Le ridicule ne tue pas


Il serait, bien sûr, de bon ton de nous entretenir cette semaine du sempiternel thème qu’est la Covid 19. La matière ne manque pas tant chaque jour l’exécutif -dont la tâche, il est vrai, n’est pas facile- se prend les pieds dans le tapis par des effets d’annonces de toutes sortes mais qui sont si souvent contradictoires et peu cohérentes au regard d’une rigueur qu’impose la situation sanitaire, que même un romain y perdrait son latin. Mais quel est, aujourd’hui, l’intérêt de disserter (encore et encore) sur les loupés d’hier tels, en début de pandémie, le manque cruel de liquide hydro-alcoolique, les doctes discours selon lesquels le port du masque était inutile, affirmations érigées en mensonges d’État, les lieux à ou ne pas confiner, les fermetures d’école, etc. ? Et nous pourrions ironiser, si la situation n’avait pas un caractère de gravité, sur les cafouillages aussi étranges que mystérieux concernant des contrats passés par la France avec des laboratoires pharmaceutiques qui ont mené l’Europe à la pénurie de vaccins ? Non, bientôt, ces « bévues » n’en seront plus et les choses vont s’améliorer. Qu’on se le dise ! Ainsi, il est inutile de dire notre mauvaise humeur dans un billet éponyme sur ce qui a été une détestable et mauvaise gestion politique et administrative du début de la crise sanitaire. Et puis, admettons-le, la Covid et ses déclinaisons martelées, d’heure en heure, par la classe médiatique façon de nous dire « rentrez-vous bien ça dans le crâne » nous exaspère. Changeons donc de sujet !
Souvent, quelques-uns d’entre nous, citoyens ordinaires dont on ne peut remettre en cause la bonne jugeote, nous savons distinguer – de temps en temps et heureusement encore ! – les choses importantes de celles très secondaires de l’actualité. Cependant, si nous sommes très souvent confrontés à des phénomènes insignifiants, ils nous sont présentés -matraquage télévisuel et messages publicitaires obligent ! – comme des choses essentielles au point où nous sommes attirés par le miroir aux alouettes. Or, en notre for intérieur, le bon sens nous indique que tout cela n’a, sur le fond et la forme, aucun intérêt et que c’est insensé voire ridicule. Il en va, par exemple, des « influenceurs », vous savez ces très jeunes gens, parfois des enfants qui, par on ne sait quel pouvoir magique, nous incite à acheter tel ou tel produit. « Influenceur » est leur métier et, paraît-il, que l’activité est très lucrative puisque ces gens-là, enfin, nous affirme-t-on, seraient riches à millions. Hallucinant, n’est-ce pas ? Autre exemple : vous avez cette jeune femme aux fesses redondantes et à la poitrine opulente qui fait régulièrement la « une » des journaux dits « people ». On ne sait d’ailleurs pas pourquoi hormis qu’elle est, nous dit-on, « une personnalité médiatique » (sic) et qui, c’est important de le souligner ici, vient de recevoir en cadeau à l’occasion de sa demande en divorce un « sex-toy », un luxueux vibromasseur « double face » gravé à son nom et accompagné d’une bougie « senteur d’orgasme », soit un ensemble de 150 dollars. Une information incontournable qui nous est rapportée, avec sérieux, dans le dernier numéro du « Figaro Madame ». Ce n’est pas une blague. L’information est vraie. Ainsi, les consommateurs que nous sommes seraient si influençables et idiots qu’après avoir « liké » nous nous précipiterions, sur les conseils de cette dame, dans les boutiques pour acheter le même pantalon ou chandail, ou acquérir le godemichet présenté dans le luxueux magazine dominical et ce, au nom de la « personnalité médiatique » en question ? Est-ce possible, vraiment ? Mais ce ne sont ici que des échantillons de l’idiotie ambiante. Le comble de la mégalomanie, de l’égotisme et du narcissisme, en un mot de la bêtise, a été franchi cette semaine par un bon vieux gars, bien de chez nous : Michel Drucker. Le père de tous les animateurs de télévision, âgé aujourd’hui de 78 ans, nous a fait savoir qu’il revenait (tout le monde ne savait pas qu’il était sorti du p’tit écran) à l’antenne. Bon, rien de plus banal pensez-vous peut-être ? Pas vraiment. En effet, après nous avoir informé que le père de tous les animateurs de télévision revenait de l’antichambre de la mort, rescapé d’une intervention chirurgicale pour un double pontage, le brave public que nous sommes a été convié à le retrouver, le Michel. Ainsi, pour annoncer le retour du papi prodige, des chaînes publiques ont diffusé, aux heures de grande écoute et durant plusieurs jours, un « clip » formidable. Les images étaient fortes. Elles montraient un pédalier de vélo d’intérieur qui tournait à grande vitesse, animé à la force des mollets par un mystérieux cycliste. Puis, dans un deuxième temps, le pédaleur énigmatique apparaissait en homme tronc (évidemment) à l’écran. Eh bien, c’était lui, c’était Michel Drucker ! En quelques secondes il nous expliquait qu’il revenait de loin mais qu’il était de retour. Il nous invitait à le regarder à l’antenne pour la relance de son émission du dimanche après-midi suivant. Ce n’est pas tout. Pour conforter l’idée que Michel serait bien présent le jour dit, d’autres animateurs et présentateurs de la télé l’ont invité en plateau. Presque étonnés de le voir vivant, les intervieweurs admiratifs ne se lassaient pas de rappeler qu’il s’en était bien sorti, que l’épreuve traversée était difficile mais que sa force de caractère l’avait fait triompher de l’épreuve. Et à la star ressuscitée de raconter d’un air contrit, les traits du visage un peu tirés, qu’il avait cru, vraiment connaître la fin… Oh, que c’était émouvant ! Reste que si toutes les personnes ayant subi des pontages et autres opérations de chirurgie cardiaque qui, certes ne sont pas anodines, devaient occuper les antennes du service public pour nous clamer qu’ils vont bien, il n’y aurait plus de place pour des « chiffres et des lettres », émission née quasi en même temps que Michel. Ce retour était très important à savoir. Et le Petit Solognot associé à la bonne nouvelle souhaite à monsieur Michel Drucker tous ses bons vœux de rétablissement.

Éric Yung