Romorantin : Au chevet de la planète, sous la prose de Louis de Redon, des pistes humanistes


L’enseignant chercheur et juriste de Redon, par ailleurs conseiller municipal d’opposition de Romorantin, devenu conseiller auprès du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, ne chôme pas. Outre ce CV, il est un auteur prolifique : après “Justice pour la planète” (Editions de l’Atelier, 2022), il vient de faire paraître, aux éditions La Singulière, une analyse juridique, philosophique et éthique de notre rapport à Dame nature.
À côté d’une tasse de thé fumante un dimanche après-midi, un livre crie : « Cessez-le-feu ! Un traité de la paix avec la nature » (*). Le titre, imprimé sur une couverture végétale, travaillée par l’artiste Pablo S. Herrero, happe d’emblée l’attention du lecteur qui comprend qu’il va s’agir de près ou de loin de changement climatique. D’accord, la paix, mais… comment ? Lorsque les hommes n’arrivent pas eux-mêmes à cohabiter ensemble, durablement, pacifiquement sur leurs territoires respectifs, au regard des récentes actualités de guerres en Ukraine et Israël ? Le thème, dès la lecture de cet intitulé, apposé sur les 450 et quelques feuilles -, agrémentées de petits dessins bien sentis par le professeur du lycée parisien Fénélon, Bruno Anselme-, du nouveau livre de l’expert Louis de Redon (Cf. l’encadré), intrigue, interpelle, annonciateur d’un propos d’une vaste portée. Puis, dès la préface, signée par Alain Juppé s’il-vous-plaît, l’ancien Premier ministre et maire de Bordeaux, « symbole » selon M. De Redon, d’« une droite humaniste et de progrès », la teneur d’un texte érudit, dans ce qui ressemble à une petite encyclopédie, se confirme. Pour autant, que les potentiels lecteurs (et lectrices!) ne soient pas effrayés par des pages trop intellectuelles, puisque Louis de Redon a justement pensé son livre essai comme un exercice de vulgarisation. Sa prose est accessible à tout un chacun, qui s’intéresse un tant soit peu au monde et à l’environnement qui l’entourent, dans un ère de changement climatique. «Ce travail d’écriture a débuté en 2018, les deux confinements ont bien aidé et aussi, sans se prendre au sérieux, et il faut toujours positiver, le fait d’être battu aux élections, ça libère du temps ! » relate et plaisante Louis de Redon, qui a brigué le fauteuil du maire de Romorantin aux élections municipales de 2013 et de 2020. Passée cette genèse, en s’attardant sur le fond, son écrit se révèle d’autant plus intéressant et à mettre dans toutes les mains, que l’écologie paraît si familière à tout le monde qu’en fait, personne ne sait vraiment ce que cela signifie. Ce “traité de paix”, paru aux éditions La Singulière, dans toutes les bonnes libraires, aussi bien physiques qu’en ligne, depuis le 6 octobre 2023, permet de remettre la maison commune au centre du village. Et, en même temps, n’existe-il justement pas déjà de nombreux livres sur l’écologie ? «Non, il n’y a en pas de ce type. Oui, bien sûr, beaucoup de livres tentent un peu de vulgarisation sur un sujet objectivement très complexe; je ne suis pas certain que beaucoup de gens se rendent compte en effet de ce qu’est réellement l’écologie qui est une donnée scientifique, et même très mathématique. On s’aperçoit que les biologistes, les philosophes, les sociologues, font un effort de vulgarisation mais en fait, à l’interface du droit, il y a peu de choses à lire. Les juristes font de l’entre-soi, parlent uniquement aux juristes. Peu d’ouvrages se demandent comment la nature est protégée, comme le droit de l’environnement se saisit du sujet. L’objectif de mon livre est donc de répondre à cette question : le droit protège-t-il bien la nature ? La réponse est évidemment non, car sinon, nous ne serions pas là où nous en sommes.»

«L’homme peut être la solution »
Ce postulat étant posé, quelles pistes de cohabitation avec la nature peuvent alors se dégager face à un être humain pyromane et à la tentation du repli sur soi ? Le livre de Louis de Redon s’articule en deux parties, disruptives : la première réalise un exposé sur nos libertés individuelles établies (d’association, de propriété, de procréation, d’expression, etc.) et leurs limites; la seconde traite de la société et de la notion de patrimonialité commune.
« C’est-à-dire qu’on peut par exemple imaginer un droit de propriété qui ne serait pas écarté mais encadré pour éviter de porter préjudice à la nature. Il va nous falloir faire évoluer le droit face aux enjeux de biodiversité pour trouver de nouveaux équilibres », illustre l’auteur. « Le climat, les gens voient désormais de quoi on parle. La biodiversité, c’est plus compliqué; la sauver, ce n’est pas se contenter de mettre dans un article de presse une illustration avec un panda, ou bien faire un chèque au WWF ! C’est tout un écosystème à préserver, les insectes, les vers de terre, sans oublier la gestion de l’eau… Bon nombre pensent de plus que l’homme est le problème; mon idée est de dire que l’homme peut-être au contraire la solution, d’où la proposition d’une écologie humaniste. Il nous sera de toute façon impossible d’avoir la peau de la nature qui, au bout d’un temps certain, repartira, elle, dans un cycle ; si on pousse l’écologie jusqu’au bout, l’homme lui disparaîtra, comme nos cousins évolutifs, il n’y a pas de raison … Y compris les chats, même s’ils veulent dominer le monde (Rires) ! On va seulement pour le meilleur et le pire laisser quelques déchets nucléaires qui vont durer un peu plus longtemps… mais tout le reste aura disparu ! Mon livre est en quelque sorte un geste citoyen qui permet de se constituer une culture générale scientifique. Mon « traité de paix » prend un peu les gens par la main pour un minimum de conscience en droit, pour leur démontrer qu’ils peuvent agir à leur échelle, via notamment l’exercice du suffrage universel. Il s’agit de leur faire réaliser ce qui marche, ou non, et ce que nous pouvons reconstruire.» Mais, pour garantir notre survie, les remèdes, ne les avons-nous pas en notre possession, et ce, depuis un moment ? Jacques Chirac, lors du sommet de Johannesburg en 2002, avait déploré que la maison brûlait et que nous regardions ailleurs… « Aujourd’hui, nous regardons, mais encore trop à travers les flammes, » répond M. de Redon. «Il ne sert à rien de tomber dans l’écologie de régression, la décroissance, la misanthropie, ni dans le « c’était mieux avant », car le risque serait à terme le conservatisme et la rencontre avec des partis extrêmes. Cela ne règlerait pas le problème écologique, nous y perdrions tous; il suffit de voir comment les régimes dictatoriaux protègent leur nature… Par contre, cela créerait c’est sûr de gros soucis politiques ! Comme Barack Obama, pour la marche de Selma (contre les discriminations en 2015, ndrl), il faut plutôt partir du principe qu’il convient de continuer la marche débutée par les précédentes générations sans cracher sur celles-ci. À chacun de faire sa part, en évitant la corbeille vide et sans omettre la transmission.» Pour commencer, pourquoi pas de fait, en lisant ce “traité de la paix avec la nature ” signé Louis de Redon. Plus qu’un acte de consommation livresque, pour en finalité, être dans une action terrestre ! Une espèce de fable modernisée du colibri.

Émilie Rencien
(*) Livre « Cessez-le-feu ! Un traité de la paix avec la nature », imprimé au prix de 29,99 euros; ebook contre 19,99 €. Plus d’informations sur https://www.lasinguliere-editions.fr/livre/cessez-le-feu/

 

En guise de rapide biographie
Louis de Redon est ingénieur agronome de formation initiale (AgroParisTech), il est diplômé en agroécologie et en droit de l’environnement. Il travaille à l’interface des sciences du vivant et du droit. Il est juriste et avocat; il a défendu devant la justice des associations environnementales (vénerie sous terre du blaireau, lutte contre l’engrillagement de la Sologne, etc.). Il est également, actuellement, conseiller ressources naturelles, biodiversité, bois et forêt auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, Marc Fesneau; “un beau challenge” d’après lui dans “une vie faite de périodes et de parenthèses”.
É.R.