Sur des maux 2023, des mots pour 2024


La page est tournée. Enfin, le père Noël est parti, avec la cuvée 2023. Oui, replay : je n’aime pas Noël. Pour diverses raisons qui m’appartiennent. Aussi, parce que j’ai grandi et que le bonhomme barbu au manteau rouge n’existe pas vraiment, encore davantage dans une époque où l’opulence individualiste et dispendieuse des uns contraste férocement et tristement avec l’indigence sous la terreur et les bombes des autres. Ce n’est pas politiquement correct de le crier haut et fort ; néanmoins, je ne suis pas la seule (natalophobe, c’est le terme consacré) qui exècre la surconsommation et la dimension trop commerciale d’une date dont certain(e)s ont perdu de vue la signification originelle, les repas hypocrites de famille avec laquelle on ne s’entend pas toujours, les cadeaux obligés d’offrir pour offrir alors que d’aucuns dorment dehors dans l’indifférence générale, le foie gras et les achats irraisonnés d’animaux qui ne sont pas des peluches, etc. Comme sur beaucoup d’autres sujets, la société formate, vend du rêve fantasmagorique et ce n’est pas bien perçu d’être à contre-courant, et pourtant…
La différence est à cultiver en 2024 : la liberté de penser est si chère, la mienne, la vôtre, la nôtre; à chérir plus que jamais ! D’autant plus en ces temps qui risquent, je ne veux pas vous saper le moral d’emblée, de présenter des fèves à nouveau grisées et en toc dans cette nouvelle galette 2024. Peut-être faudrait-il se souhaiter une “mauvaise année” pour conjurer le mauvais œil ? Ne soyons pas trop rebelles dès les premières semaines de ce nouvel an. « Le bonheur est le prix de l’audace» (Félix Lope De Vega). Et s’il convient de se plier à l’exercice “‘en voeux-tu en voilà”, j’aime retenir cette formule d’origine espagnole pour aborder 2024 avec un mot oublié et ensoleillé : l’optimisme !
Sans sombrer dans des prophéties à la Nostradamus, et sans se voiler la face non plus, comme en 2023, nous reprendrons bien sûr, sans doute les mêmes et nous recommencerons. Des souris et des hommes sur une planète en mode Titanic qui par alternance s’assèche et se noie. Des hommes aussi qui poursuivront leurs conflits d’une poudre à canons dignes du roman fataliste “Guerre et paix” de Tolstoï et d’un dialogue de Platon qui détermine que « La plupart des hommes au pouvoir deviennent des méchants.» Des élus, justement locaux et nationaux, qui nous gratifieront de longs épisodes de turpitudes sans fin, avec un côté à la fois lassant et addictif, avouons-le, et que chacun(e) se surprend à suivre sans s’en rendre compte, quasiment comme une quotidienne de la Star Academy. Les élections européennes de juin marqueront peut-être un stop à ce feuilleton, ou le relanceront de mélodies douteuses. Des tribunaux populaires, nourris par les biberons des réseaux sociaux, risquent de continuer d’alimenter des déballages médiatiques aux puits sans fond, et de remplacer la présomption de culpabilité par la présomption d’innocence. Même le Président de la République aura pêché en plongeant tête-bêche dans l’affaire Depardieu, possiblement pour cacher l’arbre de la loi immigration par une forêt de divertissement, mais oubliant les victimes et le travail de la justice en cours, prenant parti là où la raison gardée et la neutralité auraient été plutôt avisées. Mais, mais, petits arcs-en-ciel en vue : les Jeux Olympiques Paris 2024, et pourquoi pas, une révolution féministe et un respect des droits des femmes qui passeront, enfin, à la vitesse supérieure.
À l’instar des lettres au père Noël, les bonnes résolutions (perdre du poids cette fois, devenir millionnaire… ) sont le plus souvent illusoires. Je préfère au final parler de leitmotiv et celui de 2024 sera le suivant pour ma part : de l’audace et de l’hardiesse, aujourd’hui plus qu’hier ! J’ajouterai l’idée qu’ “écrire, c’est transformer à l’aide de la grammaire un chagrin en bonheur” (Jean d’Ormesson), avec ma plume qui demeurera libre, aujourd’hui comme hier, refusant Chatgpt et intelligence artificielle. J’élargirai enfin ce prisme en souhaitant particulièrement, à l’ensemble de notre profession dans la presse, douze mois de liberté d’expression journalistique et d’engagements éditoriaux. Sans oublier évidemment, mes meilleurs vœux adressés à notre fidèle lectorat sans lequel nous ne serions rien !

Émilie Rencien