Messi, la Covid et la routine télévisuelle


Le fameux Messi, Lionel de son prénom, est arrivé. Personne n’a pu l’ignorer tant le battage médiatique et tout particulièrement la télévision a mis son transfert, qualifié d’inédit, sous les projecteurs de l’actualité. Rien n’a échappé à la sagacité journalistique : Messi est parti de Barcelone, Messi est dans l’avion, Messi a posé les pieds sur la terre de France, Messi a fait son apparition au « P.S.G », Messi salue, pour la première fois, ses supporters… Le 10 août dernier, en moins de 24 heures, hormis la marque de ses slips, on a tout appris sur le footballeur originaire d’Argentine et longtemps joueur d’une équipe espagnole. La presse, dans son ensemble, mais surtout les journaux télévisés, nous ont appris sa condamnation par le tribunal suprême espagnol à payer 4,16 millions d’euros pour fraude fiscale, le montant pharaonique de son transfert, celui de son salaire qui serait, paraît-il, de 120 millions d’euros pour seulement deux saisons sans omettre le chèque supplémentaire de 163 millions qu’il empochera s’il veut bien (eh oui, il hésite encore ce jeune garçon) jouer une troisième année dans le club parisien. Si l’on peut comprendre et admettre l’engouement des télévisions qui ont bouleversé les programmes pour imposer des éditions spéciales consacrées au champion et soutenu par un large public qui paiera jusqu’à 1000 euros – selon la plate-forme « Ticket-place – un billet d’entrée au stade, on est en droit de s’interroger – au moins un peu pour ne pas paraître le rabat-joie de la « grande fête du football » – sur les choix éditoriaux des responsables de la télévision. Car, en effet, dans le même temps (c’était le 9 août) un rapport très alarmant, rédigé après une étude de plusieurs années par le « Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (le G.I.E.C) », était rendu public. Si quelques articles de fond sont parus dans la presse écrite, les journaux télévisés se sont eux contentés d’évoquer rapidement les données savantes sur le changement climatique. Un phénomène qui concerne pourtant l’avenir de milliards d’humains et annonce une catastrophe planétaire. Par ailleurs, sans vouloir être râleur ou chagrin, il faut bien remarquer que, depuis le premier confinement, les journaux télévisés traitent des sujets fades et de peu d’intérêt. Certes, l’actualité impose très souvent sa monotonie quotidienne et, personne ne le nie, il est souvent difficile de trouver de nouveaux angles à des sujets incontournables. Il en va ainsi pour la Covid et ses mutants, par exemple. Constatons-le : depuis des mois, les journaux télévisés diffusent les mêmes et sempiternelles images flanquées de commentaires insipides. C’est un fait ! Nous sommes gavés de gros plans de seringues, d’aiguilles piquées dans les épaules des candidats à la vaccination, de tableaux graphiques montrant les fluctuations de l’épidémie, du nombre des hospitalisations et des malades placés sous oxygène, des pseudos-interviews réalisées sur un bout de trottoir de commerçants inquiets, de restaurateurs lassés, de propriétaires de bars, d’hôtels et de discothèques éplorés qui répètent, le cœur sur la main, que leurs revenus baissent et que les aides de l’État ne sont pas suffisantes. Il y en a assez de cette routine télévisuelle ! Et demain ce sera la rentrée sociale. Que peut-on attendre des journaux télévisés ? Soyons sûrs qu’à la fin de ce mois et en début septembre, les chaînes (qu’elles soient publiques ou privées) nous diffuseront les reportages identiques à ceux que nous voyons chaque année. Nous aurons, c’est certain, des images et des commentaires sur le coût des fournitures scolaires, sur la première entrée des bambins en larmes dans une cour de récréation. On nous présentera aussi les prévisions syndicales avec -sans doute- l’annonce de quelques grèves à venir dans l’Éducation nationale et ailleurs, on nous entretiendra encore du retour des salariés dans les entreprises dont les responsables réfléchissent toujours aux bienfaits ou méfaits du télétravail. Ces marronniers permanents ne devraient pourtant pas justifier, dans les éditions de grande écoute, la rareté voire l’absence quasi-totale de l’actualité internationale ? Celle qui nous indique la santé du monde dans lequel nous vivons. N’aimerions-nous pas savoir, par exemple, ce que sont devenus les centaines de victimes dont les habitations ont été détruites après les inondations qui ont fait 36 morts et 7 disparus en Belgique au mois de juillet dernier, ne souhaiterions-nous pas connaître les situations actuelles des allemands victimes des intempéries et qui, dans la région de Rhénanie-Palatinat, ont tué 132 personnes et en ont blessé 766, sans oublier les 47 familles qui ont péri dans les inondations en Rhénanie-du-Nord et c’était aussi en juillet ? Et encore, la télévision semble avoir choisi de ne plus parler, ou si peu, de la grande misère de la guerre civile, de la famine et des viols en Éthiopie, du Liban qui agonise, de Taïwan menacé par l’armée chinoise au point -et des collèges d’experts l’affirment – qu’un conflit entre ces deux pays déclencherait la troisième guerre mondiale etc.
C’est donc bien par ces choix éditoriaux que la télévision et ses journaux perdent, aux yeux du public et surtout auprès des jeunes gens, de la crédibilité.

Éric Yung