Le confinement, la presse, la télé et tout ça !


Cette sale et mauvaise histoire de pandémie n’est pas une sinécure pour un billettiste, si modeste qu’il soit. Pourquoi ? Parce que s’il veut éviter d’être happé par les nouvelles dominantes qui occupent la scène médiatique mondialisée afin d’aborder, en biais, avec la provocation qui sied à ce genre d’exercice, des sujets d’actualité peu communs, il doit s’échapper des informations quotidiennes (il faut dire « l’information quotidienne » car il semble qu’il n’y en est plus qu’une) pour trouver un thème qui prête le flanc à une certaine polémique. Or, ces temps-ci, les sujets répondant à la définition du « billet d’humeur » ne sont pas légion. Rendez-vous compte ! Depuis des mois, la Covid-19 polarise toutes les attentions journalistiques qui, plusieurs fois en une seule et même journée, exigent et parfois dans la démesure, un traitement obligatoire de « l’information » sur ce foutu virus au point de saturer les esprits citoyens. C’est essentiellement la presse audiovisuelle publique et privée avec ses chaînes d’infos continues qui contribue à donner ce sentiment curieux qui laisse penser aux auditeurs et téléspectateurs que la seule actualité à relater au public est la Covid 19. La politique étrangère, les conflits guerriers et ses milliers de victimes, les famines et les évacuations d’expatriés, femmes et d’enfants relégués dans des camps de réfugiés, la misère et la pauvreté planétaires, les méfaits toujours plus graves du réchauffement climatique ? On n’en parle plus, enfin presque plus. La Covid est la seule préoccupation des médias et le thème sature les antennes d’autant plus que le renouvellement des angles traités par la presse est difficile et conduit les rédacteurs et présentateurs, aussi talentueux qu’ils soient, à se répéter sans cesse. Ainsi, depuis le mois de mars, les journaux traitent de façon statistique et avec des tableaux démonstratifs en couleurs les courbes montantes, stagnantes et descendantes du nombre de nouveaux cas des confinés, des hospitalisations, des réanimations et des morts dus à la maladie. Les conséquences de la pandémie, sous toutes ses formes, n’échappent pas non plus à la sagacité des observateurs professionnels qui, chaque jour voire d’heure en heure, nous rapportent sans cesse l’irresponsabilité des comportements de français et françaises qui n’appliquent pas les « gestes barrières », notent l’évolution comparée à d’autres pays du nombre de cas Covid et, évidemment commentent ses effets et répercussions sanitaires, économiques et depuis peu ses impacts importants sur la santé mentale de nos concitoyens qui s’est « significativement dégradée entre fin septembre et début novembre » nous a affirmé récemment le ministre de la santé, Olivier Véran. Ajoutons à tout cela l’espoir collectif d’une possible et proche campagne de vaccination qui a donné du grain à moudre aux chroniqueurs, éditorialistes et reporteurs enfin bien heureux de pouvoir disserter, loin des thèmes habituels qu’ils ont usés jusqu’à la corde, sur la compétition des laboratoires pharmaceutiques français, allemands, chinois et américains, sur l’efficacité du vaccin soumis, pour le transporter avant de l’injecter, à des températures de moins deux à moins quatre-vingt degrés Celsius sans omettre, pour occuper les antennes sous une autre forme, afin de ne pas trop lasser le grand public, de lancer des débats entre « experts » qui défilent, les uns après les autres et du soir au matin (rarement les mêmes) sur les plateaux de télévisions et dans les studios de radio. Des prestations publiques et très savantes qui ont fait découvrir à beaucoup d’entre nous que la France est dotée d’une quantité insoupçonnée (avant la pandémie) de « grands pontes » en tous genres, spécialistes de l’épidémiologie, de l’infectiologie, de biologistes, d’infectiologues etc. et qui, selon les écoles auxquelles ils appartiennent, sont ou pas favorables à la vaccination libre ou obligatoire. Bref, lorsque l’information nationale et internationale occupe de telle façon la scène médiatique que reste-t-il à un billettiste de province rétribué, en principe, pour dire « son » humeur comme l’indique en têtière de la deuxième page le « Petit Solognot » ? Rien ! Pas grand-chose en tout cas. Mais faisant le constat que les « confinés » que nous sommes ne peuvent pas beaucoup se déplacer, visiter de la famille ou des amis, boire un p’tit noir au zinc du bistrot préféré, se rendre au théâtre au cinéma, chez le libraire ou faire toutes ces choses simples qui appartiennent à la vie quotidienne, l’idée est venue de rédiger le « billet d’humeur » d’aujourd’hui sur la télévision. La situation actuelle n’invite-t-elle pas, en effet, à s’asseoir devant un petit écran, une distraction à portée de tous et surtout à nos plus anciens aînés bien calés dans un fauteuil ? Une façon d’oublier les tracas d’aujourd’hui. Regarder un bon film, apprendre des choses de la nature, de la faune et des mystères de la vie ou rire avec on ne sait quelle comédie heureuse qui rehausse le moral, c’est formidable. Ce serait formidable mais c’est impossible. Pour préparer ce fameux « billet » qui devait être consacré à la détente télévisuelle (exception faite des journaux d’information) il suffisait de consulter les programmes et d’être un tantinet critique pour le pimenter. Mais qu’offre la télévision ? Des drames, des crimes, de l’action violente, du « sexe en Russie (sic) » ; des enquêtes sur le « mal vivre en banlieue » ; des reportages sur la Covid tel que, par exemple « le virus est dans les comptes » des restaurateurs ; des prestations de jeunes gens écervelés, tatoués, bronzés qui se haïssent et s’insultent au bord d’une piscine et sous le soleil de Marseille ; et, attention, il s’agit d’une téléréalité – nous dit la production- diffusée aussi, en direct, sur Youtube, il y a aussi « Les vierges sous serment en Albanie » et tutti quanti. Alors, tant pis ! Un billet d’humeur sur le bonheur de regarder la télévision en temps de confinement sera pour un prochain numéro du « Petit Solognot ». Promis.

Éric Yung