C’était quoi, ici, avant ?  » ont questionné pendant 30 ans, les hôtes qui débarquaient chez sa mère, une pionnière du tourisme à la ferme, car ici, ni veaux, vaches et cochons, ni tas de fumier, mais de luxueuses chambres d’hôtes dans une maison d’architecte.
Le décor est planté. Babeth, sa mère a pris sa retraite et Charlotte après avoir bourlingué, sac au dos dans les pays d’Amérique du Sud, s’être posée quelques années pour faire de la coopération en Afrique et en Outre-mer, a décidé de prendre le relais. Pas vraiment une pionnière dans un monde d’hommes, Charlotte, mais une pionnière à sa manière, qui a choisi de faire un retour à la campagne plutôt reculée et de vivre dans les bâtiments de la ferme de son arrière-grand–père, tout en continuant d’accueillir des hôtes dans 5 chambres et un gîte de 14 personnes. Indépendamment de cette infrastructure, elle a aménagé avec son mari dans une grange, un appartement d’un style très contemporain, pour y faire son nid et y élever ses enfants. Après avoir suivi des études en animation socio-culturelle à Lille, être partie travailler à Cuzco au Pérou, fait du volontariat au Niger dans un centre de jeunes et enseigné en maternelle chez les petits, « là, j’adorais ! », elle rencontre « Seb » son futur mari, ils terminent ensemble leur périple à Madagascar à l’Ecole française et dans une ONG environnementale. Rentrée en France en 2013, elle reprend des études et fait un master en tourisme et développement durable ; enfin après mûres réflexions, elle choisit de prendre la suite de sa mère en 2015, refaçonne ses 5 chambres d’hôtes, en y apportant une touche personnelle qui s’inspire de ses différents voyages.
Comment reprend-on pied dans le Berry après avoir tant bourlingué dans une campagne aussi reculée ? Elle me répond : « Pourquoi chercher ailleurs ce que l’on a ici » dit-elle. On fait partie d’un mouvement de ces jeunes couples trentenaires qui ont décidé de vivre à la campagne, pour y élever leurs enfants au grand air et avec de l’espace, en plus on renoue avec l’histoire familiale, le fait que l’on soit revenu dans la ferme de l’arrière-grand père, il y a une âme, d’ailleurs quand je raconte cette histoire à mes hôtes, cela les émeut beaucoup ! »
Mais le Berry comme beaucoup de régions est en voie de désertification, tous ces villages qui ont perdu leurs commerces et toutes ces maisons fermées ou à vendre, les soins de santé problématiques …La région du Sancerrois et de Morogues a hyper changé, le combat contre la ligne TGV a fédéré les énergies et mis en lien les gens, on trouve beaucoup de projets alternatifs et de maraichage bio, on vient même de créer un restaurant solidaire à Morogues !
Ce n’est qu’un frémissement ? Oui un frémissement prometteur qui est porteur d’espoir !
Et vous, qu’avez-vous apporté par rapport à ce que proposait votre mère dans ses chambres d’hôtes ? J’ai mis ma patte au niveau de la décoration et de l’accueil, j’ai voulu avant toute chose que les chambres soient gaies, claires et reposantes, confortables aussi dans un style plutôt monde. J’organise aussi des spectacles, des concerts et des stages que je propose à mes hôtes et aux amis de la région, mais Babeth ma mère m’a tout appris… à gérer, à cuisiner surtout, maintenant j’adore ça, je fais une cuisine colorée qui s’inspire des pays où j’ai vécu mais qui se base toujours sur des produits locaux et du terroir et utilise les légumes de mon jardin. Je fais table d’hôtes tous les samedis soir, c’est essentiel pour établir de vraies relations et leur parler du pays, et en semaine, je propose des assiettes que je varie en fonction des produits de saison. Je m’investis aussi dans un réseau de partenaires qui relie les producteurs, les viticulteurs, les prestataires touristiques et puis j’élève mes enfants. J’ai même trouvé un emploi à tiers temps dans le secteur de la petite enfance car j’adore les petits.
Vous avez beaucoup d’hôtes qui viennent à la Reculée ?
Je tourne bien l’été avec mes chambres d’hôtes, par contre je ne loue le gîte que de septembre à juin, souvent les weekends pour des « cousinades », des fêtes de famille, c’est très demandé et c’est mieux pour l’organisation car je fais tout moi-même, la cuisine, servir les repas sans oublier le ménage des chambres et les lits.
Vous ne regrettez pas du tout votre choix d’être revenue à la Reculée ?
Absolument pas ! De plus, mon mari a trouvé un emploi à Bourges qui lui plaît. Moi, j’ai choisi le statut d’auto-entrepreneur. Ce qui est essentiel, c’est que notre vie soit en harmonie avec nos valeurs de partage et de solidarité et ce qui compte beaucoup pour nous, c’est notre qualité de vie dans le respect de l’environnement et d’une alimentation saine!
Et comment cela se passe pour vos jeunes enfants ?
Nous avons la chance d’avoir un minibus qui passe chercher ma fille de 7 ans, le matin pour la conduire à l’école du village et qui me la ramène le soir, mon fils est encore à la crèche du gros bourg d’à côté. On s’organise bien sans faire trop de kilomètres.
Je vois ma chère Charlotte que c’est tout à fait possible de bien vivre à la campagne même reculée dans le Berry et surtout en harmonie avec ceux qui vous ont transmis leur héritage de pierre et de terre !
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