Mais que peut faire la police ?


La « présidentielle » et son officieuse campagne électorale sont lancés depuis quelques semaines déjà. Les candidats à la fonction suprême rivalisent d’imagination – et de plus ou moins d’originalité – pour, à travers un programme politique énoncé, se démarquer des uns des autres. Notons pourtant, que les aspirants à l’Élysée et qu’ils appartiennent à la droite extrême, à la gauche la plus radicale en passant par le centre et les verts, ont tous un point commun : ils se veulent être le chantre de la sécurité des français. Et à chaque représentant d’une tendance politique d’affirmer qu’il a « sa » ou « ses » solutions pour mettre fin à la montée (puisqu’il en serait ainsi) de la criminalité et de la délinquance. Il est vrai, que ces derniers temps, les violences de toutes sortes ont occupé les pages des quotidiens et magazines et nourri les images, parfois aussi inquiétantes que spectaculaires, diffusées par les télévisions. On est loin de l’époque quasi-tranquille où monsieur Chevènement, ministre de l’intérieur – c’était en 1999 – nommait de « sauvageons » une partie de la jeunesse désœuvrée qui se livrait quotidiennement à des exactions sur les biens publics et s’affrontaient aux forces de l’ordre. Aujourd’hui, on défouraille, on s’affronte armes à la main entre bandes, on ouvre le feu à la « Kalachnikov » en pleine journée parmi la foule présente sur les agoras des cités de banlieues, on tire sur des flics (et les exemples seraient nombreux à citer) pour pouvoir prendre la fuite, on brûle des voitures de police tandis qu’un gardien de la paix est au volant, on incendie les bus, on caillasse les pompiers et les médecins qui portent secours aux habitants des quartiers. Le registre du crime et de la délinquance n’est plus le même que celui des années quatre-vingt-dix. Devant ce constat faut-il affirmer que la criminalité urbaine, dont on dit qu’elle serait liée au marché de plus en plus conséquent de la drogue, devient exponentielle ? Les statistiques officielles du Ministère de l’Intérieur tendent à démontrer que les chiffres des infractions pénales en France doivent être nuancés et interprétés avec prudence. En effet, si – par exemple – les violences sexuelles sont en constante augmentation (plus 12 % en 2019 et plus 3% en 2021), que les coups et blessures contre les personnes sont aussi en hausse, en revanche notons que les homicides (en 2020) sont en baisse, il en est ainsi des cambriolages qui, toujours en 2020, ont chuté de 20%. Reste une réalité : voir, à l’heure des journaux télévisés, des voyous enlever dans la rue, au vu et su de tous les passants, un homme de 25 ans, l’enfermer dans le coffre arrière d’une voiture et apprendre ensuite que la victime a été brûlée vive, regarder sur l’écran des jeunes cagoulés tirés avec des armes de guerre sur une bande rivale etc. sont des images qui choquent et effrayent l’opinion publique. Il est donc facile pour les « politiques » de s’emparer de ces scènes terribles et inquiétantes et de dire qu’ils donneront, lorsqu’ils seront au pouvoir, les moyens à la police nationale d’y mettre fin. Un discours entendu à chaque élection présidentielle mais qui n’est pas suivi des faits. Et pour cause ! Les gouvernements successifs, et depuis Giscard d’Estaing jusqu’à Emmanuel Macron, ont – malgré eux – déstructurer lentement mais sûrement l’institution policière. La raison ? De l’aveu de l’ancien président Nicolas Sarkozy, « faire des économies ». Ainsi, durant son mandat -et les chiffres sont aujourd’hui incontestables – Nicolas Sarkozy après l’avoir nié a reconnu -c’était le 27.10.2016 sur l’antenne de « RMC » – avoir supprimé 13000 policiers et gendarmes, il a aussi supprimé les « Renseignements généraux » un service qui a, certes, connu quelques scandales mais qui était les yeux et les oreilles, en particulier sur Paris et sa région, de nombreuses brigades spécialisées dans la lutte contre la drogue et le terrorisme intérieur. Conséquence majeure déplorée aujourd’hui par les policiers : il n’y a plus (ou très peu) d’informations sur l’organisation des bandes habitant les cités. Le Président Sarkozy, à tort ou à raison, a également balayé d’un revers de manche et dès le début de son mandat, « la police de proximité », ce qui a provoqué chez les gardiens de la paix et officiers de sécurité publique un désarroi supplémentaire chez des gens qui, à l’époque, manifestaient dans la rue pour dénoncer les « manques de moyens » (voitures usagées, armement vieillissant et pénurie des effectifs). Ses successeurs, dans la même logique de « révision générale des politiques publiques », ont, plus ou moins continué, par des réformes continuelles et souvent contradictoires, et selon des responsables syndicaux, à « démoraliser les troupes confrontées à un manque de moyens tandis que les missions deviennent plus lourdes et nombreuses ». Et là où le bât blesse est dans le budget général de la police. En effet, et c’est à peine croyable, Frédéric Péchenard, ancien directeur général de la police nationale, révèle dans son livre, « Lettre à un jeune flic » paru aux éditions Taillandier, que… 90 % du budget du Ministère de l’intérieur est consacré à la masse salariale. Autrement dit, il reste 10 % de l’argent public pour équiper les policiers, financer les missions et renouveler les matériels. Dès lors, les hommes et femmes politiques peuvent clamer haut et fort qu’ils vont combattre la violence des rues et la criminalité organisée, mais -sincèrement – que peut faire la police ?

Éric Yung